Curieusement, j’ai eu du mal à lire ce roman et j’en garde pourtant un excellent souvenir. En effet, le début du roman nous présente de longues introspections de Matabei au rythme de ses promenades dans le jardin, l’occasion de descriptions enchanteresses où celui-ci semble interpeler le promeneur, l’observer, l’accompagner, l’accueillir. On a à la fois l’impression d’entrer dans un tableau soigneusement composé et dans un univers bien vivant avec une part de poésie qui confine au merveilleux. Evidemment, cela force à une narration ralentie et c’est cela qui est difficile: lire lentement, accepter de se plier au rythme contemplatif du roman.
Car on ne peut s’empêcher de se raccrocher à ces fils de dure réalité qui viennent troubler de temps en temps cette quiétude. L’histoire même de Matabei se reconstitue petit à petit, et l’on comprend l’importance d’un lieu aussi préservé pour décanter les passions. L’arrivée à la pension d’une jeune fille, trop belle, trop mystérieuse, trop silencieuse, va elle aussi bousculer cet équilibre fragile. Et là où le roman m’a définitivement embarquée, c’est sur la dernière partie, où la réalité se rappelle brusquement et tragiquement à cette pension et à ce jardin. Je l’ai lue en retenant mon souffle, probablement heurtée à la hauteur de la douce lenteur qui avait prévalue dans les pages précédentes.
Pour vous transporter, ce roman tient donc ses promesses: il nous immerge dans un Japon traditionnel bien loin des lignes pointues du manga qui s’exporte tant, jalonné par le lexique et les références qui titillent la connivence du lecteur (j’étais ravi de savoir ce qu’étaient Kobé ou un Shiba Inu) et ponctué de Haïkus. On plonge dans une estampe moderne et malgré les difficultés que j’ai eue à me plier à ses règles de lecture, ce fut un régal.
La note de Mélu:
Une réussite, lue dans le cadre du Prix Océans.
Un mot sur l’auteur: Hubert Haddad (né en 1947) est un écrivain et poète français.
catégorie “objets”