Le droit à l’avortement, retour au XIXème siècle ?

Par Marine @Rmlhistoire

En ce moment, je ne suis pas contente. Je ne vous apprends rien, c’est tendu tendu la question de l’avortement en Espagne. Si j’ai bien tout compris, le projet de loi qui doit passer devant le Parlement espagnol n’autorise l’interruption de grossesse que dans deux cas, le viol et lorsque la grossesse présente un risque physique ou psychologique pour la mère. Bref, l’Espagne passe la marche arrière en qui concerne les droits de la femme (et de l’homme). Et le débat envahit la France. Aussi, je vous propose aujourd’hui de comprendre comment se déroulait un avortement dans la France du XIXème siècle. Que ça ne donne aucunes mauvaises idées aux rétrogrades de ce monde

A la fin du XIXe siècle, l’avortement est devient de plus en plus fréquent, malgré l’illégalité, les difficultés, les douleurs, et sans tenir compte des pressions politiques, sanitaires, sociales, les femmes ont voulu échapper à la fatalité biologique des grossesses successives.

  • Les méthodes d’interruption de grossesse

    • Les recettes et autres potions pas tellement magiques. Elles sont effectuées par les femmes elles-mêmes. Principalement à base de persil, et plus tardivement à base de médicaments. Le taux de réussite n’atteint pas les 5%, c’est pourquoi les femmes concernées doivent nécessairement utiliser des méthodes beaucoup moins douces. Tout au long du XIXème siècle les arrêts rendus par la justice permettent de rendre compte de la violence que pouvait générer une grossesse non désirée…

    • Le décollement ou la perforation des membranes. C’est la méthode utilisée dans les trois-quarts des cas. Entre 1870 et 1939, les avortements augmentent et sont beaucoup plus précis… Il faut remarquer que, quel que soit le terme de la grossesse, ce sont toujours les mêmes techniques rudimentaires qui sont utilisées. Aussi, des ustensiles de la vie quotidienne sont–ils détournés de leur usage normal: aiguille à tricoter, crochet, épingles, plumes à chapeau ; ensuite des outils chirurgicaux : speculum, sonde en caoutchouc et canule fine, vendus librement à l’époque dans les grands magasins. Tout ceci n’a rien à faire dans un utérus, j’vous jure.

    • L’injection d’eau bouillie ou savonneuse, l’avortement se pratique soit avec une seringue, soit avec poires et canules à lavements.

    • Enfin, la dernière méthode est celle utilisée surtout par les spécialistes, la pratique consiste à dilater le col, soit avec des laminaires, soit à l’aide de bougies. Super… C’est très très rare car il faut un médecin, et le code pénal nous rappelle bien qu’ils peuvent être condamnés aux fers. La peine des fers ce n’est ni plus ni moins que des travaux forcés.

Les couples aisés, malgré l’illégalité, font appels à des sages-femmes, voire des médecins et du matériel relativement adapté pour pratiquer l’avortement. En revanche, pour les couples les plus démunis, il s’agit de matrones sans diplôme, ou de proches, ou de n’importe qui en fait et surtout avec n’importe quoi.

De manière générale, les avorteurs et "faiseuses d’anges" sont à 16% des proches (maris, familles, amies, voisines), 45% sont des professionnels de santé (dont plus de la moitié de sages-femmes), 33% sont des femmes ordinaires réputées s’y connaître (ménagères, ouvrières, paysannes, cartomanciennes, prostituées).

  • Le Code Pénal de 1810 et les procès d’avortement

La loi :

L’article 317 du Code Pénal de 1810 «condamne aux fers médecins chirurgiens et pharmaciens impliqués dans un avortement» et condamne à la réclusion quiconque qui ne serait pas du corps médical, donc, à une peine de réclusion. Cet article entérine un interdit sur l’avortement qui existait dans la société française depuis un édit d’Henri II en 1556. L’avortement, considéré comme un crime, envoie directement les accusé(e)s devant les cours d’assises, et c’est pas franchement funky. Pour la femme qui s’auto-avorte, c’est plus compliqué, il y a eu de nombreux revirements de jurisprudence. Certains jugent sanctionnent, d’autres estiment que c’est SON CORPS, SA VOLONTÉ, SON CHOIX. 

Pour se défendre les femmes, ou les couples, donnent diverses raison, des problèmes de santé de la femme suites aux précédentes grossesses, une famille déjà trop nombreuse ou encre des problèmes financiers.

Le nombre d’avortements :

L‘évaluation du nombre d’avortement reste difficile, personne ne se risquait à revendiquer un acte illégal. Une meuf qui mange du persil à tous les repas, ça ne se remarque pas, mais celle qui va à l’hôpital avec un utérus perforé, là, on peut avoir un doute.

En consultant les registres des hôpitaux, Jacques Dupâquier avance le chiffre de 30000 avortements en 1900 et plus de 60 000 en 1914. Autant d’actes susceptibles d’être traduits en justice. Or, ce n’est pas le cas.

De 1831 à 1880 il est possible de compter «seulement» mille procès d’avortement, soit une vingtaine par an. Et les jurés font preuve d’indulgence envers les femmes accusées, 40% des accusés sont acquittés, et 78% des reconnues coupables bénéficient de circonstances atténuantes. En revanche, pour tous les foyers qui n’ont pas les moyens, ou pas les connaissances pour avorter de manière illégale, il reste l’infanticide, couramment pratiqué dans les campagne, il est très sévèrement puni. Mais personne ne voulait en arriver là.

Et puis le 17 janvier 1975, Simone Veil.

Moi je soutiens #IVGmoncorpsmondroit et toi?

___________________________________________________________________________