Pâtés impériaux ou nems (chả giò / nem rán)

Par Misstam @KitchenMissTam

Le nouvel an vietnamien et chinois approche. C’est l’occasion d’aborder un plat de fête, l’une des spécialités vietnamiennes les plus populaires hors du pays et chez nos amis non-Vietnamiens : les pâtés impériaux ou plus connus aujourd’hui sous le nom de nem.

Est-il encore nécessaire de présenter ces petits rouleaux frits à base de galette ou feuille de riz à la farce de porc haché, de crevettes, de crabe, de poulet ou bien de légumes pour la version végétarienne, que l’on déguste avec une feuille de salade et des herbes aromatiques exotiques, trempés dans la sauce de saumure de poisson aigre-douce ? Ils sont présents sur toutes les cartes des restaurants vietnamiens et même parfois chinois. On les aime en entrée, en plat de résistance avec des vermicelles de riz, ou en garniture d’accompagnement comme dans le bo bun.

Le nom de ce plat est déjà toute une histoire…

En vietnamien, le pâté impérial ou nem possède pas moins de cinq à six appellations différentes suivant les régions. Au sud, c’est chả giò (=hachis croustillant, sans doute une déformation du mot giòn, croustillant), au nord, nem (=hachis de porc) ou nem rán (=hachis de porc frit) ou encore nem Sài Gòn (=hachis de porc de Saïgon), au centre, chả ram (=hachis revenu à la poêle), chả cuốn (=hachis enroulé), cuốn ram (=rouleau revenu à la poêle).

Dans les pays anglophones,  on désigne les pâtés impériaux ou nems sous différents noms aussi : Egg rolls, Vietnamese rolls, Fried Spring rolls, Spring rolls. En effet, il existe une autre variation de nem fait avec la pâte de blé et d’œuf comme la pâte de raviolis won ton chinois. C’est pourquoi en anglais, on trouve souvent l’appellation Egg rolls pour les nems, mais encore spring rolls, Crispy ou Fried spring rolls (rouleaux de printemps croustillants ou rouleaux de printemps frits) qui font penser aux rouleaux de printemps chinois. Cela crée d’ailleurs une confusion de nom avec un autre plat vietnamien, les fameux rouleaux de printemps non frits avec de la salade, des crudités, des crevettes et du porc (en vietnamien, gỏi cuốn). Pour le distinguer des rouleaux de printemps crus (comme on le dit en France), les anglophones les baptisent Summer rolls (rouleaux d’été, également en usage au Canada et en Suisse).

En français, on dit pâté ou rouleau impérial parce que selon une légende, ce mets aurait été très apprécié à la cour impériale dans une époque lointaine de l’histoire du Vietnam, avant l’invasion des Chinois. Outre cette légende, on aurait trouvé les premières traces écrites sur ce plat vers 1745. Il se dégustait à la cour des Nguyên (et peut-être le peuple aussi?), lors des fêtes, des cérémonies, notamment au nouvel an. Puis il s’est « démocratisé ». Sans aucune certitude, une anecdote concernant la confusion du nom « rouleau de printemps » pourrait provenir de Français (durant leur présence au Vietnam) qui auraient un jour commandé des « rouleaux frits » sans pouvoir nommer le plat. Les Vietnamiens leur auraient raconté que ce plat se dégustait au nouvel an, en célébration de l’arrivée du printemps (vietnamien). Ainsi de confusion, ces Français les auraient désignés par erreur comme étant des rouleaux de printemps.  Suite à cela, pour différencier des « faux » rouleaux de printemps (frits), certains Vietnamiens expatriés auraient nommé « rouleaux d’été » pour la version avec la galette crue. Ce qui expliquerait peut-être l’appellation équivalente en anglais Spring rolls et Summer rolls. Mais encore une fois, cette anecdote ou cette supposition n’est pas vérifiable.

Depuis quelques années en France, on a laissé de côté le terme pâté impérial pour un nom plus court, le nem. Ce qui semble plutôt approprié considérant le terme utilisé dans le nord du Vietnam (nem en version courte, nem rán ou nem Sài Gòn).

La recette des nems et ses innombrables variations sont une autre histoire…

C’est un plat qui se déguste du nord au sud du Vietnam avec des variations d’ingrédients suivant les régions.

La version du sud au Vietnam :

Les chả giò sont généralement composés de viande de porc hachée avec des crevettes ou crabe, ou la version marine avec crevettes et crabe, ou la version végétarienne avec divers légumes. Ils sont mélangés à un légume croquant comme la carotte, la chayotte ou le pois patate (jicama), à une tubercule (le grand taro, la patate douce), les champignons noirs, les oignons et souvent des vermicelles transparentes de soja (mais pas toujours).  La farce est enroulée dans une galette fine de riz (feuille de riz translucide).  Accompagnement : Feuilles de salade, herbes aromatiques, sauce de saumure de poisson aigre-douce. Les rouleaux sont de petite taille, environ 6 à 7 cm de long.

La version du centre au Vietnam :

Les cuốn ram, chả ram ou chả cuốn sont souvent plats, rectangulaires ou triangulaires. La farce est souvent composée de viande de porc maigre hachée, de carotte et de navet blanc, de champignons noirs, de vermicelles transparentes de soja et d’oignon, enveloppée dans une galette/feuille de riz (parfois au sésame : bánh tráng mè). Accompagnement : salade, herbes aromatiques, sauce de saumure de poisson aigre-douce.

La version du nord au Vietnam :

C’est la version la plus proche de celle qu’on trouve dans les restaurants en France.  Les nem rán  ont souvent une farce est composée de viande de porc hachée ou de blanc de poulet, ou de crevettes avec crabe, carotte,  pois patate, germes de haricots mungo (“pousses de soja”), vermicelles transparentes de soja, champignons noirs, champignons parfumés (shiitake), un oeuf (blanc, jaune ou entier) et oignon. Celle-ci est enroulée dans une galette/feuille de riz fine. Accompagnement : salade, herbes aromatiques, sauce de saumure de poisson aigre-douce. Les rouleaux sont souvent plus grands et plus longs que ceux du sud, et servis coupés en tronçons.

Selon l’auteur culinaire Bùi Thị Sương qui a récemment publié au Vietnam un ouvrage sur les pâtés impériaux des trois régions du Vietnam : Chả giò ba miềng, co-écrit avec Bùi Thị Minh Thủy, il y aurait pas moins de 76 variétés de nems. On peut trouver aujourd’hui de nouvelles recettes : des nems avec toutes sortes de viandes, de poisson, de crustacés, des nems sucrés salés (à la banane et hachis de porc), des nems sucrés aux fruits divers (au durian!), des nems à l’escargot (dans le nord), des nems avec la galette de vermicelles de riz (bánh hỏi), des nems sous différentes formes (triangulaires et plates comme dans le centre du Vietnam) ou différentes enveloppes, etc…

Mais à l’origine, les nems étaient essentiellement confectionnés avec la galette de riz. Son utilisation est assez délicate, notamment pour obtenir une dorure et le bon croustillant. Les différences de qualité entre les marques, la manière de réaliser ses rouleaux (farce et friture), tout cela peut influencer le croustillant des nems. Parfois ils peuvent aussi être coriaces ! Surtout si on ne les consomme pas rapidement, le contact de l’humidité, de l’air étant nuisible au croustillant de la galette de riz. Ainsi beaucoup de Vietnamiens préfèrent prendre moins de risque et utiliser aujourd’hui des feuilles à base de farine de blé et d’œufs similaires aux feuilles de won ton chinoises. Cela a l’avantage d’avoir une cuisson rapide, une belle dorure qui n’est pas tout à fait possible (ou très peu) avec les galettes de riz, et le croustillant reste parfait pendant longtemps. Cependant, pour les puristes et gastronomes vietnamiens, rien ne peut remplacer la fine galette de riz, si typique de la cuisine vietnamienne et de ce plat. Imaginez un instant… la soupe pho de nouilles de riz au boeuf, avec des tagliatelles italiennes (c’est la même forme, mais à base de farine de blé!)…

Quelques astuces :

En ce qui me concerne, pour les nems, je préfère les galettes de riz, quitte à avoir parfois de mauvaises surprises. Fort heureusement, il y en a eu que très peu jusqu’à présent. Voici quelques notions à savoir pour optimiser le croustillant des nems avec les galettes de riz.

  • Une bonne marque de galette de riz ( ! )
  • Une farce pas trop humide = favoriser les tubercules farineuses (taro, patate douce qui sont utilisées dans la version du sud), la viande ou les crustacés, les vermicelles de soja ont la fonction de pomper l’humidité, la quantité réduite de carotte, navet, chayotte, ou germes de haricots mungo…
  • Une réhydratation rapide des galettes sans trop d’humidité = ne jamais tremper vos galettes plus de 10 secondes dans l’eau !
  • Bien serrer les rouleaux, mais pas trop = risque de rouleaux déchirés
  • Humecter avec de l’eau vinaigrée = enveloppe plus croustillante
  • Une friture avec pas trop d’huile = éviter le bain d’huile si possible. Préférer de l’huile à hauteur des nems dans une poêle large. Les nems ne doivent pas se toucher dans un premier temps. Une fois un peu frits, ils peuvent se toucher sans coller. On rajoute toujours les nouveaux rouleaux dans la poêle d’abord par les bords où l’huile est moins chaude qu’au centre de la poêle. Puis on roule les nems déjà frits au centre, avant d’en ajouter. Cela évite que les nems se déchirent…
  • La température de friture = à 180°C  pour saisir les nems, puis baisser à feu moyen en maintenant un petit frémissement d’huile. Cuire pendant 20-25 minutes environ.

Dans la version que je vous propose ci-après, j’ai remplacé le (grand) taro difficile à trouver par la patate douce qu’on trouve facilement, je ne mets pas d’œuf (il y a toujours un œuf dans la version du nord) car la patate douce fait déjà office de « liant »,  je choisis de mettre seulement de la carotte (très peu) pour ne pas trop humidifier ma farce, je ne mets pas de germes de soja (composés de 95% d’humidité, version du nord) qui à mon goût n’apportent  rien de spécial sur le plan gustatif et donnent trop d’eau dans la farce. Je me concentre plutôt sur l’accompagnement avec une grande variété d’herbes aromatiques (quand on trouve les herbes) pour offrir plus de saveurs à mes nems.

Voici ma recette des pâtés impériaux ou nems (chả giò / nem rán) :

Pour 4 personnes soit 28 petits rouleaux de 6-7 cm de long.

Préparation : 45 minutes.

Cuisson : 20-25 minutes par poêlée de 10-15 rouleaux selon le diamètre de la poêle.

Ingrédients :

Farce :

  • 300 g de porc haché (échine ou palette)
  • 150 g de crevettes crues décortiquées hachées grossièrement
  • 100g de patate douce en julienne (1/3 patate)
  • 50 g de carotte en julienne (1/2 carotte)
  • 10 g de champignon noir séché
  • 20 g de vermicelles de soja (transparentes)
  • 1 oignon finement haché
  • 1 cuillère à café de sel fin
  • 1 cuillère à café de sucre en poudre
  • 1 cuillère à café rase de poivre blanc moulu

  • 30 galettes de riz de 18 cm de diamètre ou galettes carrées de 17 cm de côté
  • 2 cuillères à café de vinaigre
  • 2 cuillères à café de sucre
  • 1 bol d’eau tiède-chaude

Sauce nuoc mam préparée (saumure de poisson diluée aigre-douce) :

  • 2 cuillères à soupe de nuoc mam pur (saumure de poisson)
  • 3 cuillères à soupe de sucre en poudre
  • 2 cuillères à soupe de vinaigre de riz
  • 2 cuillères à soupe de jus de citron vert pressé
  • 9 cuillères à soupe d’eau chaude
  • 1 ou 2 gousses d’ail haché
  • Piment rouge épépinée et hachée selon goût et envie

Accompagnement :

Feuilles « Fish mint » ou Houttuynia cordata (en vietnamien, Rau giấp cá, dấp cá ou diếp cá) en forme de cœur et au senteur de poisson.

  • Feuilles de batavia ou de laitue
  • Une variété d’herbes aromatiques : menthe, feuilles de pérille ou shiso (rau tía tô), coriandre vietnamienne (rau răm), coriandre chinoise (rau ngò, rau mùi), et l’indispensable « fish mint » ou feuilles d’houttuynia cordata (rau giấp cá, dấp cá ou diếp cá) aux senteurs surprenantes de poisson, qui se dégustent entre autres avec les nems ou les crêpes vietnamiennes, bánh xèo.
  • Des vermicelles de riz (si les nems sont servis comme plat de résistance)
  • Des pickles de carottes et de navet blanc (aigres-doux)

Préparation :

  • Faire tremper séparément les champignons noirs et les vermicelles de soja dans l’eau tiède pendant 20 minutes.

  • Décortiquer les crevettes entièrement. Couper en petits morceaux. Réserver.

  • Laver, peler et couper en julienne la 1/2 carotte et le morceau de patate douce.
  • Hacher finement l’oignon.
  • Laver les champignons noirs, essuyer, supprimer les parties dures (à la base des champignons) et hacher finement.

  • Essorer les vermicelles de soja, égoutter et couper aux ciseaux des tronçons de 3 cm environ.

  • Dans un récipient, mélanger de façon homogène tous les ingrédients de la farce : viande de porc hachée, crevettes hachée au couteau, vermicelles transparentes de soja, champignons noirs, carotte, patate douce, oignon, avec sel, sucre et poivre.

Confection des nems :

  • Préparer et mélanger un grand bol d’eau chaude (pas bouillante) avec 2 cuillères à café de vinaigre et 2 cuillères à café de sucre. Étaler un torchon propre sur la table. Et si possible, prévoir une éponge propre à l’usage exclusif pour les galettes de riz, ou utiliser un pinceau. Une planche ou un plat pour entreposer les nems.

  • Poser la galette de riz à plat. A l’aide de l’éponge ou du pinceau trempé dans l’eau vinaigrée, bien humecter toute la surface des deux côtés de la galette. Elle ramollit, devient souple doucement. Faire de même pour la 2ème galette à côté, pour laisser la 1ère galette continuer à se ramollir.

  • A l’aide d’une cuillère à soupe, prendre une petite portion et la poser sur la 1ère galette devenue souple et manipulable, près du bord vers soi. Former un petit boudin d’environ 6-7 cm de long.

  • Plier le bord pointé vers soi, sur la farce.

  • Plier les bords sur les côtés, en les ramenant sur la farce.

  • Puis terminer d’enrouler la farce vers l’extérieur en évitant de trop serrer (la farce gonfle un peu à la cuisson). Au bout du rouleau, si le bord ne colle pas bien, humecter un peu le bord pour sceller le rouleau.

  • Faire de même pour le reste de la farce et des galettes.

Idéalement, il serait bien de laisser « sécher » les rouleaux au réfrigérateur pendant une heure voire plus. Mais on peut tout à fait frire les rouleaux tout de suite après les avoir confectionnés.

  • Verser de l’huile dans une grande poêle large à bords hauts ou éventuellement un wok. Idéalement, l’huile doit à peine recouvrir la surface des nems. Chauffer l’huile jusqu’à 180°C (cela fait de petites bulles autour des baguettes lorsqu’elles touchent le fond de la poêle.

  • Glisser délicatement les nems sans se toucher entre eux. Sinon, ils colleront ! Faire frire par petites quantités de nems. Les retourner régulièrement. Au bout de 10 minutes, baisser à feu moyen en maintenant un petit frémissement d’huile. Continuer de frire les nems pendant 10 à 15 minutes. Compter environ 20-25 minutes au total pour cuire la farce, obtenir un bon croustillant et faire dorer les nems (qui ne le seront jamais tout à fait avec ces galettes de riz).

  • Prévoir un plat ou une planche avec du papier journal, une feuille de cuisson ou du papier ménage (essuie-tout) pour absorber l’excès d’huile de cuisson à la sortie des nems et si possible, les déposer sur une grille pour que cela ne ramollisse pas du côté qui touche le papier.
  • Faire de même pour le reste des nems à frire, par poêlée de 10-15 nems selon la grandeur de la poêle / wok.
  • Pendant que les nems cuisent dans leur huile de friture, préparer la sauce d’accompagnement, le nuoc mam préparé (en vietnamien, nước mắm pha  (sud) / nước chấm (nord)).

Sauce nuoc mam aigre-douce :

  • Dans un grand bol, verser l’eau chaude et le sucre.
  • Mélanger jusqu’à dissolution complète du sucre (l’eau chaude aide à dissoudre le sucre plus rapidement).
  • Verser ensuite le nuoc mam (saumure de poisson), le vinaigre de riz et le jus de citron vert. Rectifier selon votre goût.
  • Ajouter l’ail haché et le piment (selon goût et envie).

Préparation des herbes et de la salade :

  • Laver toutes les herbes aromatiques et la salade verte. Essorer.
  • Disposer la verdure sur un grand plat ou une grande assiette.

Une fois que l’excédent d’huile des nems est absorbé, disposer les nems dans un plat. Et voilà, tout est prêt pour la dégustation. Vous pouvez les servir en entrée avec les herbes variées et la salade.

Comment déguster les pâtés impériaux ou nems :

  • On pose un nem sur une ½ feuille de salade,
  • On ajoute quelques herbes variées,
  • On roule et on trempe le tout dans la sauce de saumure de poisson aigre-douce.

Et si vous voulez le servir comme plat de résistance, ajoutez des vermicelles de riz (les bún) et quelques légumes aigres-doux (carottes et navet blanc).

Comment conserver ou réchauffer les pâtés impériaux ou nems :

  • Si vous ne voulez pas tout frire, il suffit de pré-frire pendant 10-15 minutes. Absorber l’excédent d’huile, laisser refroidir. Congeler ou conserver au réfrigérateur (max. 2 jours)
  • Le lendemain ou après décongélation, faire frire encore 15 minutes ou plus selon le degré de croustillant obtenu.
  • Une fois que c’est complètement frit, les pâtés impériaux ou nems ne se conservent pas très bien. On peut éventuellement les réchauffer soit à la poêle, soit au four sur une grille. Mais on ne retrouvera jamais le croustillant de la première friture complète.

Bonne réalisation et bonne dégustation !