Renaissance : diffusion en europe

Publié le 23 mars 2014 par Aelezig

Si la première moitié du XVIe siècle est marquée par la primauté économique et militaire de la France et de l’Espagne, la fin du siècle voit l'émergence des Provinces-Unies, de l'Angleterre des Tudor, du Saint-Empire et de la Russie. C'est dans cet ordre que ces nations se mettent à importer chez elles le style Renaissance, comme marque de leur prestige culturel. Cela explique également qu'il ait fallu attendre au moins le début du XVIe siècle pour que le style Renaissance commence à s'exprimer hors d’Italie.

Cependant, les architectes italiens sont encore longtemps les plus demandés en Europe, avant que des artistes non-Italiens se mettent à étudier leurs devanciers et traduisent leurs écrits dans leur langue nationale.

Chambord, France

France

Si lors des Guerres d'Italie, la noblesse française fait main basse sur nombre d'objets d'art, elle découvre aussi le nouveau style qui se développe dans la péninsule. Le premier château influencé par ce courant est le Château d'Amboise (vers 1495) où Léonard de Vinci passa d'ailleurs ses dernières années. Il en est de même en Normandie de 1500 à 1509 avec la construction de ce qui sera bientôt le premier palais de la Renaissance en France : le château de Gaillon (Eure) par l'archevêque de Rouen et ami de Louis XII, Georges d'Amboise.

Le style Renaissance s'impose vraiment sous le règne de François Ier. De nombreux architectes italiens sont alors invités à la cour. Ils bâtissent de nombreux châteaux en adaptant l'architecture de la renaissance italienne aux régions pluvieuses de France (par exemple par ajout de toiture). Les Châteaux de la Loire en sont un exemple connu, tout comme le Château d'Écouen, bâti par Anne de Montmorency à son retour des guerres d'Italie. Tous ces châteaux, d'une manière générale, sont caractérisés par le caractère militaire très médiéval dans la forme, accompagné d'une décoration dite "à l'italienne".

Aux alentours de 1575, les artistes français se défont de la tutelle italienne et les architectes français réalisent les grands travaux de la Renaissance française.

L'escurial, Espagne

Espagne

En Espagne, l'architecture commence à se démarquer du gothique dans les dernières décennies du XVe siècle, pour donner naissance au style dit « plateresque », parce que les façades surchargées évoquent aux yeux des contemporains les motifs ornementaux faits d'entrelacs des orfèvres, les Plateros. Ordres vitruviens et motifs à candélabre (a candelieri) sont librement combinés en blocs symétriques.

À compter du milieu du XVIe siècle, avec Pedro Machuca, Jean de Bautista de Tolède et Juan de Herrera, le retour vers l'architecture antique se fait plus net, en anticipant parfois même le Maniérisme, comme aux palais de Charles Quint à Grenade et à l’Escorial.

Eglise Graça, Evora, Portugal

Portugal

Comme en Espagne, l’adoption du style Renaissance au Portugal est graduelle. Le style dit manuelin (vers 1490–1535) combine à des motifs à l'antique des ornements proprement gothiques avec l'incorporation superficielle d'ornements exubérants semblables au gothique isabélin d’Espagne. Parmi les exemples d'art manuelin, il y a lieu de citer la Tour de Belém, un ouvrage défensif de style gothique comportant des loggias Renaissance, et le Monastère des Hiéronymites, dont les ornements Renaissance décorent les portails, les colonnes et le cloître.

Les premières structures purement Renaissance apparaissent sous le règne du roi Jean III, comme la chapelle de Nossa Senhora da Conceição à Tomar (1532–40), la Porta Especiosa de la Cathédrale de Coimbra and l'église Graça à Évora (vers 1530–1540), de même que le cloître de la Cathédrale de Viseu et le Couvent du Christ de Tomar. À Lisbonne, l’Église Saint-Roch (1565–87) et le Monastère de Saint-Vincent de Fora, maniériste (1582–1629), influencèrent très fortement l’architecture religieuse, tant au Portugal que dans les colonies au cours des siècles postérieurs.

Hôtel de ville d'Anvers, Pays-Bas

Pays-Bas

L’architecture de la Renaissance n'a gagné les Pays-Bas qu'assez lentement, et n'a d'ailleurs pas entièrement supplanté le style gothique. Cornelis Floris de Vriendt, l'architecte de l’Hôtel de ville d'Anvers (terminé en 1564) s'inspire cependant directement des maîtres italiens. Le style parfois appelé « Maniérisme anversois », qui conserve des liens formels avec le gothique flamboyant, mais avec des baies plus grandes, une ornementation florale et des ornements empruntés à la Renaissance italienne, est celui qu'on retrouve majoritairement à travers toute l'Europe du Nord, comme dans l’architecture élisabéthaine, et il s'inscrit dans une tendance artistique plus large, le Maniérisme nordique.

Dans les Provinces-Unies de l'âge d'or, Hendrick de Keyser s'impose comme l'un des pères de la Renaissance Amsterdamoise, caractérisée par la prévalence de hautes maisons à pignon, le fameux pignon flamand (trapgevel), ou l'emploi systématique de frontons triangulaires élancés vers le haut (en écho au pignon) au-dessus des portes et des hautes fenêtres. L'ornementation des façades est d'un relief généralement peu marqué, « en cuir découpé », figure de style (sorte de ruban) qui vient de l’École de Fontainebleau. Cette mode gagne d'ailleurs l’Angleterre également.

Hardwick Hall, UK

Grande-Bretagne

L’architecture de la Renaissance ne gagne l'Angleterre que sous le règne d’Élisabeth I, via les Pays-Bas, dont elle a adopté des ornements spécifiques comme le pignon flamand et le cuir découpé pour la décoration murale. Le nouveau style se décline en grandes maisons carrées et élevées comme Longleat House.

Le premier grand architecte anglais d'inspiration italienne est sans conteste Inigo Jones (1573–1652), qui a étudié en Italie à un moment où l’influence de Palladio était à son paroxysme. Jones rentre en Angleterre plein d’enthousiasme pour la nouvelle architecture et entreprend d'emblée de l'appliquer : Maison de la Reine de Greenwich en 1616 et Maison des banquets de Whitehall trois ans plus tard. Ces chefs d'œuvre, avec leur ligne dépouillée, révolutionnent par leur symétrie appuyée les conceptions Outre-Manche, car ils contrastent dans un pays jusque-là enamouré de baies à meneaux, de créneaux et de tourelles.

Château de Frederiksborg, Danemark

Scandinavie

C'est également par les Flandres que l’architecture de la Renaissance fait son chemin en Scandinavie : on y retrouve les hautes façades à pignon et un goût pour les châteaux, comme le montre l'exemple du palais de Frederiksborg.

Au Danemark, l’architecture de la Renaissance s'épanouit sous les règnes de Frédéric II et de Christian IV. Inspirés par les châteaux de la Loire, les architectes flamands imaginent des chefs d'œuvre comme le château de Kronborg à Elseneur et le palais de Frederiksborg (1602–1620) à Hillerod, le plus grand édifice Renaissance de Scandinavie.

En Suède, le coup d’État de Gustave Ier Vasa et les débuts de la Réforme protestante mettent un coup d'arrêt à la construction de châteaux et d'hôtels aristocratiques, mais voient naître les magnifiques châteaux de la dynastie des Wasa. Ils sont édifiés à des emplacements stratégiques, autant pour contrôler le territoire que pour accueillir une cour itinérante. Les châteaux de Gripsholm, de Kalmar et de Vadstena se signalent par la fusion d'éléments médiévaux et Renaissance.

L’architecture en Norvège a été marquée par le désastre de la Peste noire à la Renaissance, qui stoppe la construction : on ne trouve que de rares exemples d'édifices Renaissance dans ce pays ; les plus connus sont la Tour Rosenkrantz de Bergen ; la baronnie Rosendal de Hardanger ; le manoir d'Austrat près de Trondheim ; enfin certaines parties de la forteresse d'Akershus.

L’architecture finnoise ne comporte aucun monument Renaissance significatif.

Hôtel de Ville, Cologne, Allemagne

Saint-Empire romain germanique

La Renaissance dans le Saint-Empire est inspirée par des philosophes et artistes qui, comme Johannes Reuchlin et Albrecht Dürer, ont visité l’Italie. Parmi les grandes réalisations architecturales de cette période, on trouve notamment la résidence de Landshut, le château de Heidelberg, le château de Johannisburg à Aschaffenburg et l’hôtel de ville d’Augsbourg. En juillet 1567 le conseil des échevins de Cologne approuve le projet de loggia à deux niveaux de style Renaissance de Wilhelm Vernukken pour l’hôtel de ville.

L’Église Saint-Michel de Munich est la plus grande église de style Renaissance au nord des Alpes : construite à la demande du duc Guillaume V de Bavière entre 1583 et 1597 pour en faire le centre spirituel de la Contre-Réforme, elle s'inspire de l’Église du Gesù (Rome). Son architecte demeure inconnu.

La Renaissance des terres d'empire germanophones se manifeste aussi de manière moins spectaculaire, mais toujours visible aujourd'hui, dans l'architecture civile et urbaine en dehors des châteaux, des manoirs et autres résidences luxueuses : elle est intimement liée aux cités commerçantes et florissantes de la Hanse (qui atteint son apogée pendant la Renaissance) ou des voies de commerce internationales majeures, de même qu'aux villes impériales libres ou certaines cités épiscopales. Cela se manifeste par le maintien de la tradition plutôt médiévale de la place du marché centrale et identitaire où les maisons des dignitaires locaux comme celles des négociants adoptent les nouvelles pratiques architecturales de la Renaissance pour afficher leur poids politique et/ou économique. Par la suite, le style baroque se greffera de manière plus ou moins importante suivant les régions. On observe assez clairement la cohabitation des deux styles sur la même place centrale dans l'ancienne ville impériale libre Schwäbisch Hall.

En fonction du degré de destruction du bâti urbain pendant les différentes guerres qui se sont succédées depuis la Renaissance, on peut aujourd'hui encore admirer des petites villes, voire des villages, autrefois plus nantis, avec des rues composées quasi complètement de pignons Renaissance. C'est le cas par exemple dans les cités comme Lemgo ou Detmold. Au Nord, la pierre domine même si certaines maisons à colombage westphalien en imposent par leur décoration. Au Sud les grandes façades à colombage agrémentées d'encorbellements impressionnants sont les représentantes du colombage Renaissance des Hôtels de Ville, des maisons de guilde ou de grandes auberges. La Maison Kammerzell de Strasbourg est un bon exemple de ce type d'architecture du quotidien. La maison de Dürer à Nuremberg donne un exemple du modèle à colombage sur rez-de-chaussée en pierre. La maison du graveur et peintre de la Renaissance Lucas Cranach l'Ancien à Weimar illustre le style en pierre, de même que le pignon de l'auberge qui est juste à côté, aujourd'hui monument historique.

Château de Wawel, Pologne

Pologne

L’architecture de la Renaissance en Pologne comporte trois grandes périodes :
  • la période dite italienne (1500–50) correspond à l'arrivée dans le pays de plusieurs architectes italiens parmi lesquels Francesco Fiorentino et Bartolomeo Berrecci (cour du château de Wawel, Chapelle Saint-Sigismond) ;
  • au cours de la seconde période (1550–1600), marquée par les débuts du Maniérisme et l’influence des Flandres, particulièrement en Poméranie, le style Renaissance se généralise. Parmi les constructions de cette époque, il y a lieu de mentionner la Halle aux Draps de Cracovie, les hôtels de ville de Tarnów, Sandomierz et le plus célèbre de tous, celui de Poznań.
  • La dernière période (1600–50), marquée par la montée en puissance des Jésuites et les progrès de la Contre-Réforme, a été propice au développement des architectures maniéristes et baroque.

Château de Racoszi, Hongrie

Hongrie

De façon inattendue, l'une des régions d'Europe touchées le plus tôt par l’architecture de la Renaissance aura été le Royaume de Hongrie. Le nouveau style se manifeste après le mariage du roi Matthias Corvin et de Béatrice de Naples en 1476. Plusieurs artistes et maçons italiens suivent la reine et viennent s'établir à Buda. Le plus important édifice religieux de la Renaissance en Hongrie est la chapelle Bakócz dans la Basilique d'Esztergom.

Palais à Facettes, Kremlin, Russie

Russie

Ce n'est qu'avec le prince Ivan III (1440-1505) que la Russie connaît l’architecture de la Renaissance : ce monarque invite plusieurs architectes d’Italie, pour renouveler les techniques de construction et l'ornementation des façades, tout en s'harmonisant aux traits traditionnels de l’architecture russe. En 1475 l’architecte Aristotele Fioravanti vient reconstruire la Cathédrale de la Dormition du Kremlin, endommagée par un tremblement de terre. Fioravanti prend pour modèle la Cathédrale de Vladimir (XIIe siècle) comme modèle, et parvient à combiner heureusement le style russe traditionnel avec le sens des volumes, des proportions et de la symétrie propres à la Renaissance italienne.

En 1485 le tsar Ivan III charge Alosius de Milan de construire le palais des Térems dans l'enceinte du Kremlin. Aloisius, de même que plusieurs de ses compatriotes, contribue également pour une large part à la construction des remparts et des tours du Kremlin. La petite salle de banquet des tsars, appelée le Palais à Facettes doit son nom à la taille « en diamant » de la pierre blanche qui recouvre sa façade, est l’œuvre de deux artistes italiens, Marco Ruffo et Pietro Solario, et reflète là encore le style italien. En 1505, un Italien appelé en russe Aleviz Novyi édifie douze églises pour Ivan III, dont la Cathédrale de l'Archange-Saint-Michel de Moscou, remarquable par l'alliance des traditions russes, et des exigences du culte orthodoxe, et du style Renaissance.

Cathédrale Saint-Jacques, Sibenik, Croatie

Croatie

Au XVe siècle, l'actuelle Croatie est divisée en trois pays : le nord et le centre de la Croatie et de la Slavonie sont rattachés au Royaume de Hongrie, tandis que la Dalmatie - à l’exception de la ville libre de Dubrovnik -, est sous domination de la République de Venise. La cathédrale Saint-Jacques de Šibenik, est commencée dans le style gothique en 1441 par Georges le Dalmate (Juraj Dalmatinac). En 1477 le chantier, encore inachevé, est poursuivi par Nikola Firentinac qui respecte le mode de construction et les plans de son prédécesseur tout en dotant l'église de hautes baies, de voûtes et d'un dôme de style Renaissance.   D'après Wikipédia