House of Cards : la saison 2 !

Publié le 19 février 2014 par Wtfru @romain_wtfru

Nous l’avions laissé dans un footing nocturne, courant dans un sombre brouillard vers une destination et une destinée inconnues. Le revoilà, poursuivant sa course contre ses adversaires, contre lui-même, contre le temps. Tout comme sur la dernière image de la saison 1, Kevin Spacey aka Franck Underwood continue sa progression dans cette nouvelle saison de House of Cards. On l’a regardée, voici notre avis.

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C’est le 14 février que Netflix, le site de vidéo à la demande américain, a diffusé le second volet du thriller politique. Une bonne manière pour les adeptes de binge-watching d’occuper leur Saint-Valentin, tandis que d’autres préfèrent savourer les 13 épisodes tant attendus. Et par respect pour ceux-là, nous ne vous spoileront pas, promis.
House of Cards, c’est l’histoire de Franck Underwood (Kevin Spacey), membre démocrate du Congrès américain, qui se voit refuser le poste suprême de Secrétaire d’Etat au début de la première saison. À partir de cet échec, le réalisateur David Fincher nous montre la stratégie de reconquête mise en place pour aboutir à l’obtention du non-moins alléchant poste de Vice-président, auquel accède finalement Underwood. Avec cette nouvelle saison, on comprend vite que l’ascension du nouveau VP n’est pas terminée, et que son ambition pourrait le mener jusqu’au summum. Entre réalisme et fiction, House of Cards s’attache à nous décrire les rouages du pouvoir, car c’est bien le pouvoir qui constitue le principal but des protagonistes, et non la richesse.
C’est aussi l’histoire des relations entre la presse, connue aux Etats-Unis comme le 4è pouvoir capable de faire tomber le président Nixon en 1974, et le pouvoir politique, et des manigances qui poussent l’un à se servir de l’autre. La série se base donc sur deux trames narratives pleines de métaphores.

On connaît les talents du réalisateur de la série, David Fincher, pour explorer les déséquilibres internes des personnages (Fight Club), ou pour dépeindre un univers sombre teinté de réel (The Social Network). Il nous offre ici un beau tableau des interactions entre individus au cœur des rouages du pouvoir, comment la fin justifie les moyens. Parfois sombre, parfois noir, HoC montre la cruauté et l’humanité d’un monde méconnu d’un public pourtant à la base du système qu’on appelle démocratie. L’utilitarisme des réseaux, la manipulation des groupes d’influence (religieux, économiques, écologistes) nous transportent au cœur de la politique côté coulisses. Pas ingrat, Fincher nous offre des fins d’épisodes qui tiennent en haleine sans tomber dans les vicieuses chutes qui vous laissent dans un état d’hyperactivité anxieuse, un peu comme dans Game of Thrones.
L’actualité tient une place majeure dans la narration (réformes sur l’éducation, sur la retraite, relations sino-américaines) tout en mettant en scène des personnages fictifs. On pense donc selon l’une ou l’autre option à La Conquête, à L’Exercice du pouvoir, à L’École du pouvoir (une série de deux long-métrages), mais aussi aux succès récents des thrillers politiques comme Veep ou Borgen

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Une série moderne
Diffusée sur Netflix, qui a dépassé la chaîne HBO avec plus de 33 millions d’abonnements aux USA, la saison 1 a été un succès indéniable. La réussite de HoC a permis à la plateforme de vidéo à la demande de devenir un acteur majeur de la culture vidéo ; Libération titrait le jour de la sortie cette nouvelle saison « La fête du stream ». Puisque tout ce qui a une valeur a un coût, et tout ce qui a un coût a un prix, Netflix pose la question de l’accès (quasi) gratuit à la culture, en concurrençant bientôt Canal+, chaîne payante qui diffuse la série. La stratégie digitale a aussi été un succès, avec une communication importante sur les réseaux sociaux. HoC met en scène l’espionnage numérique comme moyen d’accès à la vérité et comme étendard de la liberté, et le spectre des affaires Snowden, Assange, NSA plane sur la série. L’omniprésence des technologies est marquante dans les épisodes, et tout tourne autour de conversations téléphoniques, de textos, de mails. Des hommes politiques modernes, comme Underwood qui joue à la Play pour se détendre.

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Les personnages
Kevin Spacey, énervant de par son air sûr de lui et toujours bien mis, diffuse un charisme nonchalant donnant une impression de totale maîtrise même quand les choses lui échappent. Dans sa stratégie de conquête du pouvoir, il semble que son principal ennemi soit le temps. Toujours pressé, il se bat pour ne pas être rattrapé par son passé.
Sa femme est incarnée par Robin Wright, qui a reçu un Golden Globe pour sa prestation sur la première saison. Claire Underwood est une MILF aux dents longues : sous ses airs distingué et humaniste de dirigeante d’une ONG se cache une femme prête à tout pour arriver à ses fins. Mariage d’amour ou alliance par intérêt, rappelons que ce couple s’apporte beaucoup mutuellement et qu’ils ne peuvent rien l’un sans l’autre. Le sommet vers lequel tend Franck Underwood, soit la présidence des USA, est personnifié par Garett Walker (Michael Gill). Son chauffeur, Edward Meechum, toujours aussi loyal, s’est lui beaucoup rapproché du VP…
Du côté des journalistes, on ne vous en dit pas plus sur Zoe Barnes (Kate Mara), rencontre déterminante d’Underwood, qui devient un enjeu central de l’histoire… Lucas Goodwin (Sebastian Arcelus) est victime de son honnêteté dans un monde où trop bon signifie aussi trop con. Certains protagonistes prennent du volume (le tandem Rachel Posner et Doug Stamper), on ne vous dit rien quant à l’apparition de nouveaux protagonistes, mais une femme veut remplacer Underwood et les Chinois sont partout.

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Ce qui est bien avec HoC, c’est que la distribution n’est pas vraiment manichéenne puisque tous les personnages sont ambivalents, capables d’être tour à tour bon samaritain, ou impitoyable requin. Il y a de l’humanité, de la cruauté, du meurtre, des coups de fil, des coups de putes. Jeux de coalitions et de trahisons ou alliances fratricides et pactes rompus. Car « la route du pouvoir est pavée d’hypocrisie ».

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Retour gagnant
Le second volet tant attendu, dont même Barack Obama a twitté l’intérêt («Tomorrow : House of Cards. No spoilers, please»), aura probablement le succès escompté. Au tableau des points négatifs, on pourrait dire qu’une légère impression de claustrophobie se dégage, on est constamment entre 4 murs, ceux de la Maison Blanche principalement, et le cadre spatial aurait mérité d’être plus étendu. Au regard de la volonté de vraisemblance, la mise en avant du rôle de Vice-président dans la politique américaine est peut-être un peu exagérée dans la série. Il faut signaler aussi que HoC n’est pas faite pour les pessimistes en mal d’espoir, et le regard porté sur l’univers politique est proche de tomber dans un cynisme du «tous pourris».
Par la voix de son personnage principal, Fincher emploie plutôt l’expression de «pragmatisme sans pitié» pour décrire ce monde. Le moins qu’on puisse dire, c’est que d’entrée de jeu cette nouvelle saison envoie du lourd, avec une surprise de taille dès le début ; sans compter l’aboutissement de la saison… On retrouve toujours ces apartés face caméra, où Kevin Spacey s’adresse au spectateur les yeux dans les yeux, pour des formules sentencieuses. Lors de l’une d’elles, il donne le ton de ce retour en beauté : dans ce monde sans merci, «il n’y a qu’une seule règle : chasser ou être chassé. Welcome back».