Pollution aux PM10: le trafic routier responsable... tout comme le trafic aérien

Publié le 19 mars 2014 par Angélie Baral @Greenvibes

Voici l'évolution des concentration de PM10 (1) dans l'agglomération parisienne lors de l'épisode de pollution de ces derniers jours, responsables du pic observé. Comme l'Ile-de-France n'est guère concernée par les éruptions volcaniques, les déserts ou les incendies de forêt (principales sources de PM10 naturelles), les particules de notre agglomération sont d'origine anthropique. Mais qui sont les (vrais) responsables?

En France, les PM10 proviennent principalement à 31% de l'industrie (dont plus du tiers de la construction et du BTP), 30% du chauffage, 20% de l'agriculture et 15% du transport routier (2). Sauf que... ce sont des MOYENNES NATIONALES.

Un trafic routier en ligne de mire

C'est ainsi que l'Automobile Club nous prend pour des imbéciles en critiquant la circulation alternée, rappelant ce taux moyen des PM10 du transport routier (citant d'ailleurs 14% au lieu de 15%). Or, dans l'agglomération parisienne, le trafic routier représente 26% des émissions de PM10... un taux qui bondit à Paris où le trafic routier est responsable de 56% des PM10 (3).

Sans surprise, la mise en œuvre de zones à faibles émissions (ou LEZ, de l'anglais Low Emission Zones) dans plusieurs pays d'Europe (ex. péage urbain, circulation alternée...) a montré que même si les impacts sur la qualité de l’air ne sont pas identiques d’une LEZ à l'autre, la réduction en concentration de PM10 peut atteindre 10 %, avec une diminution du nombre de pics de pollution (jusqu’à 16 jours en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, Allemagne) (4).

Et le trafic aérien?

Il reste pourtant un grand absent des médias ces derniers jours : l'aviation. Hormis le coup de gueule de quelques élus locaux (5), silence radio absolu sur la responsabilité du trafic aérien. Et bien sûr, aucune mesure de restriction. Or, observez l'évolution du pic de pollution en mars (ci-dessus) ainsi que celui de décembre 2013 (ci-dessous). Voyez comme les pics de pollution ont TOUJOURS démarré aux niveaux de Roissy et d'Orly... les zones aéroportuaires persistant à rester polluées quand le reste de l'IDF revient à des taux corrects.

De qui se moque-t-on??? Quelques 1350 atterrissages et décollages ont lieu quotidiennement à Roissy CDG et 685 pour Orly. Au regard des 15 millions de déplacements en voiture quotidiens en IDF, cela peut paraître peu (un avion pour 7500 voitures). Mais quand on sait que le réservoir d'un A380 contient 310.000 litres de kérosène (soit 7750 réservoirs de 40 litres), ça en dit long sur les impacts...

Les cartes sont pourtant claires. Les deux derniers épisodes de pollution montrent que toutes sources d'émission de PM10 confondues, les pics sont nés au niveau des aéroports.

Pourquoi un tel oubli?

La réponse est écrite en toutes lettres sur le site d'Airparif: "Par manque d’un marqueur spécifique du trafic aérien, les polluants relevés aux abords des plates-formes proviennent aussi bien du fonctionnement des aéroports (trafic aérien et routier, chauffage…) que du réseau routier et des activités de l’agglomération parisienne au sein de laquelle les aéroports sont imbriqués."

Je ne suis pas spécialiste, m'enfin coller des appareils de mesure aux bords des pistes, ça doit pas être si compliqué que ça... en pondérant par les mesures à proximité immédiate des bâtiments, on doit pouvoir avoir une donnée déjà significative (d'autres propositions, amis lecteurs?).

Limiter les PM10 du Grand Paris

Reste qu'à vouloir s'attaquer à la limitation des PM10, le choix est restreint: on peut inciter les franciliens à moins se chauffer (secteur le plus polluant avec le trafic routier), mais en plein hiver, c'est un peu utopique. Quant à l'été... Donc logiquement, on cible le trafic routier, facile à diminuer par des mesures incitatives. La preuve, la circulation alternée mise en place il y a 2 jours a conduit à réduire de moitié le kilométrage de bouchon.

Au final, désolée pour l'Automobile Club et les franciliens grognons. La responsabilité du trafic routier est indéniable et le fait que les mesures de réduction ciblent ce secteur en priorité est logique. Certes, il y a des raisons légitimes d'utiliser un véhicule (usage pro, transport de matériel, etc.) et une stratégie gouvernementale en cas de pic doit être planifiée bien en amont pour tenir compte de certaines nécessités (ce n'est pas le cas aujourd'hui). Mais il faut aussi accepter de participer à un effort collectif pour lutter contre un problème, surtout quand il ne s'agit que de quelques jours par an.
 

Rappel sur les conséquences pour la santé

Les particules fines (notamment < 2,5 µm) sont particulièrement dangereuses pour la santé car elles pénètres l'appareil respiratoire, en véhiculant des composés souvent toxiques, allergènes, mutagènes ou cancérigènes. Occasionnant des troubles respiratoires, elle est particulièrement impactante sur les personnes les plus fragiles - à commencer par les enfants. Tandis que 31 % de la population de l’agglomération parisienne résident à moins de 75 m d’un axe à fort trafic routier, il est avéré que vivre à proximité de ces axes est responsable de 16 % des nouveaux cas d’asthme chez les enfants (0-17 ans) (6).

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Sources et notes
(1) Les PM10 sont de microscopiques particules en suspension dans l'air (de l'anglais PM : Particulate matter). Pour info, les principales particules prises en compte sont les PM10 (particules dont la taille est inférieure à 10 microns et PM2,5). Souvent, les PM2,5 sont considérées comme une sous-catégorie des PM10... mais ce n'est pas toujours le cas, ce qui conduit à des confusions dans les chiffres. Restez vigilants!
(2) Étude CITEPA d'avril 2013, données 2011
(3) Chiffres Airparif
(4) Revue Pollution atmosphérique. Climat, santé, société. N° spécial particules ; Novembre 2012 - APPA, p.214
(5) Didier Gonzales, maire UMP de Villeneuve-le-Roi et président de l’association des élus riverains d’Orly et Jean-Pierre Enjalbert, Maire de Saint-Prix et Conseiller général du Val d’Oise
(6) Revue Pollution atmosphérique. Climat, santé, société. N° spécial particules ; Novembre 2012 - APPA, p.51-52 - Impact de pollution calculé en se référant à une situation où les niveaux de PM10 auraient été ramenés à la valeur guide de l’OMS

Lire aussi "Atmosphère Capitale", (voir p.5 notamment) Brochure d'Airparif sur la pollution de l'agglomération parisienne