Alfred et Emily / Lessing

Par Lulamae Barnes @lulamaeA

Parce que le poids de la Première Guerre mondiale a brisé son père, parce que l’émigration en Rhodésie a fait perdre à sa mère le goût de vivre, Doris Lessing a voulu imaginer l’existence de ses parents si l’histoire avait pris un autre cours : la guerre n’a pas eu lieu, l’Angleterre est florissante… et Alfred et Emily ne se sont jamais mariés. À travers ce pari romanesque audacieux, Doris Lessing, à la fois auteur et critique de son oeuvre, nous offre les pages les plus personnelles de son autobiographie.

Après le Carnet d’or qui m’avait laissée pantelante et chamboulée il y a déjà quelques années, j’attendais l’occasion qui me serait offerte de lire un autre roman de Lessing, ce qui n’est pas juste une image tant ses œuvres sont difficiles à trouver.

Dans cette optique il est surement nécessaire de préciser qu’Alfred et Emily n’est pas ce que je qualifierais de « roman ».  Dans ce petit livre divisé en deux parties, Doris lessing réinvente a posteriori la vie de ses propres parents en un hommage touchant qui rend à chacun l’existence qu’il aurait mérité avoir, loin de la guerre, au plus près de ses centres d’intérêt. En seconde partie l’auteur revient sur ce qui l’a motivée à donner cette tournure à la vie rêvée de ses parents, adossant la fiction à de courts chapitres en forme de « dossiers » sur tels ou tels aspects de son enfance en Afrique.

Ce format très surprenant fait malheureusement de ce roman un fourre-tout hétéroclite qui reste en surface.

La partie consacrée à la fiction est très sommaire, parcours à grandes enjambées des années entières et ne s’arrête qu’occasionnellement sur des épisodes que l’on s’imagine être importants. Le style n’est ni aussi subtil ni aussi recherché que dans le carnet d’or et l’ensemble est très grossier.

La partie historique est réellement intéressante dans le contenu mais ces fragments de mémoires épars assemblés dans cette composition hétéroclite semblent plus dénoter une urgence de dire et d’écrire qu’une réelle volonté de construire un édifice cohérent. Ces notes s’apparentent  à du matériau brut retrouvé par hasard au fond d’un tiroir au moment de mettre ses affaires en ordre.

Pourtant ces bribes d’histoire sont précieuses et rares. Nous éclairant sur la vie de l’auteur elles nous ouvrent à un monde que l’on peine à resituer au début du XXème siècle. Elles justifient l’auteur et ses choix en donnant à comprendre ce qu’une vie personnelle a d’influence sur une œuvre. Peut-être serez-vous surpris, comme moi, de découvrir une Doris Lessing à la lumière de l’année 2007. On croit apercevoir de temps en temps une mamie vitupérant contre internet et la télévision, ressassant ses souvenirs avec nostalgie face à un monde qu’elle ne reconnaitrait plus.

En somme je conseillerais cet ouvrage comme un complément aux romans de Lessing, un éclairage supplémentaire pour approfondir la compréhension de son travail. La partie fiction peut aisément être mise de côté en revanche.