La route de la servitude bolivarienne

Publié le 20 février 2014 par Copeau @Contrepoints

Par Juan Ramón Rallo

Après des tonnes de maquillages statistiques, le paradis socialiste du Venezuela a terminé 2013 avec une inflation de 56,2% et une dévaluation du bolivar supérieure à 30%. Le vol inflationnaire vient de loin – depuis 1999, la monnaie a souffert d’un inflation de 1.900% et une dévaluation officielle de plus de 90% – et il ne semble pas que Maduro montre le moindre intérêt pour y mettre fin : fin janvier, l’indice des prix à la consommation sur un an se situait au-dessus de 56% et l’exécutif chaviste établissait un taux de change dual par lequel le bolivar subissait une dévaluation additionnelle de 46% pour pratiquement toutes les opérations avec l’étranger (commerce électronique, importation de biens non catalogués de première nécessité, paiement par carte, tourisme, perception d’argent en provenance de familiers à l’étranger, etc.)

Depuis l’époque de Juan de Mariana, nous savons que l’inflation n’est rien d’autre qu’un vol perpétré par l’État à l’encontre de la population au travers de l’avilissement de la monnaie. Le cas du Venezuela n’est pas une exception, mais bien sa plus déplorable confirmation actuelle : le gouvernement vénézuélien non seulement s’est historiquement consacré à prendre d’assaut les énormes réserves de dollars que possédait la banque centrale grâce à la compagnie pétrolière PDVSA, mais a aussi, depuis 2001, multiplié par 38 la quantité de monnaie et de billets en circulation. En conséquence, oui l’inflation vénézuélienne est un vol à main armée consistant à diluer la valeur des bolivars que l’État oblige les citoyens à accepter.

Il est clair que l’objectif de tout braqueur professionnel est que sa victime ne soit pas consciente de la rapine dont elle souffre. C’est pourquoi, depuis plus d’une décennie, l’exécutif vénézuélien instaure des contrôles des prix et de change dans le but de masquer l’inflation réelle que connaît la population : sauf qu’interdire légalement l’enchérissement des marchandises internes ou des devises externes ne rend pas celles-ci plus accessibles, bien au contraire, elles cessent d’être mis en vente.

Ce n’est pas en vain que tout contrôle des prix signifie antichambre de la pénurie dès lors que l’on détruit la fonction coordinatrice des prix du marché : d’un côté, les offrants se refusent à continuer à produire pour vendre à des prix qui ne couvrent pas leurs coûts réels (également hypertrophiés par le vol inflationnaire) ; de l’autre, les demandeurs ne ralentissent pas leurs commandes quand l’État ralentit l’escalade des prix. Le résultat ? Effondrement de l’offre et croissance de la demande, c’est-à-dire pénurie sur les marchés officiels et apparition de marchés noirs où, échappant à l’arbitraire normatif étatique, on peut conclure des transactions au prix réel.

Les Vénézuéliens le savent bien de par leur douloureuse expérience : l’indice de rareté qu’élabore la propre Banque centrale du Venezuela a atteint en janvier les 28% ; c’est-à-dire que 28% des produits que désirent acquérir les Vénézuéliens ne sont plus disponibles dans les magasins. De même, bien que le taux de change officiel se situe à 11,7 bolivars pour un dollar (ou 6,6 pour quelques rares transactions), sur le marché noir – où l’on peut véritablement acheter les billets américains –, celui-ci dépasse déjà les 85 bolivars pour un dollar.

Avec tout ça, le plus grave de la pénurie provoquée par les contrôles étatiques des prix n’est pas le processus de paupérisation auquel est soumise la population, mais bien le pouvoir absolu qu’elle octroie à l’État pour diriger ses citoyens comme un troupeau. Au final, toute pénurie généralisée s’accompagne d’un rationnement étatique de l’offre de marchandise et de devises : ce sont les politiciens et les bureaucrates qui choisissent qui peut acheter quelle quantité de chaque chose. Dans certaines occasions, le dirigisme étatique est direct via l’instauration de cartes de rationnement ; dans d’autres, il est plus indirect, en distribuant arbitrairement les devises qui sont nécessaires pour importer les marchandises de l’étranger : par exemple, le gouvernement de Maduro a refusé à différents journaux les devises qu’ils demandaient pour importer du papier et de l’encre, de sorte que depuis plusieurs jours leurs rotatives ne peuvent plus tourner.

Précisément, dans sa célèbre œuvre La route de la servitude, Friedrich Hayek avertissait des risques totalitaires de tout État excessivement interventionniste. Le Venezuela est en train de suivre pas à pas ce sentier de la soumission indiqué par le Nobel autrichien. Il est donc logique qu’une partie notable des citoyens se refuse à être menée comme des moutons à l’abattoir et se révolte contre le régime qui les opprime ; de manière tragiquement logique, parallèlement, le gouvernement vénézuélien réagit en nous rappelant quel est le fondement ultime sur lequel repose l’autorité politique de tout État : la violence systématique. Par malheur, le socialisme dans sa version la plus rigide – l’exploitation ouverte d’une partie de la société par l’autre – conduit inexorablement à l’affrontement social : le Venezuela n’est que sa énième victime.

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Traduit de l’espagnol.

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