Avec la nouvelle loi sur l’immigration, les entreprises suisses font leur coming out

Publié le 28 mars 2014 par David Talerman

Depuis quelques années, l’immigration en Suisse est un sujet difficile, et peut-être même un peu tabou. Certaines entreprises ont une position ambiguë sur l’immigration : conscientes de l’enjeu que représentent les étrangers d’un point de vue de la croissance, elles restent toutefois assez discrètes sur le sujet, l’immigration ayant des conséquences pas forcément toujours bien perçues par les locaux (comme notamment l’augmentation du prix de l’immobilier ou les problèmes de transport). En clair, l’immigration, c’est bien pour l’économie suisse et les affaires de la société, mais c’est un sujet sensible.

Les entreprises suisses prennent position les unes après les autres

Je vois au moins un point positif à la nouvelle loi sur les étrangers : elle incite les entreprises concernées à avoir une position claire et à prendre position. C’est ce que sont en train de faire successivement l’ensemble des branches concernées (c’est-à-dire à peu près toutes), à l’image de ce qu’ont récemment dit les patrons des plus grands sociétés de l’industrie horlogère lors de l’édition 2014 de BaselWorld. Je ne prendrai qu’un exemple, celui de Mark Hayek qui est le patron de 3 poids lourds du secteur (Blancpain, Breguet et Jacquet Droz) qui réalisent à elles-seules un chiffre d’affaires d’un peu moins d’un milliard de francs suisses (2013) : « On ne peut plus travailler sans les frontaliers » et « il est très difficile de trouver du personnel qualifié aujourd’hui« .

Ce n’est bien sûr pas le seul exemple : l’industrie des machines, l’hôtellerie restauration, le secteur du recrutement de personnel, les assurances… Les uns après les autres, les patrons, grandes entreprises ou organismes faitiers des différents secteurs d’activités en Suisse prennent la parole pour dire à quel point les étrangers sont indispensables à l’économie suisse et à leur activité. Et ça, c’était plutôt rare avant la votation, même si tout le monde en avait bien conscience.

Dommage que cette prise de position n’ait pas eu lieu avant le vote

Si on fait un petit retour en arrière, l’un des reproches qui a été fait aux entreprises suisses et au patronat en général c’est de ne pas avoir eu une position très tranchée sur le texte de l’UDC, et de ne pas avoir été très ferme dans la prise de position avant la votation. Cette absence de position s’explique toutefois assez bien : quand vous avez dans vos effectifs à la fois des étrangers, et des locaux qui sont pour une limitation de l’immigration, vous faites en sorte de ne pas mettre de l’huile sur le feu et soignez votre climat social. Alors vous ne dites rien ou vous dites le minimum dans un contexte politique et émotionnel parfois compliqué. D’ailleurs, statistiquement, on peut estimer qu’un employé suisse sur deux – en moyenne – était pour cette loi, ce qui explique probablement cette prise de distance bien compréhensible.

Adresser un message à ceux qui préparent les lois

Mais pourquoi les patrons suisses prennent-ils la parole les uns après les autres ? Si les patrons font de telles déclarations, c’est pour adresser un message au Conseil fédéral qui doit proposer un texte de loi sur la mise en oeuvre de la nouvelle loi sur l’immigration votée le 9 février  dernier. Quand je dis « adresser un message », je pourrai également dire « faire pression » d’une certaine manière. Et quand presque tous les secteurs s’y mettent, il est probable qu’on tienne compte de leur avis, et ce d’autant que les milieux d’affaires sont consultés dans le cadre de l’élaboration cette nouvelle loi sur l’immigration. Ce qui est certain, c’est que le Conseil fédéral, qui était contre le texte de l’UDC à l’époque, est parfaitement conscient des enjeux et des conséquences que pourrait avoir la nouvelle loi si elle était mal mise en oeuvre ou mal conçue.

J’aime bien dire qu’on est toujours plus intelligent « après ». Et comme je le disais lors des résultats de la votation du 9 février dernier, faisons confiance au pragmatisme suisse et gageons que la mise en oeuvre de la nouvelle loi ira dans le bon sens de l’économie.

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