Salle 5 - vitrine 6, côté nord : 12. d'une interprétation particulière de tables d'offrandes particulières ...

Publié le 18 février 2014 par Rl1948

  La police de la pensée interdit la traversée en dehors des passages cloutés de l'historiographie officielle.

Michel  ONFRAY

Le magnétisme des solstices

Journal hédoniste  V

Paris, Flammarion, 2013,

p. 11

     Mardi dernier, nous nous sommes quittés vous et moi, amis visiteurs, après nous être longuement attardés devant la table d'offrandes de Mâya et de Tamit exposée à nos pieds, sans annotation explicative de la part du Conservateur en charge de la vitrine 6 de la salle 5 du Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre.

 

     Nonobstant, grâce à la pugnacité de lecteurs avisés, - relisez les commentaires de François -, j'ai pu pallier ce manque et ainsi, dans un addendum inséré le lendemain, lui rendre une situation spatio-temporelle précise.

     A cause de l'"excitation" du moment, vous aura peut-être échappé la promesse que j'avais pourtant faite de vous donner connaissance d'une interprétation à avancer quant à la particularité stylistique qui la place quelque peu en marge des monuments semblables que vous avez coutume de rencontrer.

     En effet, et en guise d'exemple comparatif, je vous avais emmenés, rappelez-vous, au premier étage, en salle 23 pour y considérer, dans la vitrine 18, un petit monument du Moyen Empire (XIIIème dynastie), mis au jour à Abydos, d'un certain Senpou (E 11573), dans le socle duquel est insérée une table d'offrandes. 

(© C. Décamps)

     De facture tout à fait "classique", celle-ci propose la figuration de la natte de joncs ou de papyrus tressés avec, au milieu, un pain vu de face, symétriquement encadré de deux vases qu'accompagnent deux autres pains, des ronds en l'occurrence et, saillant d'un des côtés, un déversoir rectiligne destiné, grâce au sillon d'écoulement qui le traverse, à évacuer les eaux lustrales.    

     Parmi les différentes variantes que connut ce type d'objet funéraire au cours des quatre millénaires de l'Histoire de l'Égypte antique, - et sur lesquelles je me garderai bien aujourd'hui de m'étendre -, j'en retiendrai néanmoins une, celle qui caractérise la pièce qui nous occupe ici même en salle 5 : 

      

  

l'excroissance n'est plus en rien rectangulaire.

     Mis à part le fait qu'elle se dégage seule d'un des côtés du monument, alors que, vous l'avez constaté avec un autre bloc semblable provenant des fouilles de Bernard Bruyère, à Deir el-Médineh, dans la première moitié du XXème siècle (E 13994), d'autres peuvent la présenter enchâssée dans un cintre de pierre : rappelez-vous celle qu'avait photographiée le Professeur JF Braduayant appartenu à Imenemipet et à son épouse Noubemtekh, exceptionnellement sortie des réserves du Louvre pour l'exposition de 2002 consacrée aux Artistes de Pharaon

 

     

cette forme, pour l'ensemble de la communauté égyptologique, fait référence au pain traditionnel.

     Pour la majorité des historiens, certes, mais pas pour Michel Dessoudeix, - auteur de plusieurs ouvrages égyptologiques notamment consacrés à la traduction de textes importants -, que je remercie vivement de m'avoir fait l'honneur de choisir de soumettre ou non à votre entendement le postulat qui est sienconcernant ce détail stylistique particulier.

     J'ai beaucoup réfléchi, amis visiteurs, soyez-en assurés. Beaucoup hésité. Beaucoup revu ma documentation personnelle. Beaucoup échangé avec lui, aussi, par courriels interposés, soupesant ses arguments qu'en toute impartialité il m'a présentés à charge comme à décharge.

     Finalement, je me suis dit que, par honnêteté intellectuelle et quelle que soit ma propre opinion, je ne pouvais m'autoriser à faire fi de la sienne d'un revers de clavier.

     Dès lors, permettez-moi ce matin de vous l'exposer de manière succincte.

     Partant du principe que lui paraît extrêmement étrange un "canal" ainsi creusé au milieu d'un pain, il émet l'hypothèse qu'il s'agirait plutôt de la figuration du gland d'un sexe masculin : la rigole centrale représenterait ainsi l'urètre et l'eau lustrale qui servit à la libation des offrandes symboliserait l'éjaculation de la "Première fois", le "sep tepy" des Égyptiens, qui permit d'asseoir l'ordre du monde lors de la création.

     Ajoutons à cela, poursuit M. Dessoudeix dans l'une de nos correspondances, que dans les temples, les offrandes aux dieux sur ce type de tables étaient faites au lever du jour.

     De sorte que l'on retrouve beaucoup de comparaisons avec le premier matin du monde renouvelé chaque nouveau matin ...

     Ainsi donc, conclut-il, la vie apportée par l'offrande d'aliments surgit de la même manière que l'acte primordial et premier parmi tous qui a donné LA vie : l'éjaculation.  

     Semblable supposition prêtant une connotation sexuelle à cette protubérance dans la pierre pourrait parfaitement s'inscrire dans la droite ligne de ce que sur ce blog, lors de certaines interventions de la rubrique "Décodage de l'image égyptienne", j'ai déjà eu et aurai encore bientôt l'opportunité de vous expliquer : l'art égyptien dans bien de ses composantes, eut aussi pour finalité d'assurer, par la magie de l'image, comme par celle des mots, la régénération d'un défunt dans l'Au-delà.

     Michel Onfray, encore (p. 127) :

     (Que) l'on cesse de mobiliser Descartes pour comprendre le fonctionnement d'une pensée africaine, voire d'une vision du monde issue du désert.

     Dès lors, une fois mis à la poubelle le "Discours de la méthode", on peut envisager une autre raison que la "raison pure" occidentale. Notamment la "raison magique", autrement dit "raison poétique", "raison fabuleuse", "raison mythologique".

Car la raison ne fut pas toujours rationnelle. Tant s'en faut.

    Armés de mes propos, vous disposez à présent du droit de réponse : que pensez-vous, amis visiteurs, de l'interprétation prônée par Michel Dessoudeix que je viens de relayer ?