Sabine Sicaud, poétesse de quinze ans

Par Mpbernet

Je dois bien l’avouer, je ne suis pas une spécialiste de la poésie ni des poètes.

Ce nom « Sabine Sicaud, poétesse », ne signifiait pour moi qu’une plaque de rue à Fumel, une toute petite rue donnant dans le « Chemin rouge », la rue étroite qui longe la voie de chemin de fer désaffectée. J’imaginais une vieille dame …

Et puis, en visitant les collections permanentes du musée de Gajac, j’ai lu quelques courts poèmes de cette auteure, posés à côté de tableaux très académiques d’époque 1900.

Et j’ai été saisie par la simplicité, la clarté de ces lignes. J’ai ainsi découvert l’immensité du talent de cette poétesse originaire de cette région et morte à Villeneuve-sur-Lot à l’âge de 15 ans, et surtout son destin hors du commun.

Sabine Sicaud est née en 1913, comme ma mère, mais dans une famille d’intellectuels. Le père est juriste, ami de Jean Jaurès, la mère journaliste et écrivain. Sabine a un grand frère un peu plus âgé. Ils ont un précepteur.

La jeune Sabine est certainement une enfant précoce. Elle commence à écrire dès l’âge de 6 ans. A moins de 12 ans, elle reçoit le « Jasmin d’Argent » puis, en 1925, elle remporte le prix des « Jeux Floraux » présidés par Anna de Noailles et Jean Richepin. Elle est publiée. Ses poèmes sont marqués par la nature, l’amour pour un personnage fictif, Vassili … ce sont des merveilles d’équilibre, avec un rythme et une scansion parfaitement maîtrisés. Epoustouflant.

Hélas, une blessure au pied lors d’une promenade au bord du Lot va s’envenimer et plonger la malheureuse jeune fille dans des douleurs atroces, qui finiront par la tuer. Elle refuse de quitter « La Solitude », la propriété de ses parents. Ses poèmes des derniers  mois de sa vie, composés sur le thème de la souffrance et de l’impuissance des médecins à la soulager figurent parmi les plus poignants de la langue française.

J’ai été profondément troublée par cette découverte …

Lisez plutôt :

Ah, laissez-moi crier !

Ah! Laissez-moi crier, crier, crier …
Crier à m’arracher la gorge!
Crier comme une bête qu’on égorge,
Comme le fer martyrisé dans une forge
Comme l’arbre mordu par les dents de la scie,
Comme un carreau sous le ciseau du vitrier…
Grincer, hurler, râler. Peu me soucie
Que les gens s’en effarent. J’ai besoin
De crier jusqu’au bout de ce qu’on peut crier.
Les gens? Vous ne savez donc pas comme ils sont loin
Comme ils existent peu, lorsque vous supplicie
Cette douleur qui vous fait seul au monde?
Avec elle on est seul, seul dans sa geôle
Répondre? Non. Je n’attends pas qu’on me réponde.
Je ne sais même pas si j’appelle au secours
Si même j’ai crié, crié comme une folle
Comme un damné toute la nuit et tout le jour
Cette chose inouïe, atroce, qui vous tue
Croyez-vous qu’elle soit
Une chose possible à quoi l’on s’habitue
Cette douleur, mon Dieu, cette douleur qui tue
Avec quel art cruel de supplice chinois
Elle montait, montait à petits pas sournois
Et nul ne la voyait monter, pas même toi
Confiante santé, ma santé méconnue
C’est vers toi que je crie, ah c’est vers toi, vers toi!
Pourquoi, si tu m’entends n’être pas revenue?
Pourquoi me laisser tant souffrir, dis-moi pourquoi
Ou si c’est ta revanche et parce qu’autrefois
Jamais, simple santé, je ne pensais à toi?

A méditer face à nos petites douleurs quotidiennes ...

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