Les escapades de François Mitterrand à Venise avec une artiste

Publié le 16 janvier 2014 par Oliaiklod @Olia_i_Klod

Tous nos lecteurs savent déjà que François Mitterrand aimait Venise, et qu’il venait s’y ressourcer, en cachette, souvent avec sa fille Mazarine, et qu’il logeait alors dans Dorsuduro…

… nous avons obtenu, pour vous, le témoignage de Maurizio Crovato, chroniqueur vénitien.

Qu’est-ce que la sainteté de la vie privée, je l’ai compris en Février 1986. J’étais journaliste à Venise. Écrire sur les faits des autres était mon travail.

J’allais à la Biennale, la journée était froide et ensoleillée, depuis les jardins de la Biennale, on pouvait voir les îles de la lagune et la circulation dans le bassin, qui, à cette époque n’était pas aussi intense que ce qu’elle est aujourd’hui. Il y avait un air de carnaval.

Je vois un vieil homme, vêtu d’un manteau noir, chapeau noir, d’un foulard de soie noire. Visage blanc, les mains dans les poches. Une pâleur étrange. Je le regarde parce qu’il regardait très attentivement l’île de San Servolo, abandonnée à cette époque. "Problemi? Tutto bene?", lui demandais-je, par simple sens civique. " Pas de problème, tout va bien – me répondri-t’il en français - je veux juste savoir le noms des petites îles en face de moi". "Vous êtes un homme chanceux, car je connais bien les îles et leur histoire, j’ai aussi vécu en France". "Alors, vous êtes vénitien de Venise". " Oui, monsieur… mais vous ressemblez terriblement à Mitterrand , le président".

"Tais-toi ; Tais-toi ! Mes gorilles gorilles sont revenus  (les quatre gardes du corps déguisés en touristes, ndlr) vous êtes un ami très cher de Venise et nous avions conclu d’un rendez-vous ensemble. Compris ?". Voici venir les quatre gardes du corps, grands et musclés. Il les fait rester quelques mètres parce qu’il doit parler avec son vieil ami, moi-même. " Si vous avez du temps à perdre faisons une promenade, qui n’aille pas à San Marco, et parlez de la lagune", et il me prend par le bras de manière confidentielle.

"Vous devez savoir mon cher vénitien, que je suis terrifié d’être reconnu partout. Je n’ai pas de vie privée. Pour moi, c’est une chose angoissante. Lorsque vous êtes un citoyen ordinaire, j’aime la bonne vie dans l’anonymat. Venise me permet ce luxe. Je viens souvent toujours en hiver. Pendant carnaval je circule avec un masque noir sur le visage et j’aime me promener dans cette ville. Peut-être était-ce Commynes qui a dit que c’était une ville où même la mort était romantique?". "Qui?" "Commynes l’ambassadeur… Guardi qui a tout simplement aimé la ville et même la République" " Ce n’est pas grave - répond il -  Je suis content que vous le connaissiez".

Nous arrivons à San Pietro di Castello et je lui montre l’ancien patriarcat. Il me dit qu’il vient d’une vieille famille catholique de Charente occitane, que son vrai nom est François Maurice, le nom de son oncle, un prêtre. La Sérénissime était admirable pour sa laïcité. Le pouvoir clérical est sur ​​une île si éloignée du centre politique et commercial. Formidable! Dans la Via Garibaldi nous croisons une famille française et une petite fille en pleurs : papa, papa regarde lui, il ressemble à Mitterrand ! Ne sois pas stupide, dit le père, nous sommes en Italie.

Après avoir erré dans Venise, nous arrivons à la taverne Cugnai, près de l’Academia, parce qu’il avait un rendez-vous en début d’après midi sur la Giudecca avec une artiste vénitienne. Belle et célèbre. Elle l’attendait dans sa garçonnière. Il était âgé de 69 ans, la grande peintre moins.

Allez, viens boire un soupçon de vin blanc avec une bouchée de morue. L’aa vieille propriétaire qui me connaît, hurlant dans le dialecte vénitien émoussé : Maurizio a ti te dago el bianco, ma a to amigo cussì palido xè meio el rosso. Et il ajoute : vecio mio, me par de conosserte. Ma no ti xè de qua, vero? Ma da qualche parte te go visto, forse in television.

"Je suis un citoyen français" répondit amusé Mitterrand tout en me faisant un clin d’œil. Puis il me parle des pierres de Venise, une ville morte, mais vivante, une ville qui adore les contradictions. Une pierre comme son corps vieillissant, tandis que son esprit est encore en train de rêver. "C’est pourquoi. Je l’avoue. J’aime être ici , je suis en ligne entre la vie et la mort". Son obsession comme, dix ans plus tard, il me le confiera lors d’une seconde interview. La relation avec l’au-delà. La deuxième chose qu’il n’acceptait pas, après le manque d’intimité.

"Mais mon cher ami vénitien – dit-il à la fin – je ne vous ai pas encore demandé quel métier vous faites." "Je suis journaliste". Mitterrand reste de marbre. " Cela veut dire que vous allez écrire pour votre journal le récit de de notre promenade et où nous sommes allés? Puis-je demander une chose sur votre honneur, et si vous pouvez jurer, d’homme à homme. Que notre matinée vénitienne puisse rester une affaire privée entre vous et moi?". "Je vous le jure, Monsieur le Président".

Des années plus tard, je ne l’ai jamais regretté.

***

Traduction d’un article écrit par Maurizio Crovato

Cosa significa la sacralità della privacy io lo compresi nel febbraio del 1986. Facevo il cronista a Venezia. Scrivere di fatti degli altri era il mio mestiere.

Stavo andando alla Biennale, la giornata era fredda e piena di sole, dai giardini della Biennale si vedevano le isolette della laguna e il traffico in Bacino non era così violento come oggi. C’era aria di Carnevale.

Vedo un signore anziano, vestito con un cappottino nero, con cappello nero, sciarpa nera di seta. Faccia bianchissima, mani in tasca. Un pallore strano. Lo guardo perché stava fissando attentamente l’isola di San Servolo, a quel tempo abbandonata. "Problemi? Tutto bene?", gli chiedo per puro senso civico. "Pas des problemes, tout va bien – mi risponde in francese – vorrei solo sapere i nomi delle piccole isole che ho di fronte". "Lei è un uomo fortunato – rispondo io – perché oltre a conoscerle bene le isole, ho anche vissuto in Francia". "Dunque lei è veneziano di Venezia!". "Sissignore, ma lei assomiglia terribilmente a Mitterrand, il presidente".

"Zitto! Tacete. Stanno arrivando i miei gorillas (le quattro guardie del corpo travestite da turisti, ndr). Abbiamo un appuntamento concordato e lei è un mio caro amico veneziano. Compris?". Arrivano i quattro buttafuori, altissimi e palestrati. Lui li fa allontanare di qualche metro perché deve colloquiare con un suo vecchio amico, ovvero io. "Se ha del tempo da dedicarmi facciamo una passeggiata, che non sia a San Marco, così mi parla della laguna" – e mi prende confidenzialmente a braccetto.

"Deve sapere mio caro veneziano che io ho il terrore di essere riconosciuto dappertutto. Non ho una mia vita privata. Per me è una cosa angosciante. Quando sono un cittadino qualsiasi, mi godo il bel vivere nell’anonimato. Venezia me lo permette. Vengo spesso sempre in inverno. A carnevale giro con una mascherina nera in faccia e poi mi piace camminare per questa città. Forse era de Commynes che diceva che era una città dove anche la morte era romantica?". "Chi? "Commynes l’ambasciatore. Guardi che non amava proprio la città e nemmeno la Repubblica". "Fa niente – replica lui – sono contento che lo conosca".

Arriviamo a San Pietro di Castello e gli faccio vedere il vecchio patriarcato. Mi dice che lui viene da una vecchia famiglia cattolica della Charente occitana, che si chiama in realtà Francois Maurice, il nome di un suo zio prete. La Serenissima era ammirabile per la sua laicità. Il potere clericale è in un’isola così lontana dal centro politico e commerciale. Formidable! In via Garibaldi troviamo una famiglia francese e una bimba grida: papà, papà guarda questo, come assomiglia a Mitterand! Non dire stupidaggini, risponde il genitore, siamo in Italia.

Dopo aver vagabondato per Venezia, entriamo all’osteria ai Cugnai, vicino all’Accademia, perché per il primo pomeriggio aveva appuntamento alla Giudecca con una artista veneziana. Bella e famosa. Lo aspettava nella sua garçonniere. Lui aveva 69 anni, la pittrice molti di meno.

Dai, dai beviamo un’ombra di vino bianco con un cicchetto di baccalà. La vecchia proprietaria che mi conosce, grida in veneziano schietto: Maurizio a ti te dago el bianco, ma a to amigo cussì palido xè meio el rosso. E poi aggiunge: vecio mio, me par de conosserte. Ma no ti xè de qua, vero? Ma da qualche parte te go visto, forse in television.

"Sono cittadino francese", risponde divertito Mitterand, strizzandomi l’occhio. Poi mi parla delle pietre di Venezia, una città morta ma viva, una città che vive di contraddizioni. Una pietra come il suo corpo che invecchia, mentre la sua mente continua a fantasticare. "Ecco perché. – mi confessa – mi piace stare qui, sono in sintonia tra la vita e la morte". Una sua ossessione che poi scoprirò dieci anni più tardi, fu il suo ultimo saggio intervista. Il rapporto con l’aldilà. La seconda cosa che non accettava dopo la mancanza di privacy.

"Ma mio caro amico veneziano – mi dice alla fine – non vi ho ancora chiesto che mestiere fate". Faccio il giornalista. Mitterand resta di sasso. "Dunque vuol dire che lei riferirà al suo giornale la nostra passeggiata e dove sto andando? Le posso chiedere una cosa sul suo onore? E se può me lo giuri, da uomo a uomo. Questa nostra mattinata veneziana può restare un fatto privato tra me e lei?". Glielo giuro, signor presidente. A distanza di anni non mi sono mai pentito.