Clémence de Vimal – Profession comédienne

Par Artetvia

Depuis Constance de Jarnieu et sa ligne de vêtement pour bambins www.aloys-paris.com, Artetvia n’avait pas eu l’occasion d’interviewer un artiste dans l’exercice de ses fonctions.

J’ai le plaisir aujourd’hui de vous présenter Clémence de Vimal qui a accepté avec gentillesse de se prêter à ce petit jeu.

Bonjour Clémence, peux-tu nous présenter tes activités ?

Je suis devenue comédienne après avoir suivi les cours d’une école d’art dramatique pendant trois ans. Comme ce seul métier suffit rarement à faire vivre, j’ai lancé deux autres activités : je donne des cours de théâtre, ou plutôt, j’anime des ateliers de théâtre pour tous types de publics (des enfants, des adultes, des handicapés…). Par ailleurs, avec l’une de mes sœurs consultante en communication, j’interviens auprès des entreprises sur des questions de gestion de conflit ou de stress, etc. Les techniques théâtrales sont très utiles : apprendre à respirer, apprendre à poser son regard et à se confronter à l’autre…

Concentrons-nous sur ton métier de comédienne. Que joues-tu en ce moment ? Qu’aimes-tu jouer ?

Je viens de jouer une pièce de Noëlle Renaude qui s’appelle A tous ceux qui au théâtre Confluences. C’était une représentation pour les programmateurs pour les saisons futures. J’espère que cela aura du succès ! Je joue aussi une pièce de Claudel – Cantate à trois voix. J’ai joué de la comédie, de la tragédie… en fait, je ne veux pas m’enfermer dans un type de rôle. J’aime le difficile travail d’entrer dans un nouveau personnage. Je suis d’abord attirée par un rôle, par un texte, après, le metteur en scène fait le reste ; c’est lui qui va établir le rapport entre le texte et le jeu. Il est juste indispensable, il va te choisir pour ton jeu et ta personnalité. Certains sont même très intrusifs et dans ce cas, il faut fixer très vite les limites, j’ai déjà été confrontée à cela, et finalement, ça s’est bien passé. Il faut avouer que certains rôles deviennent très délicats à jouer lorsque quelqu’un se l’est approprié auparavant : si tu prends Cyrano. Depardieu a pris le personnage pour lui – même si la pièce est encore souvent jouée, elle sera marquée pour longtemps par Gérard Depardieu et son jeu extraordinaire, même si c’était au cinéma.

Lorsque tu abordes une nouvelle pièce, quel est l’aspect le plus difficile ?

Clairement, la peur de ne pas être à la hauteur du personnage. Il faut savoir entrer dans le rôle et nouer de bonnes relations avec le metteur en scène. Comme j’ai plutôt une bonne mémoire, le texte n’est pas un problème (même si tout le monde peut avoir des trous, bien entendu), quand tu aimes un texte, c’est beaucoup plus simple à apprendre. Plus difficile est le fait de faire vivre ton corps selon ton rôle pour réellement l’incarner.

 

Entrer dans un personnage, certes, mais on ne devient pas trop schizophrène dans ce cas ? Ou alors la distanciation est indispensable ?

Vaste question qui se pose depuis au moins Aristote ! Pour moi, la distanciation est même nécessaire, sinon on devient fou. Le comédien est très vulnérable car il engage sa propre personnalité, ce qu’il est réellement, dans un personnage virtuel. Cela dit, tout comédien peut, un jour ou l’autre, rencontrer le rôle qui peut marquer une vie entière et faire changer sa carrière. Tu évoquais Peter O’Toole qui est en effet toujours resté dans les sables d’Arabie et qui n’a jamais pu vraiment en sortir, même s’il a fait de grands films après. Certains artistes choisissent de vivre totalement leurs rôles, cela peut faire des dégâts dans leur vie privée, on le voit tous les jours. Personnellement, je me force à me « brider », par exemple lorsque j’ai joué Iphigénie. Comme dans beaucoup d’autres tragédies, on peut perdre pied rapidement. Et c’est là que la raison et la volonté jouent leur rôle pour canaliser la sensibilité et les émotions. C’est extrêmement important. De même, il est nécessaire d’avoir un cadre et un rythme de vie sain. Il faut se forcer car personne ne nous guidera : c’est très exigeant.

Tu es exigeante ?

Oui, mais je ne suis pas perfectionniste – d’ailleurs je n’aime pas ce mot. Vouloir être parfait, quelle illusion ! Etre exigeant, c’est produire ce que l’on a de mieux et savoir se dépasser, tout en sachant que la perfection n’existe pas. Ensuite, l’exigence vient avec le travail. Le génie a ses limites, dans tous les cas il faut travailler. Autre facteur : les rencontres, par exemple avec un metteur en scène ; et la Providence (je n’aime pas parler de hasard) fait parfois bien les choses. Une alchimie peut se créer et aboutir à une création artistique.

Et le rapport au public 

Il est nécessaire ! En fin de compte, c’est lui le juge : il aime ou non, il se retrouve dans les personnages ou non. Et, ce n’est pas toujours simple de bien mesurer l’avis du public : quand il est réactif, il y a fusion, c’est génial ! Quand il n’est pas réactif, on a l’impression d’avoir un mur en face de soi… même si au final les gens aiment la pièce ; c’est beaucoup alors plus difficile de jouer. Quand je joue, je vois le public ou non et j’avoue que c’est moins angoissant quand je ne le vois pas, même si je sais qu’il est là, ce qui peut paraître paradoxal. Mais par ailleurs, le regard du public que tu vois te donne de l’énergie ! Au final, le théâtre, c’est d’abord la rencontre avec le public, ce n’est pas le cinéma.

Ca te plairait de faire du cinéma ?

Oui, c’est différent mais cela me plairait bien, même si je veux rester comédienne avant tout. Le cinéma apporte des moyens que le théâtre n’a pas : musique, décors, effets spéciaux, retouches ; en même temps, les personnages sont plus réalistes qu’au théâtre où tout est exagéré. Après, au théâtre, il n’y a pas droit à l’erreur et on ne peut pas mentir. Un excellent acteur peut être un très mauvais comédien, l’inverse est plus rare.

Et qu’est-ce qu’un bon comédien ?

Une personne qui a beaucoup d’humilité, qui a soif de grandeur et d’idéal. Une personne qui aime les mots,  qui aime son métier et reste dans le moment présent.

Tu ne parles pas de technique ?

C’est important, c’est même évident. Mais ce n’est pas suffisant. Si un comédien a une bonne technique mais qu’il ne dégage rien, il sera un mauvais comédien. Après, oui, la technique est importante : la diction, le placement de la voix, la présence sur scène…

Et le rapport au texte et aux auteurs ?

J’ai toujours du mal à couper un texte, soit parce que le texte est remarquable en lui-même (Anouilh par exemple), soit parce que cela brise le scénario (les comédies de boulevard). S’il faut le faire pour l’une ou l’autre raison, il faut le faire à deux, pas seul.

 

Et tu as déjà joué devant l’auteur de la pièce que tu joues ?

Oui, deux fois. La première fois, j’étais stressée et je voulais faire plaisir à l’auteur. La deuxième, je suis passée au-dessus. Quand un auteur voit mettre en scène sa pièce, il s’en voit quelque part dépossédé. S’il ne le veut pas, il n’a qu’à assurer lui-même la mise en scène.

Des projets ?

Oui, plein ! Cette année, je vais mettre en scène, dans le cadre de mon atelier, Le Théâtre ambulant Chopalovitch, d’un auteur serbe, Ljubomir Simović. Il y a toute une réflexion sur l’image et le masque, c’est très intéressant. Sinon, je vais monter une pièce avec des non-francophones sur l’enfermement et l’impossibilité de parler. Et puis, j’espère pouvoir jouer la pièce de Claudel et celle de Renaude. L’année 2014 risque d’être chargée et j’en suis ravie !

Merci beaucoup Clémence !