Pourquoi le soutien populaire au dossier « Jeux Olympiques Paris 2024″ ne vaut rien…En 2014

Publié le 24 février 2014 par Delits

La France est-elle maudite ? Après l’échec des candidatures Lille 2004, Paris 2008, Paris 2012 et tout récemment Annecy 2018 la question mérite d’être posée. S’il est très fréquent de voir des villes candidates essuyer plusieurs revers avant d’emporter la victoire, la France reste sonnée par ces quatre défaites consécutives. Au mois de décembre 2012 le rapport KENEO a cependant permis de prendre un peu de recul et d’identifier les faiblesses des candidatures tricolores : leadership, incarnation, vision, tout a été disséqué.

Depuis l’annonce de l’organisation de la 32e olympiade à Tokyo au mois de septembre 2013 la flamme olympique semble reprendre de la vigueur dans les rangs français. Récemment les choses se sont accélérées suite à la déclaration du Président Hollande au début du mois de décembre. Conscient de l’attente mais également des risques encourus (financiers, opinion), la Ministre des Sports Valérie Fourneyron a décidé de prendre l’année 2014 pour étudier la faisabilité d’un dossier. Ces huit mois devront permettre d’évaluer la concurrence (Durban, Doha, Berlin, Rome, Washington, Dallas, Los Angeles, etc.), de préciser les chances françaises, de mobiliser le nouveau maire de Paris et les porteurs du Grand Paris, de sensibiliser les acteurs économiques et enfin de mesurer le niveau d’adhésion à un tel projet.

Délits d’Opinion s’est plongé dans les archives récentes afin d’évaluer si le soutien populaire était bien ce « decisive factor » ou s’il était plutôt un élément « naturel » qui se renforce à mesure des progrès et de la pertinence du dossier de candidature.

Comment Tokyo a remporté les JO2020 en s’appuyant notamment sur un soutien populaire fort 

L’alternance des continents, la crise économique et l’instabilité politique ont sans doute expliqué pourquoi la « campagne » pour les JO 2020 fut la moins populaire avec uniquement 3 villes qualifiées (la précédent datait de 1988). Toutes ces villes s’étaient déjà toutes portées candidates par le passé. Pour Istanbul il s’agissait d’ailleurs du 5e essai.

Six mois avant la décision du CIO, au printemps 2013, plusieurs enquêtes ont permis de mesurer le soutien dont bénéficiaient les différentes villes :

  • 67% des Japonais et 70% des habitants de Tokyo soutenaient l’initiative olympique (vs. 47% en mai 2012). Un score en net progrès qui soulignait les efforts du pays pour mobiliser l’opinion alors qu’en 2009 le (faible) soutien pour le projet JO 2016 (55%) avait été fatal à Tokyo malgré un dossier sans doute plus fort que celui de Rio.
  • Côté espagnol, la candidature de Madrid bénéficiait d’un soutien de 81% de la part de la population espagnole. Un score relativement haut mais qui témoignait d’une baisse en comparaison avec les candidatures JO 2012 et JO 2016 (85% et 86%).
  • Enfin, la candidature d’Istanbul, 5e du nom, pouvait s’appuyer sur un budget record (19MdsE) ainsi que sur la mobilisation de la population : 91% des habitants de la capitale turque soutenait le projet.

De ces informations on peut retenir que paradoxalement le soutien populaire optimal n’est pas la clef de la victoire ; que les multiples candidatures ne provoquent pas toujours les mêmes effets sur un dossier olympique, et enfin que le soutien populaire apparaît vraiment crucial dans la dernière ligne droite (18 mois), pas forcement dès le début de l’aventure olympique. Dans le cas français, la décision du CIO devrait être prise en septembre 2017 ce qui confirme que le soutien populaire de 2014 et 2015 sera moins important que celui de 2016 et à fortiori 2017.

Retour sur le soutien populaire des derniers dossiers – perdants – français

On l’a déjà dit la France n’en est plus à son coup d’essai. Le pays a proposé plusieurs dossiers de candidature depuis 20 ans. Certains plus aboutis et soutenus que d’autres.

Le premier d’entre eux a été celui – resté assez confidentiel – de Lille 2004. Ecarté dès l’étape de la sélection la cité nordiste ne pu concourir face aux 5 autres villes retenues dont Rome et Athènes qui se disputèrent la victoire finale. En décembre 1996 78% des Français étaient pourtant favorables à cette candidature. Inspirée par le succès d’Albertville 1992 l’opinion publique semblait à cette époque portée par un vent d’optimisme olympique.

Puis la France s’est lancée dans la bataille JO 2008-2012. Après le succès de Pékin 2008 l’Europe a présenté 4 villes candidates si on compte Moscou. En 2003 un premier sondage donnait un soutien de 67% des Français pour les JO d’été. Ce niveau est même monté à 79% en 2004 lors de la remise des dossiers. En 2005, à quelques semaines du verdict, les Français étaient même 87% à soutenir la candidature de la ville lumière. Un taux de soutien croissant qui a joué son rôle même si cet élément n’a pas empêché le succès de Londres 2012.

Plus près de nous la candidature Annecy 2018 restera comme l’échec le plus dur, notamment au regard des résultats des votes. En 2011 une enquête OpinionWay précisait que 80% des Français soutenaient le dossier français malgré une faible mobilisation au niveau national.

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JO 2024 : Un soutien populaire déjà important, avant même que l’on sache si la France sera candidate

Comme indiqué précédemment la France dispose de 8 mois pour savoir si le pays est en mesure de porter une candidature sérieuse et potentiellement victorieuse pour les Jeux Olympiques de 2020. Au mois de novembre 2013, suite aux premières déclarations du pouvoir politiques une enquête BVA a mesuré le degré de soutien, près de 4 ans avant la décision finale du CIO en septembre 2017 : 54% au niveau national. Un score qu’il faut cependant relativiser au regard du peu d’éléments dont les Français disposent à ce stade. Plus inquiétant, 64% des personnes interrogées estiment que le pays ne parviendra pas à l’emporter. Signe que les défaites passées sont encore très présentes dans l’esprit de tous et que l’opinion publique se refuse à endurer une nouvelle défaite.

Comme on a pu le voir le soutien populaire ne fait pas tout. Traditionnellement celui-ci va crescendo à mesure que les étapes sont franchies. Pour le dossier français les étapes à venir sont au nombre de 3 : novembre 2014, septembre 2015 et enfin la décision finale en septembre 2017. Compétition avant tout politique (lobbying CIO et impact fort de l’agenda politique national), il reste une inconnue à lever : dans quelle mesure les responsables politiques aujourd’hui aux commandes (Paris, Grand Paris, Gouvernement) pourront-ils jouer cette carte alors que leur niveau de popularité demeure historiquement faible ?  Premiers éléments de réponse dans quelques mois.