Le féminisme au service de la fiscalité ?

Publié le 18 février 2014 par Vindex @BloggActualite
-La politique fiscale française est connue pour son volontarisme nataliste-

Et si l'idéologie volait à la rescousse de la politique fiscale gouvernementale ? C'est du moins l'impression que l'on pourrait avoir par cet effet d'annonce. L'idée : individualiser l'impôt permettrait, entre autres, aux femmes de plus travailler. Analyse. 

Fiscalité et emploi des femmes

L'idée véhiculée et défendue par Najat Vallaud-Belkacem est que lorsqu'une personne ne travaille pas dans un couple, il s'agit majoritairement d'une femme, ce qui est sans doute vrai. Partant de ce constat, elle estime qu'il est plus cher au second qu'au premier apporteur d'un foyer de travailler. En effet, le salaire de ce second vient abonder considérablement le revenu du foyer fiscal, augmentant donc considérablement le salaire imposable donc le montant global de l'impôt. En individualisant l'impôt, chacun des deux individus seraient imposés de la même manière. Cela étant, il faut relativiser cette analyse. D'abord, si effectivement l'impôt augmente considérablement lorsqu'on perçoit deux revenus au lieu d'un seul, la majorité du revenu reste (encore !) à disposition du couple, si bien que pécuniairement celui-ci en retire plus d'avantage que d'inconvénient. De plus, il faut avoir à l'esprit que si la femme (ou l'homme) ne travaille pas ce n'est pas nécessairement par soucis d'économiser des impôts mais, le plus souvent, pour des contraintes autres (enfant ou parent) et est par conséquent temporaire. L'envie de travailler est là, si bien que l'incitation (réelle) de cette mesure individuellement ne porterait collectivement peut-être pas tous les fruits espérés. Il faut aussi savoir que si plus de femmes tenteraient de retrouver un emploi, elles ne pourraient à l'évidence pas toutes l'obtenir vu le contexte économique actuellement morose.Enfin, il apparaît quelque peu artificiel d'individualiser ainsi les personnes alors que les familles/foyers sont des entités économiques cohérentes et difficilement dissociables, si bien qu'elles s'acquittent de l'impôt qu'elles doivent en globalité, par le biais des ressources conjointes et non propres à chaque conjoint.Or, si le gouvernement présente une telle réforme comme a priori bénéfique pour la société (encore qu'il faudrait savoir si la raison majoritaire pour les femmes qui ne travaillent pas sont fiscales, ce qui reste à démontrer), cela n'est probablement pas le cas si l'on y réfléchit attentivement. 

Vers la fin du quotient familial ?

Cette mesure d'individualisation entraînerait mécaniquement l'abolition du quotient familial qui consiste à pondérer le montant de l'impôt en fonction du nombre d'individus constituants une famille. En effet le rattachement des enfants à l'un ou l'autre des parents travailleurs deviendrait impossible, d'où une imposition à raison du seul revenu. Le peu de pays européens qui pratiquent la "familiarisation"de l'impôt sur le revenu (3 : la France, le Luxembourg et le Portugal) pourrait jouer en faveur d'une individualisation qui selon certains sera vue comme plus juste. En effet, d'aucuns considèrent que faire des enfants est un choix à ne pas faire peser sur des parents sans enfants, que cela serait injuste. Rien n'est plus faux, et à plus d'un titre. D'abord, élever un ou des enfants est l'oeuvre d'une vie, ou du moins d'une partie non négligeable. Cette tâche aussi noble que dure apporte au corps social sa pierre à l'édifice, sa contribution à la pérennité de notre société, et mérite à ce titre une compensation, ne serait-ce que pour inciter à ce sacrifice. De plus, et dans une perspective d'équité fiscale, le quotient familial répond bien à un impératif de justice. En effet, comme le disait Alfred Sauvy : 
"La progressivité du taux se justifie parce que le superflu peut, par définition même, être réduit dans une proportion plus forte que le nécessaire. Un célibataire qui gagne 150 000 F par an a un niveau de vie supérieur à un père de 4 enfants qui gagne le même revenu. Les imposer également serait frapper également la partie de plaisir du premier et la viande, voire le pain du second". 

Ainsi, alors que le principal atout de cette réforme envisagée est incertain, son inconvénient est bien réel. 

Une croissance accrue ?


Au crédit de cette proposition, certains veulent ajouter que l'économie française gagnerait par ce fait 0,5 point de croissance par an. Ce qu'il convient de dire pour relativiser cette affirmation c'est que si l'activité salariée créer de la richesse, d'un point de vue relatif l'activité salariée féminine ne créer, a priori, pas plus de richesse que l'activité salariée masculine. Il est donc vrai mais imprécis de dire que cette mesure apporterait de la croissance pour ce qu'elle comporte d'avantages pour les femmes. Par ailleurs ce demi point de croissance mériterait un calcul détaillé quant au nombre d'emplois attendus. Ce qui est certain, c'est surtout l'accroissement des impôts qui résulterait de cette mesure au détriment des familles françaises, car si individuellement il y a rééquilibrage, en valeur absolue la suppression du quotient fait augmenter l'impôt. Cette volonté gouvernementale qui ne fait probablement pas l'unanimité parmi les citoyens est pourtant à surveiller de prêt, tant sur les effets que sur les arguments avancés pour en justifier le bien-fondé. 

Sources

Challenges ; Les échos.Rem-100