Comme un penchant pour Maître Perrin

Publié le 25 février 2014 par Morduedetheatre @_MDT_

Critique de Comme un arbre, penché, de Lilian Lloyd, vu le 20 février 2014 au théâtre La Bruyère
Avec Francis Perrin, Gersende Perrin, et Patrick Bentley, dans une mise en scène de Jean-Luc Tardieu

C'est un véritable défi que d'arriver à remplir une salle sur un thème et une mise en espace pareil. Sur la scène trône un lit, dos au public, sur lequel est allongé un homme dont on ne voit que les cheveux dépasser. Autour de lui, tout est blanc, et on ne peut plus douter : on se trouve bien dans un hôpital. L'homme dans son lit ne bougera pas de la pièce, et l'on ne verra pas son visage. Il est atteint du locked in syndrome, ce même syndrôme d'enfermement qui est à la base du roman Le Scaphandre et le Papillon.

C'est l'infirmière qui nous apprend son état. Au début de la pièce, elle est seul avec le patient et s'occupe de lui, quand un homme arrive. Il se présente : il s'appelle Louis et il est un ami de Philippe, le malade. Il vient d'apprendre qu'il avait eu un accident, alors que les deux amis ne s'étaient pas revus depuis 12 ans. Petit à petit, on apprend à connaître Louis, Philippe, et même Mathilde l'infirmière. On comprend la relation qui liait Louis et Philippe, on découvre la cause de leur brusque séparation, on s'introduit dans leur quotidien, incertain, parfois distrayant, souvent émouvant. 

Ces sentiments, c'est surtout Francis Perrin qui nous les transmet. L'acteur est presque en monologue pendant 1h30, conversant avec son ami malade qui ne lui répond pas, et il est plus que convaincant : il porte entièrement et brillamment le spectacle. Il passe sans difficulté et tout en finesse d'un sentiment à l'autre, du rire au larme, et nous avec lui, le rire étant un apaisement de toute l'émotion qu'il nous a fait ressentir auparavant. Il est parfois bouleversant et son léger bégaiement ajoute encore une touche d'humanité au personnage. Avec Gersende Perrin, sa femme en ville, il forme un joli duo et une réelle complicité se sent sur la scène ; dans leurs regards, beaucoup de tendresse, ils s'ajustent l'un par rapport à l'autre et jouent vraiment ensemble. Enfin, j'ai tendance à penser que si ce n'était pas un véritable homme dans le lit mais seulement un mannequin, on n'aurait pas eu l'excellente prestation de Perrin, car même muet, il est une présence essentiel au spectacle, et au jeu du comédien.

Je ne suis pas vraiment fan des spectacles qui se déroulent sous forme de tableaux. Ici, pourtant, cela ne m'a pas gênée. À chaque noir, c'est une nouvelle visite de Louis qui commence, une nouvelle invention pour distraire son ami, un nouveau coup de théâtre sur leur vie passée. Francis Perrin parvient à capter notre attention dès son arrivée sur le plateau, et elle ne se relâche pas de toute la scène. La musique, évocatrice de souvenirs dans la pièce, a son importance, puisqu'elle est source d'émotion et pour le comédien, et pour nous, puisqu'elle est liée à l'histoire des personnages. La pièce est finalement assez poétique et pleine d'espoir, car malgré un ton de deuil, c'est une nouvelle histoire qui commence. Cette poésie là, liée tout d'abord au texte, est transmise par un jeu simple, attendrissant, parfois poignant, qui a su nous toucher sincèrement.

Lilian Lloyd signe une très bonne pièce, parfaitement équilibrée entre rire et émotion, portée au plus haut par l'excellent Francis Perrin. A voir♥ ♥ ♥