Dans l’ombre de mary – la promesse de walt disney

Par Onrembobine @OnRembobinefr

[Critique] DANS L’OMBRE DE MARY – LA PROMESSE DE WALT DISNEY

Titre original : Saving Mr. Banks

Note:
Origine : États-Unis/Angleterre/Australie
Réalisateur : John Lee Hancock
Distribution : Emma Thompson, Tom Hanks, Paul Giamatti, Jason Schwartzman, Bradley Whitford, Ruth Wilson, B.J. Novak, Colin Farrell, Rachel Griffiths, Kathy Baker, Annie Buckley…
Genre : Drame/Comédie/Biopic/Histoire vraie
Date de sortie : 5 mars 2014

Le Pitch :
La genèse de Mary Poppins, le classique des Studios Disney, ou comment Walt Disney mit 20 ans à convaincre P.L. Travers, l’auteur du livre, de transformer son roman en film…
P.L. Travers, une anglaise solitaire et réfractaire à ce que représente Disney, arrive à Los Angeles, en vue de travailler sur l’adaptation de son livre. Elle se heurte à la féerie de Walt Disney qu’elle rejette en bloc, comptant bien garder un contrôle total sur son œuvre. Commence alors un véritable parcours du combattant pour le papa de Mickey et pour son équipe, qui devront composer avec les désirs d’une artiste exigeante. Peu à peu cependant, les barrières cèdent et P.L. Travers s’ouvre à un monde inconnu qui pourrait bien avoir à lui offrir davantage qu’elle ne le pense…

La Critique :
Mary Poppins a été présenté en avant-première mondiale, le 27 août 1964 au Grauman’s Chinese Theater de Los Angeles. Afin de fêter dignement le cinquantième anniversaire de ce grand classique des Studios Disney, un film a donc été mis en chantier. Pas un remake, mais bel et bien un long-métrage se proposant de revenir sur la genèse de Mary Poppins. Un épisode tout particulier qui reste parmi les plus célèbres et les plus savoureux de l’histoire de Disney, et qui se prête remarquablement bien à une mise en image. Il convient de saluer, à l’heure du révisionnisme massif au cinéma, cette approche pour le moins originale, en forme d’hommage à un classique inscrit dans les tables de loi du divertissement populaire le plus noble.

Reposant essentiellement sur la relation complexe car faite d’un respect mutuel mais aussi d’une certain incompréhension, de Walt Disney et de la créatrice de Mary Poppins, P.L. Travers, Dans l’ombre de Mary prend le parti de la mise en abîme habile. Un film dans le film, où se croisent l’auteur torturé d’un classique de la littérature britannique et un magnat du divertissement à l’américaine. Un récit où se télescopent le rêve inhérent à l’univers de Mickey et de Donald et l’apprêté d’une existence jalonnée de problèmes, évoquée ici par le biais de flash backs. Des retours en arrière entrevus dans la bande-annonce, sur lesquels il vaut mieux ne pas trop s’attarder, histoire de ne pas éventer le plaisir de la découverte, qui tombent néanmoins un peu comme un cheveu sur la soupe, allant même parfois jusqu’à casser le rythme du récit principal, qui tourne donc autour des négociations entre Disney et P.L. Travers au sujet du devenir de cette Mary Poppins au cinéma.
Là est le seul défaut majeur du film de John Lee Hancock (célèbre pour avoir signé les scripts d’Un Monde Meilleur et de Minuit dans le Jardin du Bien et du Mal de Clint Eastwood). Surtout lors de la première bobine (info comme ça en passant : le long-métrage a justement été tourné à l’ancienne, sans faire appel au numérique). On suit deux histoires en parallèle. La première met en scène Emma Thompson et Tom Hanks, respectivement P.L. Travers et Walt Disney, et la seconde Colin Farrell qui campe quant à lui un père de famille en proie à de nombreux problèmes, un peu perdu dans les affres de la société de la fin du 19ème siècle, avec ses enfants et son épouse. Mais heureusement, à mesure que le film progresse, les choses se mettent en place, les connexions se font, et la machine tourne avec plus de facilité et de fluidité. Laborieux au début, quand il rame un peu pour justifier sa construction alambiquée, Dans l’ombre de Mary trouve son rythme de croisière et retombe sur ses pattes.

Cela dit, jamais les difficultés du scénario et de la mise en scène à construire efficacement des bases par la suite consolidées, ne plombent le principal, à savoir l’émotion.
Et c’est là où le film frappe fort : sorte de biopic permettant de retrouver deux personnalités importantes du monde du divertissement et de plonger dans une autre époque afin de découvrir notamment les débuts (façon de parler) de l’industrie Disney, Dans l’ombre de Mary se propose aussi d’explorer les affres de la création. Une tache dont le film s’acquitte avec beaucoup de sensibilité, en choisissant notamment de conserver une part de « magie », y-compris quand le drame s’invite à l’équation. Pas la magie qui permet à Mary Poppins de voler avec son parapluie, mais celle qui habite les films de Disney justement. Celle qui invite à l’évasion et au rêve.
Walt Disney, campé par un Tom Hanks à nouveau impeccable, apparaît ainsi conforme à l’image d’Épinal que le temps a forgé. Tel un grand gamin, il veille sur un empire grandissant, se fait appeler par son prénom, mais sait néanmoins se faire respecter. Alors qu’au fil des ans, de nombreuses rumeurs ont entaché cette image, Dans l’ombre de Mary réhabilite le mythe. Bien sûr, on s’en doute, le film est chapeauté par Disney. Normal donc que le patron y soit représenté avec noblesse. La présence de Tom Hanks n’est pas non plus étrangère au processus, tout comme le gommage de certains détails non conformes à la volonté toute puissante de Mickey Mouse. Un exemple ? On ne voit jamais Disney fumer dans le film alors qu’il devait s’envoyer trois paquets par jour. À peine y fait-on allusion. On le voit par contre partir à la rencontre des visiteurs de Disney Land et faire du manège. Loin de nuire au propos du métrage, cette réhabilitation du personnage fondateur de l’empire aux grandes oreilles colle avec les intentions globales. De toute façon, c’est surtout de P.L. Travers dont il est question. De cette femme seule, presque forcée de vendre les droits de son livre à Disney, alors qu’elle déteste justement tout ce qu’il représente. De cet écrivain amené à s’ouvrir et à dévoiler un passé profondément enfoui.

Parfaitement interprétée par Emma Thompson, P.L. Travers porte cette genèse d’un classique intemporel. Le rire, dans un premier temps, fait place à l’émotion quand les barrières entre cette anglaise hermétique au changement et fervente protectrice de son personnage fétiche et Disney et son équipe de créatifs, commencent à tomber. Dans les scènes bouleversantes qu’Emma Thompson partage avec Paul Giamatti également. Giamatti qui n’avait pas été aussi bon et mesuré depuis un bail.
Pas forcement super enthousiasmant sur le papier, Dans l’ombre de Mary s’ouvre progressivement et gagne du terrain jusqu’à imposer une tonalité douce amère très attachante. Baigné d’une lumière douceâtre et de couleurs pastels, le film n’est certes pas dénué de défauts, mais il réussit l’essentiel. Il raconte avec beaucoup de pudeur et de sensibilité une belle histoire. Il n’oublie pas de distiller une magie discrète et une émotion authentique, pour au final s’inscrire dans la grande tradition d’un cinéma américain populaire et respectueux de son public.

@ Gilles Rolland

Crédits photo : The Walt Disney Company France

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