Discordance

Publié le 15 janvier 2014 par Lecteur34000

« Discordance »

JÖRGENSDOTTER Anna

(Lattès)

Un beau roman dans la belle tradition du roman scandinave. Un roman social dans lequel les femmes occupent une place majeure. Même s’il s’agit dans « Discordance » de l’histoire d’une fratrie. Même si Edwin et Otto, les deux garçons, la ponctuent de ses silences pour l’un et ses errements pour l’autre. Ce sont bel et bien les trois sœurs (Karin, Sofia et Emilia) qui donnent chair au récit. Dans le passage d’une Suède rurale, celle de l’avant Seconde Guerre Mondiale, à une Suède industrielle, riche et apparemment prospère de l’après Guerre. Chacune s’essaie à se trouver une place dans une société mouvante. La guerre n’est qu’une parenthèse qui ne fait qu’effleurer cette société là. Karin, Sofia et Emilia oscillent entre tradition et modernité. Elles vivent sans vraiment s’y impliquer les affrontements politiques. « Ce sont tous des mécréants dans la fratrie… A quoi cela sert-il de tendre l’autre joue, sinon à recevoir deux claques au lieu d’une ? » Malgré la violence extrême d’un conflit qui parvient jusqu’à leurs périphéries. « Tout cela semblerait suivre un ordre immuable, comme si chacun savait exactement quels gestes accomplir : pour réconforter, pour continuer à exister. » Vivre. Passer du presque rien à un relatif confort. Surmonter les drames. S’inscrire dans ce qui s’apparente au progrès. « Et pour Arvid l’avenir est diffus, tel un rêve plaisant… scintillant… L’oubli des humiliations passées. Pauvreté est un mot qui n’a pas sa place dans le pur et radieux avenir. »

A travers ses personnages, Anna Jörgensdotter jalonne l’histoire de son pays de moments d’un vécu multiple. Un pays vers lequel se tournèrent les regards de celles et ceux qui se cherchèrent un modèle, des références. Un pays confronté à ses contradictions, celles qu’incarnent ces personnages. Un pays où l’on s’affronta pour des idées, où l’on fit preuve aussi de courage et de générosité. Ces femmes-là, ces hommes-là cheminent, luttent parfois, rêvent souvent et l’écriture de la romancière leur confère une bouleversante et fort belle authenticité.