Le DICO des Idées : L'écologisme

Publié le 24 mars 2014 par Vindex @BloggActualite

Quelques penseurs : Thoreau, Reclus, Haeckel. Idées liées : conservationnisme, préservationnisme, naturalisme, croissance verte, décroissance, principe de précaution, développement durable. Idées contraires : productivisme, croissance.  
 Ecologisme : courant de pensée qui vise à la protection, la préservation ou la restauration de l'environnement dans une forme très poussée. A ne pas confondre avec l'écologie qui est la science dont le but est  d’étudier les êtres vivants dans leur milieu et les interactions entre eux. De plus en plus en vogue avec les thèses sur le réchauffement climatique, l’écologisme tend à jouer un rôle de plus en plus important sur la scène politique. Mais la prise de conscience collective et le réinvestissement de ce thème par d’autres partis ne va-t-il pas nuire à l’importance de ce mouvement ?
Un petit historique
La pensée écologiste repose sur des penseurs européens et américains du XIXe siècle que l’on appelait les « environnementalistes ou écologistes ». Le premier environnementaliste est l’américain Henry David THOREAU (1817-1862) mais le premier penseur à associer et théoriser la lutte sociale et la préoccupation écologiste est le géographe militant anarchiste Elisée RECLUS (1830-1905).
Le premier ouvrage, qui devint une référence pour le mouvement environnementaliste, est celui de George Marsh L’homme et la nature (1864) la première analyse de l’impact destructeur de l’humanité sur l’environnement. Le terme d’écologie apparaît deux ans plus tard sous la plume du zoologiste Ernst HAECKEL.
Si l’écologisme apparut d’abord sur le continent nord-américain, ce n’est pas un hasard. En effet, les préoccupations environnementalistes sont liées à une patrimonialisation de la nature conquise mais préservée par des Américains ayant conquis progressivement une nature immense. Les immenses paysages font partie intégrante de l’idéal de vie américain et de l’identité américaine qui s’est appropriée cette nature aussi bien en l’exploitant qu’en la protégeant, ce qui peut paraître paradoxal. Ainsi, c’est dans le continent nord-américain que les premiers parcs naturels apparaissent, avec ceux de Yellowstone (1872) et de Yosemite (1890). 
Les premières organisations dites écologistes existaient dès 1815 avec la Commons Open Spaces & Footpaths preservation society (Société pour la préservation des sentiers et des espaces libres des communes) au Royaume-Uni, puis plus tard en France en  1854  avec la Société nationale de protection de la nature.
Ces organisations ne sont pas très importantes. Il faut attendre le tournant des années 1960, aux Etats-Unis pour que les préoccupations écologistes percent à nouveau. Les gens se plaignent des problèmes de pollution ou manifestent contre l’énergie nucléaire.  
La France, quant à elle,  connaît ses premiers mouvements écologistes à partir de mai 1968, selon Dominique Simonnet, écrivain, journaliste et éditeur français. Les actions sont d’abord ponctuelles comme des manifestations en 1971 pour protester contre la création des centrales nucléaires de Fessenheim (quelques centaines de personnes) dont on reparle aujourd’hui mais pour sa fermeture, ainsi que celle de Bugey (15 000 personnes).
Toutefois, le véritable début de la lutte écologiste en France, est né dans les manifestations contre l'extension du camp militaire du Larzac entre 1971 et 1972. Le pouvoir prend alors conscience de ces revendications et le Ministère de l’Environnement voit le jour cette année-là. La France emboîtant ainsi le pas à la Suède, premier Etat au monde à instaurer une telle instance publique.Le programme nucléaire de l’Hexagone démarra en 1974 après le premier choc pétrolier de 1973. Le mouvement anti-nucléaire se développa alors et servit de focalisateur à la cause écologiste. Les élections présidentielles de 1974 sont les premières à voir un candidat se réclamant de l’écologie. Il s’agit de l'agronome tiers-mondiste René Dumont qui obtint 1,3%.
Depuis lors, à chaque présidentielle, les écologistes ont un voir plusieurs représentants mais ce ne fut jamais deux fois le même. Le meilleur score d’un écologiste fut celui de Brice LALONDE en 1981, avec 3,9% des suffrages.
La division des écologistes en France

-Le logo d'Europe Ecologie Les Verts, le principal mouvement d'écologie politique en France-


Pourquoi des scores si faibles alors que l’écologisme imprègne la société depuis les années 80 ? La réponse est à chercher chez les écologistes eux-mêmes. Ces derniers ont une fâcheuse tendance à « se taper dessus » plutôt qu’à s’unir pour le bien de la planète. En 1984, est créé le premier mouvement politique écologiste : les «Verts, Confédération Ecologiste ». Il est composé par une grande majorité de personnes déçues par la gauche au pouvoir depuis 1981 avec François Mitterrand (9). Dès 1990, le mouvement devenu parti politique éclate avec la création de « Génération écologie » par le ministre de l’Environnement du  gouvernement ROCARD de l’époque Brice LALONDE. En 1994, les Verts se divisent à nouveau avec la création du « Mouvement écologiste indépendant » (10).
En 1997, les Verts se rapprochent des Socialistes dans l’espoir d’obtenir quelques circonscriptions de ces derniers. A ce couple s’ajouta le PCF (Part Communiste français) pour créer la gauche plurielle qui soutint le gouvernement de Lionel JOSPIN et forma, à ce jour, la dernière cohabitation de la Ve République.
La dernière présidentielle où la candidate Eva Joly n’a fait que 2,3% a encore montré la division des Verts. Ainsi, le succès aux européennes de 2009 (plus de 16 pour cent) ne fut pas confirmé. Malgré l’organisation d’une primaire, le parti a continué à se diviser après, ce qui a nuit en partie à sa candidate.
Les écologistes français sont donc aujourd’hui très divisés et n’arrivent pas à faire passer correctement leur message politique. Cela explique leur faible score aux élections alors que l’écologisme est de plus en plus présent dans les esprits.
Une division idéologique ?
Si une telle division existe au sein des milieux politiques français, c’est également parce que l’écologisme n’est pas complètement uniforme et se compose de plusieurs tendances qui peuvent diverger.
L’idée d’une croissance verte ou d’un développement durable ?
La première tendance des écologistes, probablement la plus répandue en France, tente d’éviter la critique souvent faite aux écologistes en proposant l’idée d’une croissance verte (c'est-à-dire respectueuse de l’environnement et des ressources). L’idée de développement durable est une notion plus large pouvant recouper en partie intégrer la croissance verte. Elle provient du constat suivant : les ressources de la planète sont finies et par conséquent, en tenant compte de l’évolution démographique planétaire, il serait impossible de maintenir un niveau de vie et une croissance importante sans épuiser les ressources de la planète. Ce constat fait par le rapport Meadows (ou rapport Halte à la croissance) date de 1970 est le premier à nuancer l’idée de croissance. En 1987, le rapport Brundtland confirme cette idée de « croissance zéro » et donne une première définition au développement durable (ou soutenable) : le fait de se développer sans compromettre le développement des générations futures. Il repose sur trois piliers : l’environnement, le social et l’économique.
Un des thèmes les plus récurrents en lien avec la croissance verte et le développement durable est celui de la production d’énergie : il faudrait pouvoir produire la plus grande partie de notre énergie avec des énergies peu polluantes ou des énergies renouvelables. Aussi certains écologistes parlent de « transition énergétique » pour passer des centrales thermiques et nucléaire aux grands champs éoliens et solaires. Cependant, il n’est pas précisé que la consommation d’énergie doit forcément baisser et donc la faisabilité d’une telle transition est assez faible (en tout cas à court terme). L’idée de développement durable et de protection de la planète pose aussi la question de la gouvernance : protéger la planète nécessiterait une gouvernance mondiale par le biais des sommets de la Terre, le dernier s’étant déroulé à Rio en 2012 (Rio +20). Le but est de donner des orientations mondiales et de planifier la protection de la planète par certaines mesures. D’autres protocoles connus (celui de Kyoto par exemple) font partie de ce système de gouvernance. Les préoccupations écologistes amènent également à un certain fédéralisme européen. 
L’idée de décroissance ?
Contrairement à l’idée d’une croissance verte, l’idée de décroissance va plus loin dans son écologisme : il ne s’agit pas seulement d’aménager notre influence sur la planète mais de la réduire.  Apparu vers les années 1960, ce courant voit la croissance comme un processus inévitablement néfaste pour la planète. Il s’agirait donc plus de modifier clairement notre train de vie, notre société, pour conserver (et non pas seulement préserver) la planète. C’est donc un écologisme plus radical, opposé au consumérisme, au productivisme, plus teinté de malthusianisme. Ce courant est aussi désigné comme « objecteur de croissance ». Le principe de décroissance prône une démarche individuelle intégrant une plus grande simplicité du mode de vie.  Plus loin que la critique du productivisme, le mouvement décroissant critique également le capitalisme voir même la technique. Ainsi Jacques Ellul conteste la possibilité de tout changer par la technique : une méfiance face au progrès scientifique et au positivisme ?
Selon les décroissants comme Yves Cochet, la décroissance n’est pas seulement une conviction mais une certitude. Le mieux est donc de la choisir et de la prévoir pour éviter tous les effets imprévus d’une décroissance non voulue et non planifiées (concurrences sur les ressources, conflits, mouvements sociaux…).
Les décroissants critiquent aussi fortement les économistes et leurs mesures de la richesse (comme celle du PIB). Ils critiquent la dématérialisation de l’économie. Venant plutôt de milieux de gauche, les objecteurs de croissance sont toutefois attachés à une action social, notamment en soutenant le revenu universel. Certains décroissants, conscients que certains pays peu développés ont besoin de croissance, prônent tout de même un minimum de croissance (mais non durable) pour certains pays. Il s’agit de relocaliser les économies et de faire bénéficier certains pays des techniques. Encore assez peu répandue, la décroissance tend néanmoins à se développer sur internet. Elle est représentée par les mouvements Parti Pour la Décroissance et Association des Objecteurs de Croissance. Il faut dire que cette théorie est encore contestée, aussi bien sur les ressources que sur ses positions économiques ou démographiques. Peut-être que sa vision légèrement catastrophiste de la situation y est pour quelque chose…
L’écosocialisme
Assez peu connu, ce courant tend à fusionner le socialisme est l’écologisme, puisqu’il pense que l’écologisme et la protection de l’environnement sont incompatibles avec le capitalisme et son productivisme. Ils ne croient pas au « capitalisme vert » (notion sans doute proche de la « croissance verte »). Les écosocialistes comme Moishe Poston ont en fait relu Marx et pris en compte la véritable nature de ses travaux qui selon eux ont été lus de manière superficielle à l’époque de l’URSS. Cela aurait amené à un dévoiement de sa pensée ne permettant pas d’établir un système réellement alternatif au capitalisme. Les écolosocialistes voient donc Marx comme un écologiste à part entière compte tenu de ses positions sur la technique et la nature du travail dans le capitalisme.
Il faut toutefois mettre en évidence certains points de divergence entre l’écosocialisme et l’écologisme « classique ». Tout d’abord, l’écosocialisme veut aller plus loin que la protection de la nature. Il ne fait d’ailleurs aucune distinction entre le milieu naturel et le milieu artificiel. Il s’agit d’un même milieu, celui des êtres humains. Il convient autant de protéger la nature que le milieu de vie et les conditions de vie des êtres humains. C’est une position peu commune et intéressante quand on sait que certains écologistes sacralisent littéralement la nature et la planète (personnifiée en Gaïa). Ce courant intègre aussi des problématiques plus larges que le simple écologisme : société, relations et pouvoirs, économie…
Bien que peu connu, ce courant est toutefois assez influent. Surnommés les « verts rouges », les écosocialistes se reconnaissent dans la 4ème Internationales. Le Nouveau Parti Anticapitaliste d’Olivier Besancenot et Philippe Poutou inscrit l’écosocialisme dans ses principes, tout comme le Parti de Gauche. En Scandinavie, l’Alliance de la gauche verte nordique est d’inspiration écosocialiste.
Pour conclure, nous avons vu que l’écologisme est une idéologie assez récente aussi bien dans ses fondements théoriques que son organisation politique. Elle s’est nourrie des préoccupations environnementalistes croissantes mais son influence en France reste assez faible. Cela peut s’expliquer par une division des écologistes (aussi bien au niveau idéologique qu’au niveau des associations et partis) ou encore par un programme peut-être trop centré sur les thèmes environnementalistes. Aussi les partis politiques classiques de l’échiquier politiques tendent à s’approprier le thème de l’écologie ce qui est peut-être un vecteur d’affaiblissement des écologistes qui perdent de leur originalité. Mais le mouvement écosocialiste, qui tend à adopter un point de vue plus large, est peut-être un moyen pour les écologistes de subsister voir de gagner en influence. On voit bien que les pays du nord de l’Europe, qui ont plus adopté cette façon de pensée, sont plus sensibilisés à l’écologisme.
Sources : 
WikipédiaWikipédiaWikipediaWikipediaWikipediaDictionnaire des idées politiques, Sirey Editions, 1998.
Flo et Vin DEX