Interview exclusive de Maryline Canto, actrice et réalisatrice du sens de l'humour

Par Filou49 @blog_bazart
24 février 2014

Comme je l'ai annoncé ce matin à la suite de mon élogieuse critique du Sens de l'humour, j'ai eu la chance de pouvoir interroger la réalisatrice et actrice principale du film...

Comme j'avais beaucoup aimé le film, comme je pense vous l'avoir démontré ce matin, j'avais plein de questions à lui poser, mais j'ai essayé de me limiter un peu,  et je me suis arrété à 10 questions, celles qui me titillaient le plus...et Maryline y a répondu avec sa sincérité et sa patience qui la caractérise.....

Voici  donc sans plus tarder l'intégralité de cette rencontre exclusive avec Maryline Canto, actrice et réalisatrice du Sens de l'humour, qui sort en salles ce 26 février.

Baz'art : 1.Pourquoi avoir mis autant de temps à réaliser ce sens de l'humour, qui visiblement, se situe dans le droit prolongement de votre court métrage Fais de beaux rêves,  réalisé en 2006?

Maryline Canto :

Je pense que le temps entre le court métrage et le long métrage était nécessaire et utile à la maturation d'un tel projet. C'était un temps précieux, indispensable, qui m'a permis de définir clairement les personnages etsurtout le ton du film. Le film envisage la question du retour à la vie longtemps après un drame. Il m'a fallu du temps pour aborder avec la bonne distance et une certaine audace un tel sujet. Et puis je suis comédienne, je tourne régulièrement et de bons metteurs en scène m’ont proposé des rôles vraiment intéressants, impossibles à refuser.

Et puis le financementd’un film prend toujours un peu de temps.

2. A quoi renvoie le sens de l'humour du titre? A celui qu'il est nécessaire d'avoir pour se reconstruire après un deuil?

Maryline Canto :

Oui, l'humour à mon sens est indissociable de l'instinct de survie. Pourvu qu'on ait de l'humour, pourvu qu'on puisse se relever et supporter avec distance nos malheurs... C'est la bonne direction, au sens propre, comme un panneau de signalisation.

J'avais envie, alors que le sujet était grave, qu'on renonce au pathos mais pas à l'humour.

Ainsi ce titre sonnait comme un mot d'ordre à l'attention d'Elise.

3. Qu'est ce qui primait dans l'écriture de votre scénario, dessiner des personnages qui sonnent vraiment juste ou bien faire le portrait d'une femme qui réapprend à vivre après un deuil?

Maryline Canto :

Les deux avaient leur importance.

Je tenais à faire le portrait de cette femme partagée entre le passé et l'avenir, qui tente de conjuguer sa peine, sa culpabilité et son amour de la vie mais il m'importait aussi de faire le portrait de son fils Léo et de son amant Paul. J'ai essayé de traiter à égalité ces trois personnagescar tous trois sont conscients qu’un nouvel engagement est possible et vital pour eux. J’avais la conviction que cet instant précis de leur histoire pouvait être romanesque.

Et bien sûr, décrire ces trois personnages avec le plus de vérité, de justesse possible, comptait tout autant.

4. Est ce qu'il y a des réalisateurs avec lesquels vous avez tourné qui ont directement influencé votre travail de cinéaste pour ce sens de l'humour, et si oui, lesquels?

Maryline Canto :

Oui, plusieurs cinéastes avec lesquels j'ai tourné m'ont influencée ou m'ont ouvert la voie. Je les remercie d'ailleurs au passage : René Féret, Robert Guédiguian, ou Philippe Garrel. On retrouve chez ces cinéastes une idée de la famille, le choix de sujets personnels et une passion communicative.

5. Ce film vous donne,à Antoine Chappey et vous,  l'occasion de défendre de très beaux personnages. Est-ce qu'une des motivations du film vient justement du fait que le cinéma vous offrait récemment peu de beaux rôles comme ceux ci et que vous avez décidé de prendre le taureau par les cornes?  Est ce une petite revanche par rapport à la frilosité des décideurs du cinéma français qui ne vous donne pas les rôles que votre talent mérite?

Maryline Canto :

Merci pour le compliment !

Non, ce n'était en aucun cas une revanche mais une évidence absolue. Il n'y avait pas de débat possible. Sur certains films les acteurs sont interchangeables, là, ça n'était pas envisageable du tout. Et puis j'aime énormément jouer, et avec Antoine Chappey de surcroît.

Antoine Chappey est un acteur rare , il sait être à la fois léger et sensible. De plus, je savais qu'Antoine et moi partagions une même idée du jeu et que cela allait être passionnant d'y travailler. Cela faisait vraiment partie de la mise en scène.

Quant à la frilosité des décideurs, elle est réelle et problématique. Je la déplore sincèrement.

6. A propos d'Antoine Chappey,est ce qu'il a été facile de tourner avec votre compagnon à la ville, de faire abstraction de ce lien entre vous, notamment lorsque vous lui assénez des phrases  cruelles avec un accent de vérité assez troublant?

Maryline Canto :

Oui, cela a été facile comme je le disais dans ma précédente réponse. Très vite j’ai senti que ce lien, notre complicité, allait être une force supplémentaire, et allait nous permettre d'être inventif et de donner de la vitalité au film.

Quant à ce jeu de vrai ou faux, si on prend l'exemple de la cruauté, je crois que nous "les acteurs",nous sommes comme des enfants qui jouent à jouer :"je serais cruelle et tu serais blessé". On le fait avec conviction, avec le plus de foi possible, et si on est ému par ce qu'on fait ou ce qu'on dit, c'est que cela est vrai. C'est le but : lavérité de l'instant doit être troublante! Quels que soient les liens qui unissent les personnes ou les acteurs.

7. Le film touche également par le soin apporté à la photo et à la lumière, un soin rare pour un film tourné beaucoup en intérieur. Quelle est la nature de votre rapport avec votre chef opérateur Laurent Brunet?

Maryline Canto :

J’avais une idée précise de la lumière et des décors. J’ai fait moi-même les repérages, j'y tenais, c'était une façon de définir le film, de l'écrire encore et encore, de le penser. Il en va de même pour les couleurs dominantes du film, les costumes (en pensant à certains impressionnistes).C'est la quatrième fois que je travaille avec Laurent Brunet. Nous collaborons étroitement et nous faisons des essais dans les décors (musées, rues…), avec les costumes, les acteurs, et nous définissons très clairement en amont les parti-pris du film : les plans, les objectifs, afin de ne parler que du jeu sur le plateau. On se connaît bien, on sait que ce travail préalable, riche et indispensable va nous permettre d'être libre au tournage.

8 Auprès de qui vous êtes vous documentée pour toutes les scènes se passant dans les musées et notamment le passage sur la vie de Claude Monet?

Maryline Canto :

J'ai suivi beaucoup de conférencières au Louvre, à Orsay, à l'Orangerie et je me suis donc inspirée de leurs conférences, de leur façon de s’adresser aux enfants, de les captiver. J’ai passé beaucoup du temps avec elles. J’ai aimé les accompagner, les écouter. Chacune a son style. J'ai lu aussi beaucoup de livres sur Vinci et sur Monet. Monet est un peintre et un homme passionnant. J‘ai choisi de parler de son bonheur de peindre encore et toujours le même motif. Puis j'ai regardé des dvd, notamment la série « Palette » d’Alain Jaubert, qui est très réussie.

9 La fin pourrait laisser tout à fait entendre une suite.  Imaginez-vous déjà une suite à ces personnages, pour voir comment ils ont évolué ou vous avez réussi à tirer un trait définitif sur eux ?

Maryline Canto :

Je les aime beaucoup ces personnages. Je les trouve héroïques. Il m'arrive encore, alors que le film est terminé, de leurs imaginer des scènes! J'y suis très attachée, c'est certain. Donc je me dis en effet : "Pourquoi pas" ?

10 Qu'espérez vous au fond de vous comme carrière pour ce sens de l'humour? Que le destin de ces personnages touche le plus de monde ou bien qu'il connaisse un beau succès au box office?

Maryline Canto :

J’ai présenté le film dans de nombreux festivals et je me suis rendue compte qu’il touchait des spectateurs de tous âges. Il aborde des thèmes universels, l’envie de vivre et d’aimer est le coeur du sujet, cela concerne tout le monde, non ?

 Oui, tout à fait Maryline, ce sujet est éminement universel, donc  en souhaitant une très belle carrière en salles à ce Sens de l'humour , je voulais  vous faire un grand merci à vous Maryline