Il faut casser ce jeu où à tous les coups on perd

Publié le 30 janvier 2014 par Blanchemanche
Continuer à réclamer l’arbitrage des pouvoirs publics ?

Il faut casser ce jeu où à tous les coups on perd

Par Pierre Zarka, Association des communistes Unitaires - Observatoire des Mouvements de la Société.La réaction enthousiaste du Medef à François Hollande dit qu’il y a désormais entre eux un programme commun et que, pour nous, il n’y a rien à attendre du PS. La social-démocratie n’existe plus, 
reste un parti démocrate à l’américaine. En parlant de social-libéralisme, 
Tony Blair annonçait la fin de la social-démocratie. Cette mutation n’est pas due aux circonstances mais au fait que le capital a sonné la fin de l’époque où, pour lui, le compromis fordiste était acceptable. Il n’y a plus guère d’espace entre aggravation de sa domination et ébauche d’un basculement dans l’après-capitalisme.Il est donc vain de continuer à réclamer l’arbitrage des pouvoirs publics comme s’ils étaient neutres ou un retour à une 
politique de gauche. Nous le vérifions chaque jour. Pas seulement en France. En Grèce, le PS a préféré perdre les élections plutôt que d’entendre le peuple, y compris ses électeurs. Poursuivre sur la voie du XXe siècle est retarder d’une guerre, et explique que l’on ait glissé en peu de temps des 
enthousiasmes des meetings de rue du Front de gauche, lors de la présidentielle, à cette asthénie et ces manifs répétitives qui ne débouchent sur rien. Les gens 
désespèrent de pouvoir maîtriser ensemble leur sort et, de ce fait, boudent la politique traditionnelle. Le sentiment d’impasse entraîne un affaissement idéologique grave.Pour l’instant, c’est l’idéologie populiste et de la confusion qui tente de récupérer la demande de radicalité et la rébellion. Le gouvernement 
s’emploie dangereusement à favoriser cette récupération.Que reste-t-il à proposer ?Le monde est traversé de secousses. Il ne s’agit pas de leur en faire dire plus qu’elles n’en disent mais de ne pas être en deçà de ce qu’elles expriment comme quêtes. Les délocalisations commencent à se heurter à des peuples, à leurs revendications de salaires et de dignité. L’écart entre les salaires des Chinois et des Français n’est plus que de 10 %. Les Brésiliens ont obtenu l’expropriation de propriétaires terriens pour y caser 
45 000 familles. Je souligne expropriation parce qu’on ne peut pas être gentil avec tout le monde.C’est donc moins la colère qui manque, ou le rejet du capitalisme, que l’espoir de pouvoir faire bouger les choses. Il n’y aura d’espoir qu’en cassant ce jeu où à tous les coups on perd. 
Casser ? Oui, car comment faire du neuf sans se dégager du vieux ? Doit-on continuer à agir pour réclamer et faire pression sur ce qui ne bougera pas, ou faut-il imposer des faits par des actes ?En 1984, le PCF avait, un bref instant, douté de la pertinence d’un mouvement populaire-pression. Malheureusement, cette interrogation fut vite délaissée. 
Il y a peu, un mouvement en 
Guadeloupe s’est cristallisé autour des prix. Ses participants entraient dans les supermarchés, non pour les piller, mais pour fixer ce qu’ils considéraient comme le juste prix ; ce, sans négocier ni avec Danone ni avec aucune autorité. 
Ils ont fait. Ils ont imposé leur pouvoir de faire.C’est ce qu’avaient tenté, dans les années 1970, les salariés de Fiat à Turin pour le temps de travail ou pour fixer le montant des impôts et, en France, c’est ce qu’avaient fait ceux de Lip. C’est ce que font les SeaFrance et les 
40 000 salariés des coopératives, ou ceux qui bloquent le chantier de Notre-
Dame-des-Landes.On dira que ces initiatives sont sans suite, qu’elles ne font pas force politique. Peut-on leur reprocher ? Pour faire 
force politique, ce qui manque, n’est-ce pas que les forces qui se réclament de la politique s’en saisissent et en fassent un mode de combat ?Loin de moi l’idée qu’il « n’y aurait qu’à » pour que tout change. Mais, même citoyenne, la révolution reste la 
révolution. Et commencer à ce que les luttes visent à imposer des « pouvoir faire » par elles-mêmes commencerait à changer l’ambiance et le rapport des forces. Entre le tout et le rien, il y a le commencement.Au fait, que veut-on dire par « Prenez le pouvoir » ?Pierre Zarka http://www.humanite.fr/tribunes/il-faut-casser-ce-jeu-ou-tous-les-coups-perd-557907