Projet de loi sur l’ égalité homme-femme : quelles avancées pour l ’égalité professionnelle ?

Publié le 18 mars 2014 par Abaka @AbakaConseil

Le projet de loi sur l’égalité homme-femme a été adopté le 28 janvier 2014 en première lecture par l’Assemblée Nationale et sera examiné en deuxième lecture par le Sénat au printemps. Quelles sont les avancées dans le monde professionnel ? et quels sont les défis qui resteront à relever par les entreprises ? Nous avons demandé l’avis d’Isabelle Croix, consultante en Evolution Professionnelle chez Abaka Conseil, qui a travaillé pendant un an à la rédaction d’un mémoire sur l’égalité homme-femme dans le milieu professionnel.

Evidemment, le projet de loi sur l’égalité homme-femme a aujourd’hui plus des enjeux sociétaux que législatifs. Une vraie culture de l’égalité professionnelle doit être encouragée et passera en grande partie par des démarches de RSE. Les entreprises se sentent obligées, pour des enjeux concurrentiels, de la valoriser. Elles se rendent compte que c’est mieux pour leur performance et leur image, que certains marchés leur seront peut-être fermés si elles ne peuvent pas prouver, à leurs clients, ce respect de l’égalité.

Plusieurs défis restent à relever par les entreprises pour aller vers plus d’égalité professionnelle. Tout d’abord,  l’égalité salariale. L’Insee a publié en avril 2013 une étude sur les écarts de rémunération homme-femme qui serait de l’ordre de 28% dans le privé. Les textes de loi « A travail égal, salaire égal » existent depuis 1972, mais à compétence égale, à position égale, à diplôme égal, les femmes demeurent moins rémunérées que les hommes. « Ceci s’explique notamment par le fait que les femmes sont plus nombreuses à travailler à temps partiel que les hommes. Mais ce n’est pas la seule explication nous dit Isabelle Croix. En parallèle, elles touchent moins de primes que les hommes, souvent des primes liées à la performance individuelle ou liées à des contraintes de poste. Mais la rémunération, c’est aussi une question d’augmentation, et les femmes demandent moins d’augmentations de salaire que les hommes. En outre, la période 30-40 ans, est la plus propice pour une évolution de carrière, période pendant laquelle beaucoup de femmes donnent naissance à des enfants, ou prennent du temps pour les élever. Tous ces facteurs encore très présents dans les entreprises font qu’effectivement, encore aujourd’hui les écarts de rémunérations persistent, nous explique Isabelle Croix. »

Au-delà de ce différentiel, cette étude montre que les femmes sont sous-représentées dans les secteurs où les rémunérations sont les plus élevées (NTIC, industrie de pointe…).  Depuis vingt ans, le pourcentage de filles dans les écoles d’ingénieurs est bloqué autour de 20%. Les femmes s’interdisent l’accès à certaines filières. « Il y a tout un travail sur la représentation à faire dès le plus jeune âge, nous explique Isabelle Croix. Il y a plus de femmes diplômées que les hommes mais elles sont guidées plus facilement vers les métiers du tertiaire ou les métiers précaires. Pourquoi ? La société, le monde éducatif (parents, enseignants) poussent les femmes à choisir un métier compatible avec une future vie de famille et les hommes dans des métiers où la compétition et la recherche de performance est plus forte. Il faut avoir un regard plus ouvert sur le champ des possibles pour les hommes et les femmes pour que les choses bougent. Mais c’est en train de changer, regardez, les métiers dits « masculins », se féminisent de plus en plus et vice versa ».

Par ailleurs, les femmes, parce qu’à un moment donné de leur vie, certaines consacrent plus de temps à leur enfants qu’à leur travail, ont des difficultés à accéder à des fonctions managériales. « En France, nous dit Isabelle Croix, nous sommes encore dans une culture du présentéisme qui implique que des possibilités d’évolution sont différées pour les femmes. En revanche, avec l’arrivée de la génération Y, le rapport au travail change. La recherche de l’équilibre vie professionnelle/vie personnelle concerne autant les femmes que les hommes. Progressivement, les employeurs tiennent compte de ce paramètre pour permettre à leurs collaborateurs de mieux concilier ces 2 vies (fin des réunions tardives, par exemple…).»

Cette ascension féminine au poste de management facilitera, par ricochet, leur plus grande représentation dans les instances de direction. A ce jour, la proportion d’administratrices dans les entreprises du CAC 40 est de 28%. C’est au-dessus de l’objectif intermédiaire fixé par la loi (20% en 2014), mais encore assez loin des 40% à atteindre en 2017. Il y a cependant de plus en plus de femmes dans les viviers ayant le profil pour entrer dans les organes de direction. « Les choses sont en bonne voie nous dit Isabelle Croix car il y a de plus en plus de femmes qui ont l’ambition de prendre des responsabilités et les hommes d’aujourd’hui s’investissent davantage dans la recherche d’équilibre vie privée/vie professionnelle. C’est donc naturellement que les femmes vont pouvoir prendre place dans les instances de direction. »

Ces tendances de changement ne sont visibles jusqu’à présent que dans les grands groupes. L’objectif de ce projet de loi ne serait-il pas de diffuser les bonnes pratiques au-delà, et notamment dans les PME ?

Pour compléter cet article, nous vous recommandons  « Mixité des métiers : les entreprises à la peine » – Entreprise & Carrières n°1180