Chacun pour soi

Par Tepepa



1967
Ognuno per se
Giorgio Capitani
Avec : Van Heflin, George Hilton, Klaus Kinski, Gilbert Roland

Réussite formelle autant qu'artistique, Chacun pour soi allie le meilleur du western européen et du western américain. Au premier, il emprunte les sales gueules, la noirceur et le nihilisme, au second un sens de la mesure et un soin particulier à la réalisation qui donne de la profondeur au scénario. On assiste aux habituels coups fourrés du spaghetti, mais ce n'est pas un jeu car tous les personnages sont fouillés et ambivalents. On assiste aux habituelles fusillades, mais on ne s'amuse pas à compter les morts comme d'habitude. On reconnaît, comme à chaque fois, les décors d'Almeria, mais ils sont si bien mis en valeur qu'on y croit sans peine, y compris cette fameuse dune filmée dans tous les sens. Tout est maîtrisé, cadré, sans que jamais Giorgio Capitani - dont c'est le seul western - ne perde de vue son histoire, sans jamais que le manque de moyens ne vienne le faire dévier de son objectif. Capitani porte une attention extrême aux détails, ici un revolver caché sous une pierre, là un flacon de quinine qui aura son importance, sans oublier ces deux tueurs du début qu'on retrouvera à la fin. Des détails toujours, comme Van Heflin encourageant son cheval, comme cette marmite qui se remplit d'eau au milieu de la mine, comme ce petit pas de danse de Gilbert Roland avant une fusillade, des détails donc, qui placent Chacun pour soi sans peine au-dessus du tout venant.

Capitani s'appuie sur une distribution solide, Van Heflin en tête, formidable en vieux chercheur d'or fatigué mais lucide, et George Hilton à contre-emploi, dont on regrette d'ailleurs que la relation père fils avec Van Heflin soit un peu oubliée quand le duo se transforme en quatuor. Les rôles de Kinski et Roland sont plus convenus mais tout aussi maîtrisés. Curd Ridel insiste dans la présentation du DVD (très bien, mais quelque peu noyée par la profusion de références) sur l'homosexualité entre Kinski et Hilton. Je n'ai pas trouvé cette relation si évidente que ça, mais cela semble faire consensus partout.

Quoi qu'il en soit, le film, par son thème et ses personnages, m'a quelque peu fait penser au double album des Monts de la Superstition de Charlier et Giraud. Même si le déroulement de l'histoire et les péripéties sont totalement différents entre les deux oeuvres, c'est cette minutie dans la réalisation, la richesse des situations qui tirent à chaque fois pleinement parti de tous les éléments disponibles (aridité, relief, manque d'eau, folie lancinante) qui emportent l'adhésion pleine et totale du lecteur/spectateur. L'un comme l'autre forment une réussite du genre, et si vous avez aimé l'un, je ne saurais trop vous conseiller de vous procurer l'autre.

Capture: DVD Artus