Jack Et La Mécanique Du Cœur : poétique antique

Par Vance @Great_Wenceslas

Film d'animation extrêmement ambitieux, tout droit sorti de l'imagination de l'auteur/réalisateur/chanteur/acteur Mathias Malzieu, Jack Et La Mécanique Du Coeur s'impose comme l'une des grandes sorties françaises du moment, malgré quelques maladresses dans sa recherche permanente d'une certaine forme de poésie et d'inventivité parfois factice.


D'abord, un livre, sorti en 2007 et véritable best-seller dans notre pays. Ensuite, un disque, regroupant un collectif d'artistes composé entre autres de Arthur H, Alain Bashung, Jean Rochefort, Olivia Ruiz, Grand Corps Malade, aux côtés de Dionysos. Maintenant, un film, co-réalisé par le créateur de ce monde trans-média. Luc Besson avait en effet acheté les droits d'adaptation en 2008, flairant le talent de Mathias Malzieu (du groupe Dionysos) pour mettre en image sur grand écran son histoire.

Film d'animation en image de synthèse, Jack Et La Mécanique Du Cœur semble pourtant s'inspirer davantage d'une technique plus désuète, mais ô combien poétique : l'image par image. En effet, on sent très clairement la volonté de coller au style remis au goût du jour par Tim Burton et Henry Selick sur L'Etrange Noël De Monsieur Jack ou Coraline. Ainsi, ne vous attendez pas à une expressivité démesurée dans les mimiques des protagonistes. Leurs mouvements sont saccadés, leurs gesticulations limitées par leur physique de marionnettes. Le résultat étonne, mais fonctionne plutôt bien lorsqu'il s'agit d'illustrer un univers aussi atypique que celui créé par le chanteur de Dionysos.


Car c'est clairement dans sa direction artistique que Jack Et La Mécanique Du Coeur tire son épingle du jeu : ce monde peuplé d'étranges êtres, miroir déformant de la réalité, aussi repoussant qu'attirant exerce son pouvoir d'hypnose avec une certaine virtuosité dans sa représentation graphique. C'est également le défaut majeur de l'œuvre : on peut autant adorer que rejeter le film uniquement à cause de son esthétique. Mais le film à un autre atout : sa très belle bande originale. Bénéficiant du talent de ses doubleurs interprètes, le récit est agrémenté des chansons issues de l'album La Mécanique Du Cœur. A un ou deux détails près (notamment l'hommage à Bashung un peu hors contexte), elles trouvent toutes leur place logique dans la narration.

Il est néanmoins regrettable que l'écriture de la fable liant les morceaux musicaux ne soit pas aussi travaillée, un manque d'enjeux se faisant très vite ressentir. Les rôles secondaires sont très peu attachants, certains (comme Méliès) sont sous employés. Le long-métrage reste tout de même suffisamment intrigant pour maintenir l'intérêt des spectateurs. Sa courte durée permet de garder un certain rythme, et évite ainsi de trop traîner en longueur, ce qui, de par la très forte identité visuelle du film, aurait pu très largement lui desservir. On pourrait reprocher également aux réalisateurs de nous servir de la poésie « préfabriquée », tant on a l'impression que la recherche d'une certaine forme de beauté, de lyrisme, prend le pas sur l'histoire. Cela a pour conséquence de sonner faux lors de quelques séquences où les ficelles déployées sont tellement énormes qu'elles alourdissent un récit déjà bien fourni en symbolique. Rien de vraiment rédhibitoire, Jack Et La Mécanique Du Cœur touche bien souvent juste, et si l'on accepte de rentrer dans cet univers à la Tim Burton et que les voix d'adultes sur des corps d'enfants ne dérangent pas (Grand Corps Malade et Mathias Malzieu sont certes convaincants, mais leur voix ne collent pas avec leur représentation à l'écran), nul doute que l'on puisse être conquis par ce beau conte.


Ma note (sur 5) :

3


 

Titre original

Jack Et La Mécanique Du Coeur

Mise en scène 

Mathias Malzieu & Stéphane Berla

Date de sortie France 

05 février 2014 par EuropaCorp

Scénario 

Mathias Malzieu d’après son oeuvre

Distribution 

Mathias Malzieu, Olivia Ruiz, Grand Corps Malade & Jean Rochefort

Musique

Dionysos

Photographie

Support & durée 

35 mm / 102 minutes

Synopsis : Édimbourg 1874. Jack naît le jour le plus froid du monde et son cœur en reste gelé. Le Docteur Madeleine le sauve en remplaçant son cœur défectueux par une horloge mécanique. Il survivra avec ce bricolage magique à condition de respecter 3 lois: premièrement ne pas toucher à ses aiguilles, deuxièmement maîtriser sa colère et surtout ne jamais Ô grand jamais, tomber amoureux. Sa rencontre avec Miss Acacia, une petite chanteuse de rue, va précipiter la cadence de ses aiguilles. Prêt à tout pour la retrouver, Jack se lance tel un Don Quichotte dans une quête amoureuse qui le mènera des lochs écossais, à Paris jusqu'aux portes de l'Andalousie.