Thos style

Publié le 27 janvier 2014 par Hongkongfoufou

Par Oddjob

Si l’art du dessin et de l’écriture scénaristique sont indispensables à tout bon album de bandes dessinées, la composition de la couverture demande un talent supplémentaire.

Comment saisir en un dessin l’atmosphère d’un ouvrage ? Comment intriguer, suggérer, sans dévoiler ? Comment donner tout simplement envie au lecteur ?

A l’heure de la surproduction bédé, on est pourtant étonné de constater que de plus en plus de couvertures et de maquettes médiocres, voire hideuses, s’offrent à nos yeux de lecteurs passionnés et de collectionneurs attentifs !

Dernier épisode en date… la honteuse réédition du Bob Fish d’Yves Chaland ! Au lieu et place de la sublime composition réalisée pour le tirage de tête de l’album en 1981 (voire même du dessin plus "simple" de l’édition courante dans la collection Métal Hurlant), les éditeurs nous infligent une case agrandie (et un dos toilé au rabais made in China…) !!

Qu’il semble loin le temps d’une Marque Jaune, d’un Coke En Stock (j’aurais pu citer n’importe quel autre Tintin, tant les compositions d’Hergé pour ses albums demeurent le maître étalon en la matière), d’une Mauvaise Tête, d’une Chihuahua Pearl

Mais c’était sans compter l’esprit avisé des éditeurs qui pensèrent à tout pour palier au manque d’inspiration de certains de leurs auteurs maison.

Les éditions Dupuis ne commandèrent-elles pas à Jijé, dès 1948, la couverture des premières aventures de Buck Danny, Les Japs Attaquent en lieu et place d’un Hubinon alors tout jeune débutant ?

Et Dargaud appelant également, à la rescousse du "petit" Giraud, l’immense Jijé pour illustrer la couverture de Fort Navajo, la première chevauchée de Blueberry ?

Mais, quelques années plus tard, pourtant, avec une habitude davantage répandue chez les éditions Dargaud et Lombard, de grands anciens verront leurs albums mis en "couverture" par un autre !

Ainsi, c’est Dany qui s’y collera pour Michel Vaillant, en renfort de Graton, sur La Révolte des Rois, Le Prince Blanc et La Silhouette En Colère.

Même Eddy Paape cédera ses pinceaux à William Vance qui apportera une touche très "moranesque" à certaines aventures de Luc Orient comme Le Cratère Aux Sortilèges ou La Légion des Anges Maudits !

Car, en s’appuyant sur l’efficacité de la maquette du journal Pilote, ces messieurs de la rue Blaise Pascal veulent offrir à la couverture ses lettres de noblesse, accordant à leurs auteurs – Uderzo, Morris, Greg, Parras, Giraud, Druillet… - une liberté totale de création.

Cependant, le plus dur retour de pinceau sera pour Jijé, Hubinon et dans une moindre mesure Forton, alors au sommet de leur carrière : trois grandes séries, symboles de la vivacité créatrice et d’un certain esprit aventurier, typiques des 60s, étant mises en "affiches" : Bob Morane, Barbe Rouge et Tanguy et Laverdure.

Et c’est ainsi que l’on fera appel, non pas à un habituel supplétif de la BD, mais à un véritable illustrateur, qui plus est déjà reconnu dans le monde du cinéma, le génial Yves Thos !

Avec lui impossible de distinguer ce qui relève de la bande dessinées ou du cinéma ! Ses compositions éblouissantes, ses couleurs violentes, ses figurations outrées, révèlent un art soigné de la mise en scène.

On passe ainsi d’un genre à l’autre, d’un art à l’autre.

De l’affiche du Capitan à la couverture de La Fin du Faucon Noir (Barbe Rouge), de celle de L’Homme de Rio à Lieutenant Double Bang (Tanguy et Laverdure) et d’Au Service de Sa Majesté à la couverture du Pilote n° 481 du 1er février 1969…

 

 

Avec lui Jacques Santi et Christian Marin deviendront les véritables Chevaliers du Ciel.

Et quel plaisir de découvrir Bob Morane sous les traits d’un subtil mélange de Connery et de Lazenby (comme sur ce fameux Pilote !), ou encore ceux de Guiliano Gemma, en couverture du Secret des 7 Temples…

Et puis, qu’il soit ici remercié d’avoir su donner, pour une unique couverture, Le Piège Espagnol, les traits de l’injustement oublié Michel Le Royer à Eric, le fils adoptif de Barbe Rouge… ou comment associer subtilement le Capitaine Nicolas Parray de Coursic, héros du mythique Corsaires et Flibustiers au "descendant" du Roi des Sept Mers !

 

Un seul regret…quand on voit les affiches du Grand Silence ou des 4 Mercenaires d’El Paso, on imagine sans peine ce que cela aurait donné sur une bonne vieille série western !