Billet de Québec, par Jean-Marc Ouellet…

Publié le 21 février 2014 par Chatquilouche @chatquilouche

 Ah les Olympiques !  De beaux athlètes, des performances éblouissantes, des larmes de joie, de peine.  Tant d’efforts pour un instant de gloire.  Qui ne vient pas toujours.  Une chute est si vite arrivée.

Des performances si éblouissantes, qu’en nous comparant, nous nous sentons impotents.  Tellement éblouissantes que, applaudissant chaque médaille d’or, d’argent, ou de bronze, notre WOW ! dissimule mal un malaise, des soupçons sur la nature surhumaine des performances, refoule l’appréciation du rôle de la science dans l’éblouissance du sport d’élite d’aujourd’hui.  À chaque événement, sous les Hooo ! et les Ahhh !, des records sont battus.  L’humain serait-il devenu surhomme, pourvu de dons inédits, apparus quelque part dans l’évolution moderne de l’animal que nous sommes ?  Pas du tout.  L’ADN mute, mais toujours, les conséquences se manifestent avec subtilité, sur des générations.  Un surdoué apparaitra, battra les autres, dans les limites de la génétique de l’homme.  Il gagnera des médailles.  Au-delà, c’est la science du sport qui forgera les exploits, je ne parle pas ici de la science des tricheurs, de l’érythropoïétine ─ l’ÉPO pour le commun des mortels ─ de l’hormone de croissance et de la testostérone, non, mais bien de la science qui ne triche pas, celle de l’aérodynamique, de la physiologie musculaire, cardiaque et neurologique, de la biomécanique, de la nutrition, de la psychologie de l’effort et de l’athlète.  On sculpte l’équipement comme on sculpte le corps du compétiteur pour atteindre la performance ultime, à la limite de la mécanique humaine.  Ensemble, équipement et corps brûleront les millièmes de seconde des chronomètres, exécuteront de nouvelles figures, iront plus loin, plus vite.  Sans la science, les performances plafonneraient.  La génétique a ses limites.  D’un événement à l’autre, les résultats se ressembleraient, seraient d’une prévisibilité soporifique.  Qui, des heures durant, contempleraient des corps, tous entraînés à la limite du possible, traverser le fil d’arrivée en même temps ?  Pas très vendeur.  Rien ne frappe plus l’imaginaire qu’une entrée en solitaire, les seconds terminant à bout de souffle.

Durant ces jeux d’hiver qui se terminent, nous aurons assisté à des prouesses hors du commun.  Certains athlètes nous auront éblouis.  Pas que les autres n’avaient pas la génétique, ou qu’ils n’avaient pas fait les efforts pour réaliser les exploits, mais bien, qu’ils n’auront pas profité au maximum des avantages procurés par le savoir actuel.  On excusera le pays peu populeux de ne pas produire de champions.  On aura tort en partie, une portion d’explication réside ailleurs.  Prenez le même pays, trouvez-y un athlète génétiquement doué, entraînez-le sans relâche avec toute la science d’aujourd’hui, fournissez-lui un équipement de pointe, permettez-lui de voyager sans soucis, alimentez-le de manière judicieuse en fonction de son calendrier, de l’horaire de sa compétition et vous verrez : sans tricher, sans injections de poisons, cet athlète, lui aussi, vous éblouira.

J’admire le courage et la détermination des athlètes de haut niveau.  Tant d’efforts pour un rêve.  Tant de douleurs et de sueurs.  Le mérite d’être là, à Sotchi, leur revient de plein droit.  Quand ils monteront sur le podium, nous jalouserons leur génétique, saluerons leurs sacrifices, applaudirons le soutien de leurs parents, leurs encouragements, nous féliciterons leurs entraîneurs, les remercierons d’avoir poussé leurs athlètes à leurs limites, nous louangerons leur fédération de les avoir appuyés.  Mais là, sur la plus haute marche, sous les réflecteurs et les cris, combien de ces athlètes, combien d’entre nous, auront une pensée pour la science, pour les scientifiques qui leur auront octroyé un niveau de performance inégalé dans l’histoire humaine ?

Oui !  Les athlètes gagnent les médailles, mais la science offre les records.

Notice biographique

Jean-Marc Ouellet grandit dans le Bas-du-Fleuve. Médecin-anesthésiologiste depuis 25 ans, il pratique à Québec. Féru de sciences et de littérature, de janvier 2011 à décembre 2012, il a tenu une chronique bimensuelle dans le magazine littéraire électronique Le Chat Qui Louche. En avril 2011, il publie son premier roman,  L’homme des jours oubliés, aux Éditions de la Grenouillère, puis un article, Les guerriers, dans le numéro 134 de la revue MoebiusChroniques d’un seigneur silencieux, son second roman, paraît en décembre 2012 aux Éditions du Chat Qui Louche.  En août 2013, il reprend sa chronique bimensuelle au magazine Le Chat Qui Louche.

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)

© Jean-Marc Ouellet 2014