Mauvais genre de Chloé Cruchodet

Par Sylvie

BD

Cette BD est le grand succès de l'année 2013. Elle vient d'obtenir le Prix du Public à Angoulême; avant, elle avait obtenu le Prix Landerneau et le Prix Coup de Coeur de Quai des Bulles à St-Malo.

Magnifique réalisation formelle et un scénaro très original et d'actualité : le genre sexuel...

Chloé Cruchaudet s'inspire d'une histoire véridique de la Première Guerre Mondiale et d'une livre d'historiens  La garçonne et l'assassin pour raconter la vie de Paul et Louise, un couple d'ouvriers dans le Paris des années 20. Paul est engagé dans la guerre des tranchées. Se blessant volontairement à la main pour échapper à la boucherie, il va se travestir en femme pour éviter la conscription. Il devient alors Suzanne. Ce qui est au début un jeu devient alors au fur et à mesure une nouvelle identité. Au moment du "retour à la normale", de l'amnistie pour les déserteurs, sa double identité devient un problème dans sa vie privée. Il se prostitue bientôt au bois de Boulogne et il en devient l'égérie....

Louise, sa femme qui l'initie au début à la féminité, devient de plus en plus jalouse.

Les rebondissements sont nombreux, la fin est complètement inattendue. Une vraie réussite dans le scénario !

Un magnifique témoignage sur la vie quotidienne à cette époque, une redécouverte d'un vie complètement oubliée (Paul a été championne de France de parachute !) et une belle réflexion sur l'identité sexuelle.

Paul était-il bisexuel à l'origine ? est-ce le fait se s'habiller en femme qui lui rélève une autre identité possible ? Chloé Cruchodet se garde bien de trancher....

Esthétiquement, cet album est un chef d'oeuvre. Noir, blanc, rouge. Telles sont les trois couleurs utilisées. Les touches de rouge apparaissent au fur et à mesure ; c'est une robe, une écharpe, un tube de rouge à lèvres...les symboles de la féminité. Mais aussi de la passion, du drame, du sang. L'auteur colle au plus près de ses personnages et conçoit sa page comme une succession de belles esquisses de portraits, comme des pastels.

Tour à tour dramatique et badin, cet opus, à coup sûr, ne vous laissera pas indifférent.