QFFC : J. Robert Lennon par Le Fric-Frac Club

Par Fric Frac Club
J. Robert Lennon insiste : "S'il vous plaît, n'utilisez pas la page Wikipedia qui m'est consacrée pour quoique ce soit. Elle est inexacte et, selon les termes d'utilisation je n'ai pas le droit d'y remédier." C'est bien de l'avoir précisé tant on ne connaissait pas très bien le bonhomme avant que les éditions Monsieur Toussaint Louverture ne publient l'excellent Mailman, son quatrième roman dont nous avons parlé il y a peu. Lennon n'est pourtant pas du genre à chômer. Auteur de six autres romans et de deux recueils de nouvelles, il a très vite été publié par ce qui se fait de mieux outre-Atlantique : New Yorker, Harper's, Playboy, Granta (ça c'est anglais) et la Paris Review. L'une de ses nouvelles, The Remember est même à l'origine de la série policière Unforgettable. Cool. Encore plus cool, Lennon enseigne l'écriture à Cornell, l'université par laquelle sont passés quatre des totems du FFC : Gass, Pynchon, Vollmann (comme étudiants) et où Nabokov (comme professeur). Bon signe. Il a accepté de répondre à notre questionnaire, ce fameux QFFC qui dormait depuis trop longtemps au fin fond de nos archives. C'est concis, clair et net : Que lisez-vous en ce moment ? Principalement des romans policiers et les bêtises de mes fils RSS. Je viens aussi de finir un recueil de nouvelles de Lorrie Moore. C'est un auteur que j'aime beaucoup, elle est parmi mes écrivains américains préférés et ses publications sont rares. Sinon je lis aussi pas mal de comics indés - des fictions et des mémoires graphiques. Quel est votre premier souvenir, votre première émotion littéraire ? À l'âge de trois ans j'avais l'habitude de lire le journal dans l'allée de notre maison, du moins j'essayais de lire le journal. Il y a des photos où on me voit faire ça... Peut-être que je ne me souviens que des photos en fait. Suggérez-moi la lecture d'un livre dont je n'ai probablement jamais entendu parler. Big Questions, un roman graphique d'Anders Nilsen (paru en 2011 chez Drawn and Quaterly). C'est un des livres que j'ai lu l'année dernière et que j'ai le plus aimé. Je ne sais pas jusqu'à quel point il est connu, mais il a vraiment marqué mon imaginaire littéraire, bien qu'il ne contienne pratiquement aucun mot. Tous les personnages sont des oiseaux ! Quels auteurs avez-vous honte de ne pas avoir lu ? J'ai lu plus ou moins la plupart de ceux qui me semblaient devoir être lus, mais assez légèrement. J'ai la fâcheuse tendance à lire de manière un peu frivole, évasive, ce qui est sans doute un vilain défaut pour quelqu'un comme moi qui a une "vie littéraire". Bon, je dois également avouer que je n'ai jamais lu Camus... Voilà qui est assez embarrassant ! Quel est le livre que vous auriez aimé écrire ? J'aurais aimé écrire un livre immense, tentaculaire comme Infinite Jest (de David Foster Wallace) ou À la recherche du temps perdu. Qui sait, j'ai peut-être ça en moi ? Mais je suis généralement trop impatient, d'ailleurs mes livres sont de plus en plus courts (Mailman fait presque 700 pages, Familiar, qui va sortir ces jours-ci, n'en fait que 220). Quel est le pire livre que vous ayez lu ? Ah, je ne vais pas répondre à ça. Selon vous, quel est le livre le mieux adapté au cinéma ? J'ai aimé les deux adaptations que Tarkovsky et Soderbergh ont fait du livre de Stanislaw Lem, Solaris. Ce sont de véritables testaments à la force de ce roman que la plupart des anglophones a lu dans une version traduite du polonais via le français. Les deux films en rajoutent une couche. Ils sont néanmoins excellents, chacun à leur manière. Quelle pourrait être la B.O. de Mailman ? Un jazz dissonant, mal joué. Quel est votre Beatles préféré ? Ne dites pas Ringo, personne ne vous croira. Ah ! Lauren, avec qui je joue, a un jour identifié à quel Beatles chaque membre de notre groupe correspondait. Ça ne m'a pas surpris d'apprendre que je n'étais pas John Lennon. Hélas, je suis Paul... ce qui ne veut pas dire que je n'aime pas Paul, hein. En fait, je pense que mon Beatles préféré c'est Lennon-McCartney, cette créature hybride qui a été capable, pendant dix ans, d'accroître ses forces et supprimer ses plus profondes faiblesses. Même les chansons que ces types ont écrites seuls l'ont été, pour partie, en réaction à ce que faisait l'autre. Ce genre de collaboration m'impressionne et m'inspire. Quel est votre premier lecteur ? Ma femme, la romancière Rhian Ellis (auteur de After Life, non traduit). Elle est géniale, c'est une lectrice très attentive. Quel métier vouliez-vous faire lorsque vous étiez enfant ? J'étais persuadé que je serais un scientifique. J'y ai même pensé à un moment alors que j'étais étudiant à l'université. Puis j'ai compris à quel point les mathématiques étaient impliquées dans l'histoire et je me suis mis à mon autre grande ambition : les livres. Je me dis toujours que j'aurais très bien pu être capable de faire un paquet de boulots différents, mais je pense que l'écriture était un bon choix. Ça me permet de faire semblant d'être toutes les choses que j'ai envie d'être. Que ferez-vous lorsqu'il n'y aura plus de lecteurs ? Il y aura toujours des lecteurs, des auditeurs, des spectateurs, n'importe quoi. Les gens aiment les longues formes narratives, même ces personnes qui ont pris l'habitude de consommer l'information par petites bouchées. Mais si vraiment demain le roman venait à disparaître, j'essaierai d'écrire pour le cinéma ou la télévision, ou je chercherai un nouveau médium. Parler sans arrêt, par exemple. Je serai très bon à ça.