L'Antisémite

Publié le 19 janvier 2014 par Olivier Walmacq

Genre : Comédie, inclassable

Année : 2012

Durée : 1H35

L’histoire : Un réalisateur tente de faire un film fauché appelé « l’Antisémite ». Pour cela il a fait appel au polémique Dieudonné M’bala M’bala pour jouer le rôle principal ainsi qu’à une palette de comédiens déjantés. Le tournage part dans tous les sens et des tensions éclatent entre les différentes communautés présentes sur le plateau.

    

La Critique de Vince12 :

Aïe aïe aïe ! Aujourd’hui je vous propose d’aborder une œuvre assez méconnue et polémique du ciné français L’Antisémite réalisé en 2012 par l’humoriste Dieudonné M’bala M’bala. Evidemment dés qu’on parle de Dieudo, les esprits de beaucoup ont tendance à s’échauffer, puisque personne n’est sans savoir que l’humoriste est l’un des artistes les plus censurés et les plus « blacklistés » de France.

Souvent taxé par les médias et les associations antiracistes de développer des propos antisémites et d’inciter à la haine raciale, Dieudo a vu sa liberté artistique, créative et d’expression diminuer considérablement (n’oublions pas qu’à un moment il en était réduit à jouer ses spectacles dans des bus). Surprenant en France dans un pays qui prétend défendre la liberté d’expression. Mais bon là n’est pas vraiment la question puisqu’il s’agit avant tout d’évoquer le film réalisé par Dieudo en 2012.

Un film qui, est-il nécessaire de le préciser, n’a reçu aucune approbation ni aucun visa d’exploitation. Bien évidemment un titre pareil annonce quelques hostilités, L’Antisémite. C’est bien sûr le qualificatif que l’on emploie souvent à l’encontre de l’humoriste. La question pour beaucoup de gens est : Dieudonné est il oui ou non antisémite ? Avec ce film l’humoriste apporte peut être la meilleure des réponses.

Attention SPOILERS !

« Ce film n’a obtenu l’agrément d’aucun organisme officiel. Il ne dispose d’aucune autorisation d’exploitation. Il est, par conséquent, interdit de le visionner sur le territoire français ainsi que dans tout pays ayant ratifié les conventions de Genève. La législation française reste cependant inopérante en zone internationale ce qui permet à ce film d’être visionné en haute mer ou dans l’espace… Bon visionnage… »    

Voilà une intro qui a le mérite d’annoncer la couleur ! S’en suit alors un court métrage en noir et blanc, muet et comique sur la libération du camp d’Auschwitz. Bref d’entrée de jeu, l’audace est là c’est sans doute la première fois que je vois le camp d’Auschwitz raconté sous un angle comique et burlesque. Pourtant le film n’épargne pas certains détails trash mais le tout reste incroyablement fin malgré un mauvais goût totalement assumé. Ce court métrage contient cependant quelques ambiguïtés sur l’aspect historique.

Ambiguïtés que l’on comprend rapidement quant on voit qu’en fait ce court métrage est visionné par Jean Luc un franco-africain déguisé en nazi et profondément antisémite. On a donc un film dans le film.

Jean Luc a une dispute avec sa femme qui lui reproche son antisémitisme constant. Elle lui reproche également ses amis du front national, le fait qu’il invite Faurisson au repas de famille et qu’ils font des blagues sur les juifs. Pour elle, Jean Luc est malade et doit voir un psy pour éradiquer son antisémitisme (la situation devient grave car Jean Luc a l’intention de transformer le pharmacien juif du coin en savon !). Alors qu’ils sont en pleine dispute un téléphone sonne. C’est celui de l’ingénieur du son qui fait partie de l’équipe en train de filmer la scène. On réalise alors qu’on est sur un plateau de tournage, le plateau du film « l’Antisémite ». On a donc un film, dans le film, dans le film !

Et on a une sacré équipe ! Un réalisateur homosexuel et déjanté qui pour faire vendre le film a choisi de donner le rôle de Jean Luc l’antisémite à Dieudonné M’bala M’bala. Dans l’équipe on trouve aussi des chauds lapins, des juifs, des musulmans et des islamistes. Le climat est donc assez tendu et les choses ne vont faire qu’empirer entre les différentes communautés. Le réalisateur a même décidé de faire jouer Robert Faurisson pour enfoncer le clou. Le budget devient ridicule. Les tensions montent, les injures raciales, antisémites et homophobes fusent. Le tournage devient quasiment incontrôlable mais l’équipe ne désespère pas et continue à tourner.

Avec l’Antisémite on assiste donc à un vrai foutoir bordélique. Ca part dans tous les sens ! Et ça en devient jouissif ! En réalité si une fois encore il y’a un film dans le film dans le film, on suit surtout « deux films en parallèle ». Je m’explique on suit donc (en couleur) le film « l’Antisémite » que tourne l’équipe. Mais aussi (en noir et blanc) le tournage du film (qui fait donc partie du vrai film) qui part totalement en couille. Quand je vous dis que c’est le bordel. Pour résumer On a le court métrage dans le film « L’Antisémite » qui se situe lui-même dans le film L’Antisémite que vous êtes en train de regardez.

L’Antisémite peut en réalité s’apparenter à un véritable OFNI comme rarement vu dans le ciné français, puisqu’il va clairement à l’encontre de toutes nos comédies populaires. L’humour est ici basé sur des sujets sensibles, comme l’holocauste, le racisme, le devoir de mémoire, l’homophobie… Bref un mauvais goût totalement assumé et renforcé par le côté provocateur de Dieudo. L’artiste n’hésite pas à larguer des slaves, à donner le rôle d’un producteur juif à son ami Alain Soral et aussi à jouer une scène avec le très controversé Robert Faurisson. C’est évidemment ce type de provocation qui a fortement compromis la carrière de Dieudo et c’est aussi ce même type de provocation qui rendra la vision de ce film insupportable à certains. Un film comme l’Antisémite contient des réflexions explosives et plus que limites sur les juifs, les noirs, les arabes, les homosexuels…

Pour autant ces répliques s’inscrivent dans un registre totalement absurde à tel point qu’il paraît impossible de prendre un film comme l’Antisémite au premier degré. L'antisémite peut presque se voir comme un débalage volontaire de clichés de la société. 

Il faut voir par exemple la tête de Dieudo en train de se faire traiter de « bamboula M’bala M’bala » par l’une des actrices. Ou encore entendre l’humoriste dans son rôle d’antisémite lâcher « arrête de pleurer et de faire ta juive ! ». Un autre exemple est la séquence avec Faurisson. Là encore il s’agit d’une séquence se déroulant dans le film fictif. Jean Luc (Dieudonné) et Faurisson rencontrent « la Shoah » un soir. Je n’en dirais pas plus mais cette séquence qui peut paraître offensante au premier degré ne le paraît plus quelques secondes après tant la situation est absurde et décalée. Et on pourrait aussi évoquer la séquence ou Jean Luc l’antisémite rencontre, en tenue de Judoka, le psy juif qui malgré tout se décide de l’aider.

Dieudo ne craint donc pas de se montrer très provocateur et transgressif mais l’humour et le décalage sont toujours présents. Je pense là aussi à la scène finale ou Dieudo parle avec l’acteur juif qui jouait le psy. Les deux hommes qui se sont querellés sur leurs origines pendant tout le tournage deviennent amis. Leur point commun ? Leur vision commune sur l’homosexualité. « Attention je ne suis pas homophobe ! Mais à mon avis il faudrait les exterminer » déclare Dieudo. Honnêtement ? Comment voulait vous prendre ça au sérieux ?!

L’humour reste omniprésent même pendant le générique de fin accompagnée de « Shoahnanas ». Au nom de Dieudonné M’bala M’bala il est noté : « récidiviste de la quenelle sous contrôle judiciaire ». « L’équipe technique et de sabotage ». « Ingénieur du son : a perdu le sens de l’audition », « Chef électro : décédé après avoir déjeuné avec Faurisson »… Tout ça pour dire que l’Antisémite est un film dont le parti pris est l’autodérision totale et assumée. On pourrait presque parler de nanar volontaire.

Pour parler du casting, Dieudonné se montre comme d’habitude génial. Très excessif, burlesque et vraiment hilarant sur certains passages. Les autres acteurs livrent aussi une bonne prestation qui s’apparente à du cabotinage,  mais quel cabotinage ! Le genre de cabotinage qui te fait prendre un film du second degré au troisième !

D’ailleurs dans le générique évoqué ci-dessus Dieudo ne manque pas de remercier ces comédiens prometteurs qui ont littéralement sacrifié leur carrière en se mêlant à ce film.

Difficile donc d’appréhender un film comme l’Antisémite. Mais avec ce long métrage Dieudonné semble avant tout se moquer de ceux qui l‘ont taxé d’antisémite. L’humoriste pose une question pertinente ? Peut-on rire de tout et de n’importe quoi ? La réponse est oui ! Dieudo parvient à nous faire rire des sujets les plus sensibles de notre société comme il l’a toujours fait. Pour l’humoriste c’est aussi l’occasion de servir un vrai film, foutoir, drôle et de mauvais goût qui montre l’absurdité et le ridicule du racisme, de l’antiracisme de l’antisémitisme ou de l’homophobie. Certes une fois encore Dieudo est hyper transgressif et provocateur. Mais cependant peut-on parler de provocation ? J’ai envie de citer cette phrase de Jean Louis Costes « Mimer le crime sur une scène n'est pas de la provoc' mais la base même du théâtre. L'art est le lieu de La transgression symbolique. Les régimes totalitaires (dont les nazis) ont interdit toute forme d'art Transgressif. Art gentil = art nazi ! ».

L’antisémite n’est donc pas un film raciste ou antisémite ou autre. C’est bien un film OFNI une comédie d’un mauvais goût totalement assumé qui ne plaira clairement pas à tout le monde mais qui est  à visionner (avec beaucoup de recul je ne le cache pas) pour tous les amateurs de politiquement incorrect ou d’humour noir et transgressif.   

Note :