Une heure dans un abri anti-aérien à Berlin

Publié le 16 janvier 2014 par Carnetauxpetiteschoses @O_petiteschoses

Avec l’association « Berliner Unterwelten », exploration des mondes souterains

Nous sommes un petit groupe de devant la station de métro de Gesundbrunnen, sautillant d’un pied sur l’autre, impatients de découvrir les histoires que nous réservent les entrailles du métro.

© Yelp

En effet, la découverte de ces “Mondes souterrains” est possible avec l’association Berliner Unterwelten. Ils sont historiens, archéologues, architectes, historiens de l’art, mais aussi des officiers de polices, des retraités ou des enseignants, réunis par leur amour de la ville, tous passionnés de Berlin. Ainsi donc cela fait 16 ans que l’association existe, et qu’elle partage sa passion, avec le public en lui proposant de découvrir la ville par son sous-sol. Projet collaboratif, puisque chacun apporte son savoir et son expertise, il a été récompensé pour son apport à la protection du patrimoine.

La visite se déroule en français, et nous sommes emmené par notre guide passionnée et passionnante, Laure. Elle nous prévient en préambule, que les photos ne seront pas possibles, car bon nombre d’objets ont été prêtés par des musées ou d’autres institutions, qui n’autorisent pas forcément le droit à l’image. Ainsi donc nous rangeons nos appareils et nous nous concentrons. La visite s’annonce bien et sera effectivement captivante.

Nous descendons dans le métro, et nous passons ce qui semble être une porte de service. Peu à peu nous allons nous enfoncer plus bas et nous trouver pendant un peu plus d’une heure, dans ce qui a été un abri anti-aérien, dans les années 1940. Il s’agit alors de comprendre comment les civils ont vécu les bombardements. Les différents indices portent à croire que cet abri était simplement destiné à rassurer les gens, mais pas à s’y installer pour une longue durée. L’inscription “Gasschleuse” dénote le traumatisme de la Seconde Guerre Mondiale, et témoigne du fait que les abris étaient équipés d’un système pour assainir l’air contre les attaques au gaz de combat.

Mais à l’inverse, on note qu’il n’y a pas vraiment, dans les 48 pièces de cet abri de 1200 m2, de système de ventilation efficace, ni de fermeture hermétique. Mis en service en 1941, on sait qu’il existait à cette époque assez peu d’abris et les bunkers pour protéger la population, car l’essentiel de l’investissement allait directement dans l’armement.

Lorsque les premières attaques eurent lieu sur Berlin les 25/ 26 août, Hitler lance un programme de construction d’urgence d’abris dans la ville. Ainsi cette cave est contemporaine de la construction de la station de métro. L’inscription désormais désuette “Abort” signifiait les “commodités”, qui devaient être aménagées, mais la crise met fin à cette perspective.

Si nous avons parlé de bunker et d’abri il est important de bien différencier les deux. Un bunker doit résister au plafond, alors que le fond au dessus de nous, ne fait que 80 cm.
Il fut dévalisé à la fin de la guerre : la pièce dans laquelle on se trouve n’était ainsi pas aménagée de la sorte. Les différentes toilettes n’étaient pas disposées ainsi, il s’agit de prêts, et au sol il est possible de distinguer les traces des cloisons des anciennes cabines.

La pièce a été pillée pour ses équipements et sa nourriture afin de pouvoir survivre dans la ville détruite.

Berlin en 1945 devant la Porte de Brandebourg

Les toilettes pour hommes n’étaient pas prévues car ils n’en avaient pas le besoin (car il étaient à la guerre). La population était ainsi constituée de femmes, de vieillards et d’enfants. Elle s’abritait aussi dans des caves équipées de seaux ou comme ici de toilettes sèches ou à la tourbe.
Sur les murs tout autour de nous, nous pouvons remarquer des bandes blanches spéciales. Il s’agit de peinture à base de zinc et de cuivre. Elle est phosphorescente et elle destinée à assurer un peu d’éclairage lors des fréquentes coupures de courant. En direct, nous faisons l’expérience, et une de nos camarade se met devant le mur que Laure éclaire puissamment. En éteignant les lumières, on découvre la silhouette de notre camarade sur le mur peint. Si effectivement la force de la lumière est aujourd’hui aussi nette, on imagine qu’à l’époque on pouvait voir très confortablement dans ces pièces.

Plus bas nous découvrons dans des vitrines plusieurs objets passionnants, ils racontent le quotidien de la population dans le Berlin de 1945, et nous permettent de partager l’état d’esprit de l’époque.

A la suite de la guerre, une organisation de protection anti-aérienne a été mise en place. Les femmes pouvaient alors se procurer le magazine “La Sirène” dans lequel étaient donnés des conseils de protection mêlés à de la cosmétique. Un jeu de société éponyme pour les enfants, met en scène une famille tranquille et bienheureuse, qui doit se méfier du moment où la sirène retentit, où leur maison brûle, et doit se cacher ou essayer de fuir. A la fin de cette espèce de jeu de l’oie, on retrouve la famille saine et sauve. Enfin, l’affiche d’un squelette qui bombarde un immeuble éclairé, permet à Osram de développer une campagne pour encourager la population à obscurcir sa maison. Pour cela, il était possible de se procurer les fameuses ampoules bleues, à ondes courtes, qui doit disant empêchaient d’être repéré du ciel.

Ce genre de conseils et de consignes ont été appliqués à la lettre par la population à l’époque.

Dans une autre vitrine, on aperçoit plusieurs accessoires destinés à la protection : un masque à gaz d’une valeur d’environ 50 euros, une lampe, une tapette à feu, qui sont ridiculement insuffisants en cas de réel problème.

Nous sommes à entrée d’une pièce pour les mères et leur enfants, en la traversant, nous remarquons effectivement les lits superposés.

Nous arrivons alors dans une pièce dans lequel un banc enceint les mur d’un banc en bois. Nous nous asseyons tous. Depuis que nous avons commencé la visite, nous avons pu remarquer l’indication dans chacune des pièces du nombre de personnes qu’elle pouvait contenir. Nous faisons le constat que nous tenons très confortablement à 20, le nombre recommandé mais il faut comprendre que les gens s’y amassaient à beaucoup plus si bien qu’ils manquaient d’oxygène. En 1943, les bombardements se multiplient, et les gens sont obligés de s’abriter souvent, voir constamment. Beaucoup ont péri en étant enterrés vivants, ou asphyxiés et refusent de descendre s’abriter.

Ainsi donc un système est imaginé lors de la construction (ou reconstruction), une pierre est retirée du mur pour pouvoir ensuite à l’aide d’une pioche laissée à proximité pour pouvoir se dégager des lieux.

Dans ces pièces il faut donc imaginer qu’il y avait 4 à 6 fois plus de personnes que prévu. Ainsi donc c’est en emportant des bougies avec elles que les femmes testaient l’existence de l’oxygène. Lorsque celle-ci venait à manquer la bougie s’éteignait, elles haussaient alors leurs enfants sur leurs épaules pour que ces derniers bénéficient des derniers restes d’oxygène avant d’évacuer les lieux quand celle-ci manquait dans tout l’espace de l’abri. Au début chacun amenait le plus de choses personnelles lorsque la sirène retentissait. Mais il faut imaginer que dès que les bombes se faisaient entendre, les portes des abris se fermaient, aussi il fallait faire au plus vite : les valises contenaient alors les papiers d’identité, les photos, l’eau, la nourriture et l’argent.

Au lendemain de la guerre ce sont les femmes qui reconstruisent la ville, à mains nues et sous la surveillance des alliés.

Elles récupèrent les briques en bon état, les débarrassent du mortier et les empilent pour qu’elles resservent, ou déblaient les rues. En échange, elles reçoivent les tickets de rationnement. On comptait alors 78 mètres cube de ruines, soit assez pour faire deux fois le tour de planète.
L’abri que nous visitons est en très bon état et cela s’explique certainement par la présence d’une tour de protection anti-aérienne qui se non loin, mitraillait les avions et qui était encore intacte à la fin de la guerre.
Les femmes effectuent aussi un tri et une reconversion des objets de la guerre ainsi on trouve dans les foyers des casques marmites, et ici sont exposés un poêle à charbon fait dans un obus, une passoire dans un casque etc…

Certaines analyses du terrain et du sol ont été faites à plusieurs reprises à Berlin. Notamment autour du bunker d’Hitler qui se trouvait au centre de la ville, près de la Porte de Brandebourg. Il n’existe plus du tout aujourd’hui, ayant été dynamité par les soviétiques, par le gouvernement de la RDA etc… Les murs du bunker faisait 8 mètres de large. Les analyses du sol ont été relancée avant le concert des Pink Floyd (The Wall). Il se trouve qu’on estime alors à à peu près 16 tonnes de munitions dans le sol de la ville. Certains des objets, des tableaux et du mobilier qui est ici proviennent du bunker.

Le département de la police berlinoise dénombre environ 70 tonnes de bombes ensevelies. En 1994 à Friedrichshain, une bombe explose alors que des travaux ont lieu, et qu’une pelleteuse la percute. Cette dernière est projetée sur le mur d’une maison avoisinante.

On voit également des bombes incendiaires qui chauffent très fort chimiquement.

Lors d’une attaque aérienne la première vague de bombes soufflaient les toits, la seconde lançait des bombes incendiaires qui pénétraient dans les bâtiments. 600 000 bombes étaient ainsi lancées sur Dresde. Les deux dernières semaines de la bataille de Brelin furent les pires, et la plupart des gens y trouvent la mort. La ville est encerclée de 2,5 millions de soldats soviétiques, la fameuse “tempête du peuple” envoyée en réponse par Hitler, envoie surtout des jeunes au combat, qui ne portaient même pas d’uniforme. De ces soldats il ne reste plus de traces, pas de signes d’identité.

Un peu plus loin on se trouve face à face avec une machine étrange. Découverte en 2 000 dans un bunker industriel dans le sud de Berlin, il s’agit d’une machine à imprimer des plaques, de la société Lorenz, qui fabriquait des radars. Ici on retrouve la trace de 3 000 travailleurs forcés étrangers. Ainsi un fonds spécifique est crée pour dédommager les travailleurs forcés. Les travailleurs de l’Est portaient un carré bleu avec marqué “Ost” à l’intérieur. Ils ont été déporté dans des camps de travail soviétiques à l’issue de la guerre, après avoir connu la vie en Allemagne de l’Est… L’association a aussi rencontré des femmes ukrainiennes dont les maris avaient travaillé dans cette société, et qui ont pu être dédommagées.

Plus loin, nous observons sur un mur un pneumatique, qui permet d’assurer les communications de manière sécurisée, via des tuyaux dans lesquels le message se déplace à 60 km/h. Laure nous confie qu’Angela Merkel apprécie ce système et qu’elle en bénéficie.

Enfin, dans la dernière salle nous observons une reconstitution de station de métro. La plaque fut récupérée par hasard et sauvée par un des membre de l’association, ici il est question de construction de certaines lignes. Des difficultés géologiques et notamment les nappes phréatiques très hautes, contraignent l’installation du métro. Les tuyaux bleus et roses que l’on voit un peu partout dans la ville servent à faire dériver la nappe.

Une visite originale et vivante, qui fait perdre la notion du temps et que je recommande vivement si vous voulez découvrir la ville autrement.

A découvrir :
Berliner Unterwelten e.V.
Brunnenstraße 105
13355 Berlin
Allemagne

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