La double peine des habitants de Laleu-La Pallice

Publié le 03 avril 2014 par Blanchemanche
La double peine des habitants de Laleu-La Pallice
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A La Rochelle, dans le quartier de Laleu-La Pallice, classé à haut risque industriel, les riverains s'insurgent. Les installations dangereuses et polluantes menacent leurs habitations. Une société en particulier, le groupe de distribution de produits pétroliers Picoty, est pointée du doigt. Picoty est accusé de poursuivre l’installation de cuves d’essence et de gasoil à proximité des maisons. Avec une latitude surprenante.Rue des Sablons, les odeurs d’essence empoisonnent régulièrement l’atmosphère. L’angoisse est diffuse. La colère gronde. « Picoty, il a des sous. Pourquoi ce n’est pas lui qui recule ses cuves ? On était là bien avant. Pourquoi c’est à nous de partir ou de payer pour nos maisons ? Je ne comprends pas », lance Judette Pages, 83 ans, installée à La Pallice depuis plus de 50 ans. Le quartier de Laleu-La Pallice compte plus de 6 000 habitants, pour la plupart d’origine modeste.Traumatisée par l’explosion de l’usine AZF en 2001, la France a imposé la mise en œuvre de plans de prévention des risques industriels et technologiques (PPRT) sur les sites à risques majeurs. Au terme d’une âpre bataille, opposant riverains de La Pallice aux pétroliers et services de l’Etat, un PPRT a été adopté fin 2013. Une mascarade pour les habitants. Ce plan reste peu contraignant pour les industriels, malgré des risques évidents, et fait porter l’essentiel des coûts de mise en sécurité sur les habitants et la collectivité locale. « Il y a une espèce d’inconscience du risque cumulé de toutes les installations qui existent ici. On a des silos de céréales à proximité d’un site pétrolier, un site qui stocke du méthanol, un entrepôt d’engrais chimiques. Tout cela n’a jamais été évalué. Pour les spécialistes, on a une bombe ici ! », lâche Brigitte Desveaux, militante écologiste. Dans cette zone Seveso, sont stockés plus de 450 000 m3 d’hydrocarbures.Le soir tombe sur La Pallice. La lumière glisse sur les parois arc-en-ciel des cuves Picoty, une vingtaine disséminées un peu partout, entre les habitations, le terrain de football et la voie ferrée. Sur le pas de sa porte, Céleste Gomes, 73 ans, soupire, amère. De l’autre côté de la rue, un chaudron gigantesque et scintillant lui barre la vue. « Mes filles ne veulent plus venir. Cela me fait de la peine, confie Céleste. Elles disent que c’est moche et que c’est dangereux. Qu’il faut que je parte. Mais pour aller où ? Ce n’est pas avec les indemnités qu’ils nous proposent, que je pourrai trouver une autre maison à La Rochelle. Ici, j’ai un jardin, c’est une maison de 100 m2, de plein pied, c’est très bien pour notre âge (…) Oser venir mettre une cuve à 25 mètres de la fenêtre des gens. S’il y avait eu des riches, ils n’auraient pas fait cela ! Nous, on est des petits, pas instruits. Eux, ils ont le pouvoir, l’argentCe n’est pas parce qu’on est pauvre qu’on ne doit pas être respectés quand même ! ». Risque environnemental et injustice sociale, les riverains vivent ici une double peine.Mais, la résistance s’organise. L’association Respire, qui regroupe environ 300 familles, exige le recul de sept cuves Picoty pour éloigner le danger des populations riveraines. Un recul estimé par l’entreprise à 27 millions d’euros. Trop cher, paraît-il. Alors, l’association a décidé en janvier dernier d’attaquer en justice le PPRT Picoty/SDLP (filiale de Total) et l’autorisation délivrée par la préfecture pour l’exploitation de quatre nouvelles cuves. Un combat inégal, David contre Goliath. Pour autant, les habitants sont déterminés à aller jusqu’au bout. Ici, dans ce coin ignoré de La Rochelle, ouvrier et populaire, se dessine la révolte de gens ordinaires, pour plus de justice et de démocratie.Voir les vidéos associéeshttp://vimeo.com/90307524http://vimeo.com/90305925 http://vimeo.com/90277734http://vimeo.com/89731891