Interview : Jeanne Cherhal

Publié le 20 mars 2014 par Lemediateaseur @Lemediateaseur

Il y a peu d’artistes dont je possède tous les albums depuis le début. Jeanne Cherhal en fait partie.

Un coup de cœur immédiat pour la chanteuse s’est produit à la sortie de son premier opus éponyme, un live réalisé avec peu de moyen. Depuis, je n’ai cessé de la suivre et je peux donc vous dire très honnêtement avoir été plus que ravi de pouvoir la rencontrer.

Une interview réalisée pour la sortie d’Histoire de J.  disponible dans les bacs depuis quelques jours.

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Bonjour Jeanne,

Votre nouvel album est dans les bacs depuis lundi, comment vous sentez-vous aujourd’hui ?

Je suis plutôt heureuse car je suis contente de mon disque. Même si j’ai passé deux ans à travailler dessus de manière un peu douloureuse car j’ai beaucoup douté, jeté des chansons et je me suis posé beaucoup de questions. Là il est fini donc je suis contente, car je vais pouvoir repartir en tournée.

Votre dernier disque date d’il y a quatre ans, à la vitesse où vont les choses dans l’univers de la musique et devant la multiplication des artistes, doute-t-on d’avoir encore son public qui nous attend ?

Je ne sais pas si c’est partagé par tout le monde, mais moi oui c’est vraiment une question que je me pose. Je doute sur ma légitimité, sur ma place, sur l’intérêt  de mes chansons, c’est vraiment quelque chose qui fait partie de la création.

La création de ce disque s’est faite au piano, une idée venue suite à votre concert-hommage à l’album Amoureuse de Véronique Sanson, comment est née cette envie ?

Tout simplement car j’ai vu Véronique Sanson sur scène en 2011. C’était ma première fois. J’ai pris une claque monumentale au moment où tous ses musiciens quittent la scène pour la laisser seule au piano à chanter des chansons de jeunesse comme Baïa ou Amoureuse, et j’ai pensé « mince, je suis passée à côté de quelque chose là ». Je connaissais plutôt son répertoire à partir des années 90, mais pas ses débuts avec tous ces chefs-d’œuvre. En rentrant chez moi, j’ai commandé tous ses disques et je me suis rendu compte que Amoureuse était sortie en mars 1972. L’anniversaire était dans quelques mois et je voulais faire quelque chose pour rendre un hommage à ce disque. La manière la plus sincère que j’ai trouvée était de le rejouer, non pas pour en faire un disque, mais pour le jouer en live.

Avez-vous eu des retours de sa part ou est-elle venue vous écouter ?

Elle est venue oui. Je jouais deux fois, l’une à 20 heures et l’autre à 21h30 et elle est venue à la seconde. À un moment je l’ai aperçue dans la salle est j’ai eu un grand sourire.

Véronique Sanson fait-elle partie des chanteuses qui vous ont donné envie de faire ce métier ? S’il y en a.

Il y a plein de chanteuses qui m’ont donné envie de faire ce métier, par exemple quand j’étais petite je voulais être Nina Morato. Je suis très admirative de Barbara ou encore de Brigitte Fontaine.

Cet album a pour titre Histoire de J., peut-on penser qu’il y a de vous à l’intérieur est que ce J est pour Jeanne ?

C’est 100 % autobiographique, je n’ai jamais eu autant l’impression de me mettre à nu dans un album. J’ai essayé d’être au plus près de mes sentiments, il y a des chansons d’amour, et je pense que c’est un album de femmes. C’est un disque très féminin voire féministe sur les bords, il me représente bien avec les sentiments que j’ai aujourd’hui. Je sors juste un peu de mon « moi je » avec la chanson Noxolo.

Vous sentiez que c’était le moment de faire un disque qui vous ressemble autant ?

Non ça s’est fait comme ça, naturellement.

J’ai trouvé personnellement qu’on se rapprochait énormément de 12 fois par an avec ce nouvel opus, êtes-vous d’accord avec ça ?

Je crois oui. Rien que dans ma manière de chanter, même si sur 12 fois par an j’étais très jeune, et que ça m’énerve quand je me réentends chanter, je n’avais pas fait de chœur par exemple et il y avait un chant très premier degré. C’est vraiment ce que j’ai fait ici sur Histoire de J. en allant dans la simplicité et en me concentrant sur mon piano et ma voix comme pour 12 fois par an en effet.

Vous évoquiez la chanson Noxolo (qui évoque Noxolo Nogwaza, une jeune sud-africaine assassinée à 24 ans en raison de son homosexualité NDLR), c’est important pour vous d’utiliser musique pour faire passer des messages ?

Je ne dirai pas spécifiquement faire passer des messages. Disons que ma manière de m’exprimer c’est vraiment de faire des chansons. C’est arrivé que l’on me demande d’écrire un édito pour un journal ou d’intervenir pour tel ou tel contexte, mais je ne suis pas à l’aise. Mon truc c’est vraiment d’exprimer ce que je ressens, l’histoire de Noxolo m’a vraiment mise en colère et bouleversée et j’ai eu envie de lui rendre hommage. Cette femme est vraiment une martyre et j’ai voulu raconter son histoire tout simplement, et pour mettre en avant la bêtise humaine qui l’a tué.

Pour la chanson Quand c’est non, c’est non, vous êtes accompagnée du collectif Les Françoises (comprenant Olivia Ruiz, La Grande Sophie, Emilie Loizeau, Camille et Rose Marie de Moriarty NDLR), d’où est venue l’idée ?

En fait c’est vraiment la chanson en elle-même qui m’a guidé vers elles, Quand c’est non c’est non, ça pourrait presque être un slogan. Nous avons monté ce collectif il y a trois ans pour le Printemps de Bourges et un concert unique et nous ne nous étions jamais retrouvés toute ensemble depuis. En chantant ce titre toute seule, je me disais que ce serait bien d’avoir un chœur de femmes et spontanément j’ai pensé à elles. Elles se sont senties concernées toutes les cinq par la chanson et étaient enthousiastes pour participer au projet.

Cela a été simple à organiser avec les emplois du temps de chacune ?

Ah non (rires). Ce fut un casse-tête impossible et j’ai mis trois mois à récupérer les voix de tout le monde, mais je suis contente d’avoir réussi.

Il est précisé dans le dossier de presse que pour l’enregistrement, vous vous êtes retrouvée en studio avec les musiciens, était-ce la première fois que vous faisiez comme cela ?

J’avais déjà travaillé comme ça avec Vincent Ségal pour mon album 12 fois par an mais à l’époque, c’était la première fois que je passais en studio et donc je ne me rendais compte de rien. Sur L’eau, les musiciens ont découvert les morceaux sur place, ensuite sur Charade il n’y avait pas de musiciens et là, je voulais vraiment que l’on arrive en studio en maîtrisant les morceaux. Ce sont les mêmes musiciens que pour le concert d’Amoureuse, donc on avait déjà développé un son et une énergie commune. En gros, je voulais qu’on arrive à faire une chanson par jour et qu’on ne perde pas de temps.

Cette méthode change vraiment la manière de travailler ou le son final ?

Oui ça change beaucoup car nous étions tous les quatre dans la même pièce et non pas chacun dans sa cabine. On pouvait se regarder en enregistrant. Pour une chanson comme L’oreille coupée dans laquelle il y a beaucoup de ralentis, de départs et à nouveau des ralentis, on ne peut pas la faire avec un métronome dans les oreilles.

Vous êtes déjà sur les routes de France pour présenter cet album, comment se passe l’accueil du public ?

C’est plutôt chouette car ça démarre bien. On a débuté la tournée avant la sortie de l’album, donc les gens ne connaissaient pas les morceaux mais l’accueil est tout de même très chaleureux et je suis contente.

Il y a déjà de nombreuses dates de complètes, j’imagine que ça vous réjouit ?

Oui (grand sourire). Quand on chante et qu’on fait des tournées, on a envie de toucher le plus de monde possible et donc oui je suis très heureuse.

Vous passez évidemment par Nantes, votre ville d’origine, est-ce une ville comme une autre pour vous ou non ?

Ce n’est pas une ville comme une autre non. C’est particulier car  tous mes proches et plein de gens que je connais sont sur place, c’est là où j’ai débuté et c’est toujours une sorte de retour aux sources. C’est impressionnant aussi car il peut y avoir mes anciens professeurs et c’est un contexte particulier. En plus, on filmera le concert ce soir-là pour le live.

Avant de vous laisser, que peut-on vous souhaiter pour la suite ?

Du bonheur sur scène.

Le Mediateaseur remercie Jeanne Cherhal et son équipe qui a permis la réalisation de cette rencontre très agréable pour moi.

Histoire de J. est désormais dans les bacs et pour connaître les dates de tournée rendez-vous ici sur son site officiel.

Nous vous laissons avec le titre Noxolo évoqué dans l’interview.