Vulnérabilité sismique des monuments historiques

Publié le 28 janvier 2014 par Planseisme @planseisme

Voyage d’étude en Italie

Par Victor DAVIDOVICI, consultant et Président d’Honneur de l’AFPS

Face à des questionnements sur le comportement et la sauvegarde du patrimoine bâti historique en cas de tremblement de terreTremblement de terre
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survenant en France, a été menée une mission d’étude sur la vulnérabilité Des règles de construction parasismique sont imposées pour réduire cette vulnérabilité dans les zones sismiques.">
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sismique des monuments historiques en Italie, pays qui connaît régulièrement des événements sismiques dévastateurs.

Composée de six experts, cette mission avait pour principal objectif d’analyser et d’appréhender l’expérience italienne dans chacune des phases suivantes :

  1. Prévention : recensement des monuments et de leur vulnérabilité Des règles de construction parasismique sont imposées pour réduire cette vulnérabilité dans les zones sismiques.">
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    sismique, solutions de renforcement sismique lors des travaux de réhabilitation du monument historique ;
  2. Urgence : diagnostic bâtimentaire d’urgence (relevé des dommages après séismeTremblement de terre
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    ) ;
  3. Post-urgence : dispositions prises pour la sauvegarde immédiate, afin de conserver la mémoire des lieux (sécurisation des monuments) et la préservation, suivies des propositions de renforcement ;
  4. Reconstruction : choix de solution optimale pour le renforcement ;
  5. Retour d’expérience pour enrichir la démarche de préservation des Monuments Historiques.
Renforcement par suspension de la voûte de la Basilique d’Assise
Source : V.Davidovici

Les monuments et centres historiques visités se situent dans cinq régions :

  • Emilie-Romagne (frappée par les séismes des 20 et 29 mai 2012) : la mission s’est rendue dans seize localités et a visité 19 églises, 5 châteaux, 2 théâtres, 1 école, 1 mairie ;
  • Assise (frappée par le séismeTremblement de terre
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    du 26 septembre 1997) : essentiellement la basilique Saint-François ;
  • L’Aquila (frappée par le séismeTremblement de terre
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    du 6 avril 2009) : il s’agit du centre historique vidé de tous ses occupants (environ 50 000 personnes). La mission a visité 47 monuments historiques.
  • Molise / San Giuliano di Puglia (frappée par le séismeTremblement de terre
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    du 31 octobre 2002 avec effondrement d’une école causant 27 victimes dont 26 enfants) : la mission s’est rendue dans neuf localités et visité 20 églises, 8 châteaux, 1 école ;
  • Les Pouilles (nombreux monuments endommagés au cours de l’histoire) : la mission s’est rendue dans huit localités et a visité au total 24 églises et 7 châteaux.

De plus, des monuments historiques des trois villes suivantes ont fait l’objet de visites détaillées : Sienne (3 églises), Florence (5 églises) et Vérone (3 églises).

De multiples rencontres sont par ailleurs venues enrichir le retour d’expérience : Direction régionale d’Emilie-Romagne pour les biens culturels et les paysages, pompiers, entreprises, le conservateur de la Basilique Saint-François d’Assise, maires, police municipale, etc.

Le rôle essentiel des « Vigili del fuoco »

Les « Vigili del fuoco » (pompiers), sont placés sous la tutelle du ministère de l’Intérieur italien et sont un corps incontournable en matière d’intervention après séismeTremblement de terre
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. Le fonctionnement diffère un peu du corps des sapeurs-pompiers français dans le sens où en Italie, ils ne font pas de l’assistance médicale d’urgence. Ils fournissent en revanche une assistance technique très efficace visant à la protection des personnes et à la sauvegarde de l’intégrité des biens. Leur rôle consiste notamment à sécuriser les édifices fragilisés par le séismeTremblement de terre
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et qui représentent un véritable danger pour la sécurité. Pour cela, ils disposent de fiches types suivant la typologie de l’édifice (église, campanile, château, etc.), indiquant les différents points particuliers à renforcer. Un an après le séismeTremblement de terre
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, des colonnes mobiles venues parfois de loin, sont toujours en place.

Sauvetage des œuvres d’art suite aux séismes de mai 2012
Source : Direzione Regionale per i Beni Culturali e paesaggistici dell’Emilia Romagna

SAUVETAGE DU PATRIMOINE ET DES ARCHIVES

Peu après les séismes d’Emilie-Romagne, les Vigili del fuoco ont également procédé à l’évacuation des œuvres d’art, parfois en utilisant des méthodes « aériennes ». C’est dans le palais Ducal de Sassuolo, (province de Modène), que 1150 œuvres ont été admises, notamment des peintures, des tableaux, des statues, des équipements et du mobilier liturgique religieux provenant de l’ensemble du territoire affecté par le séismeTremblement de terre
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. Le triage et les travaux d’urgence pour le mobilier endommagé ont été réalisés grâce aux fonds du Ministère de la Culture.

Retour d’expérience et premières conclusions

Deux aspects intimement liés peuvent expliquer l’ampleur de l’endommagement des monuments historiques :

  1. L’Italie recèle une énorme richesse en monuments historiques et les moyens nécessaires pour l’entretien du gros œuvre sont conséquents ;
  2. Le territoire italien est soumis en totalité au risque sismique et la carte de la sismicité historique est édifiante à cet égard. Au cours de leur histoire un grand nombre de monuments historiques de la péninsule ont subi des dommages en raison d’un ou plusieurs séismes destructeurs.

La conjonction de ces deux éléments, complétée par la non permanence d’une réhabilitation du patrimoine et l’éventuelle modification de l’ouvrage, peuvent entraîner des dégradations importantes pouvant aller jusqu’à la ruine du monument historique.

Les conclusions de cette mission se sont imposées après les trois premiers jours d’investigation en Emilie-Romagne et confirmées par la suite lors des visites des autres sites. Pour pouvoir conforter sans dénaturer l’ouvrage, la réhabilitation d’un monument historique nécessite :

  • De réaliser une analyse de la qualité du sol et du type de fondations : possibilité de renforcement ;
  • De rendre les murs et les pilastres (poteaux) porteurs homogènes et capables de transférer efficacement les charges gravitationnelles et sismiques ;
  • D’introduire des tirants-chaînages suivant les 3 directions de l’espace ;
  • De renforcer les voûtes ;
  • De conférer à la charpente/toiture un fonctionnement en diaphragme parfaitement relié à la structure porteuse.

L’expérience acquise lors de cette mission et le rapport détaillé qui sera édité lors du premier trimestre 2014 contribueront à la réflexion sur la préservation du patrimoine en France dans le cadre des travaux de réhabilitation et notamment :

  • Faire entrer les travaux de gros œuvre dans le cadre de l’entretien courant du patrimoine ;
  • S’assurer régulièrement de la bonne tenue des bâtiments et spécialement de : (a) l’homogénéité des murs, (b) la pérennité des liaisons, chaînages, tirants, © l’existence de liaisons efficaces : charpentes – murs ;
  • S’assurer du bon usage des budgets alloués au patrimoine culturel et historique. Pour tirer pleinement profit des enseignements de ce voyage d’étude, il faudra probablement redéfinir la notion de « bien culturel » en définissant, entre autres, ce que cela recouvre en Italie et en France. Il conviendra en outre de s’inscrire dans la démarche de développement durable avec la nécessité de tenir compte du devoir de mémoire et de la pérennisation du patrimoine.

Un exemple de projet de recherche scientifique : le projet européen PERPETUTATE

La protection du patrimoine culturel impose de considérer à la fois la sécurité, la conservation et la préservation de l’authenticité des biens. Pour assurer la sécurité de la construction, ainsi que pour la planification des mesures de restauration et de reconstruction requises, la connaissance de la maçonnerie ancienne, de la structure et des propriétés des matériaux est nécessaire. Or le comportement réel des structures en maçonneries anciennes et l’efficacité des interventions de renforcement demeurent mal connu. Dans ce contexte, et avec pour objectif de protéger le patrimoine culturel bâti vis-à-vis du risque sismique, le projet européen PERPETUATE (2010-2013) s’est appuyé sur l’expérience et les acquis d’une douzaine de partenaires européens et du bassin méditerranéen, pour établir un ensemble d’exigences de sécurité et de conservation des biens du patrimoine culturel dans les zones sismiques.

Mesures de bruit de fond sismique sur les coupoles de la Mosquée Souleiman à Rhodes
Source : B. François / BRGM

L’évaluation du risque sismique et les problèmes de fondations ont été particulièrement étudiés, au niveau de structures historiques. Des techniques de diagnostic, les paramètres des matériaux et des procédures d’identification de la structure ont ensuite été définis. Des modèles mécaniques pour l’analyse sismique ont été développés, tenant compte de la variabilité des configurations et de la complexité des matériaux de maçonnerie.

Des guides européens pour l’évaluation et la réduction du risque sismique pour les biens culturels sont aujourd’hui disponibles. Ils proposent des techniques novatrices pour le renforcement parasismique des bâtiments historiques et la conservation des œuvres d’art. D’autres documents décrivent les différentes composantes de l’analyse des risques pour les deux échelles considérées (évaluation d’un bâtiment, évaluation à l’échelle territoriale). Ils ont été enrichis par l’application et la validation de la méthodologie sur deux cas d’étude : la Citadelle d’Alger et le centre historique de Rhodes, inscrits au patrimoine mondial de l’Humanité par l’Unesco.