Deux films américains décevants mais servis par de (très) bons acteurs

Par Borokoff

A propos de The Ryan Initiative de et avec Kenneth Branagh  et Dallas Buyers Club de Jean-Marc Vallée

Chris Pine -

Rondement mené, The Ryan Initiative reprend et rafraîchit sous les traits de Chris Pine le personnage créé par le romancier américain Tom Clancy, décédé en 2013. Auparavant, on se souvient qu’Alec Baldwin (A la poursuite d’Octobre rouge, 1990), Harrison Ford (Jeux de guerre, 1992, Danger Immédiat, 1994) ou encore Ben Affleck (La somme de toute les peurs, 2002) avaient incarné avant lui cet ancien héros de l’US Marin Corps blessé au combat avant de se reconvertir en consultant-analyste de la CIA, marié à la délicieuse doctoresse Cathy (qui résisterait au charme de Keira Knightley ?). Les dialogues entre eux deux donnent lieu à des scènes cocasses pour ne pas dire grotesques (à mourir de rire) comme celle où Cathy confie à Jack être rassurée en apprenant finalement qu’il travaille à la CIA (c’était un secret qu’il devait garder) alors qu’elle croyait qu’il la trompait… La mise en scène est signée de l’acteur et réalisateur d’origine irlandaise Kenneth Branagh qui y joue le rôle du méchant Russe Viktor Cherevin. Grand amoureux de l’œuvre de Shakespeare dont il s’est fait le spécialiste de l’adaptation au cinéma (et un acteur et cinéaste reconnus comme tels), Branagh opte pour changement de cap et de style radicaux, à l’image de réalisation nerveuse (caméra à l’épaule), calquée sur la série des Jason Bourne. Rien de nouveau sous le soleil, si ce n’est que les compositions grandiloquentes et tambour battant de Patrick Doyle (très « à l’américaine ») sont un peu omniprésentes et étouffantes.

Kevin Costner, Chris Pine

Cela n’enlève rien à la qualité du jeu d’acteurs de Pine, Knightley, Branagh et Costner (Ah, Kevin, quel plaisir à chaque fois de retrouver cet acteur), tous les quatre irréprochables. Le seul hic vient du manque de substance du scénario de David Koepp et Adam Cozad, de sa trop grande simplicité. Pas déplaisant, The Ryan Initiative a pourtant comme un léger goût de déjà vu. Une Guerre froide entre USA et Russie servie comme un plat réchauffé (on a donné avec les James Bond jusqu’au dernier Die Hard).

Sans grand enjeu ni intérêt, sans surprise non plus tant la fin est attendue, le film se laisse pourtant suivre, servi par des dialogues exquis et on ne peut plus simplistes entre Russes et Américains. Quant à la dialectique amoureuse au sein du couple Ryan, réduite à sa plus simple expression orale, elle vaut son pesant d’or. On n’est pas loin du « nanar » finalement. De quoi faire Shakespeare s’en retourner dans sa tombe en tout cas…

Matthew McConaughey

Dallas Buyers Club retrace la vie de Ron Woodroof (Matthew McConaughey), un Texan homophobe, amateur de rodéo et qui, apprenant qu’il est atteint du virus du VIH en 1985 et qu’il ne lui reste plus que trente jours à vivre (selon les médecins), va d’abord accepter de se soigner à l’aide un traitement antirétroviral pionnier en la matière (l’AZT, qui va en fait encore plus détraquer son organisme et le rendre vulnérable) avant de faire marche arrière et de passer à une médecine plus douce, des traitements alternatifs importés du Mexique mais interdits aux Etats-Unis. Woodroof, en militant contre l’AZT et pour une médecine « naturelle », s’attirera les foudres de la FDA (US Food and Drug Administration) qui usera de tous les moyens de pression pour lui faire cesser ses activités et d’importer « illégalement » des médicaments du monde entier. Mais ce qui dérangeait surtout la FDA, c’était l’association dangereuse pour eux (le Dallas Buyers Club) que Woodroof avait créé avec un malade transsexuel atteint du SIDA (Jared Leto) : le Dallas Buyers Club.

Jared Leto

Premier des onze clubs qui s’ouvriront ensuite, Le Dallas Buyers Club regroupait des malades séropositifs déçus du système et qui, moyennant une cotisation de 400 dollars, acceptaient de suivre un traitement alternatif prescrit par Woodroof, lui même adepte d’un médecin américain réfugié au Mexique et radié de l’ordre des Médecins pour ses méthodes et ses positions. Le Dallas Buyers Club connaîtra un succès phénoménal avant d’être fermé, déclaré « illégal ». Si les enjeux financiers énormes que représentait l’AZT et son développement commercial sont assez bien décrits tout comme l’entente tacite qui existait entre les hôpitaux, les laboratoires pharmaceutiques et la FDA, Dallas Buyers Club brille surtout par la composition de Matthew McConaughey, très bien épaulé aussi par Leto. Car pour le reste, la mise en scène du réalisateur canadien souffre de son manque de rythme, de tension, de sa lenteur. Peu inspirée voire plate dans l’ensemble malgré des dialogues piquants parfois.

Dommage, car la biographie et le combat de Woodroof auraient mérité mieux au cinéma. C’est aussi décevant que de voir présenté, par exemple, dès le début du film, un personnage de Woodroof au physique décharné, à la silhouette fragile, déjà très amaigrie voire squelettique. Il aurait été préférable de montrer progressivement la dégradation physique du personnage, pour montrer comment, malgré la déchéance physique, malgré la dégénérescence inexorable des cellules de son organisme, Woodroof n’a jamais cessé de de se battre, courageux et déterminé, acharné et jusqu’au-boutiste. Cela n’aurait fait qu’aider à combler les lacunes de la mise en scène en rendant le personnage (pourtant superbement incarné par McConaughey) beaucoup plus émouvant.

http://www.youtube.com/watch?v=koAXLkIs9H4

The Ryan Initiative, film américain de et avec Kenneth Branagh avec Chris Pine, Kevin Costner, Keira Knightley (01 h 46)

Dallas Buyers Club, film aussi américain de Jean-Marc Vallée avec Matthew McConaughey, Jennifer Garner, Jared Leto ( 01 h 57)