[Strange and Funky Animal Photographer] Linden Gledhill

Publié le 07 avril 2014 par Taupo

Durant mes pérégrinations internautiques, je suis tombé à plusieurs reprises et sans m’en rendre compte sur le travail photographique de Linden Gledhill. De jour, ce chercheur britannique enfile sa blouse de biochimiste afin de concevoir des protéines pour lutter contre le cancer et le diabète. C’est déjà assez super cool en soi, mais le bougre passe également tous ses temps libre à parfaire son talent de photographe. Il se consacre surtout à des sujets liés à la biologie et au monde physique pour en révéler la beauté, grâce à des techniques de macrophotographie et un bon nombre d’installations bricolées pour obtenir des effets inédits. Voici un exemple des dernières œuvres de Linden Gledhill que j’ai découvertes:

 

C’est bien beau, me direz-vous, mais pourquoi nous montrer des pétales de couleurs quand le titre de l’article laisse supposer que Linden Gledhill est un photographe animalier?
Et bien le titre n’est pas trompeur! Il s’agit bel et bien de photos d’animaux… enfin… de très très très très très gros plans d’animaux. Ces pétales, ce sont en réalité les écailles qui couvrent les ailes du papillon Junonia rhadama:


En effet, peut être ne le saviez-vous pas , mais les papillons (et certains autres insectes) sont complètement recouvert d’écailles. C’est d’ailleurs cela qui explique l’étymologie du nom savant du groupe des papillons: les lépidoptères. Lepido (λεπίδος) signifiant écaille et Pteron (πτερόν) signifiant aile: les ailes aux écailles. Si d’aventure vous avez tripatouillé, grosse brute que vous êtes, les ailes d’un papillon et bien la poudre qui vous reste sur les doigts est constituée des milliers de petites écailles qui parsemaient tantôt les ailes de votre victime (bourreau!). Ces écailles sont des extensions de cuticule chitineuse, un peu comme nos poils sont des extensions kératinisées de notre peau (donc en gros, pour parler français, ce sont des bouts de cellules mortes de la même matière que ce qui fait la couche externe de notre corps, chitine pour les insectes, kératine pour les vertébrés). Chez les insectes, on appelle généralement ces extensions des soies et elles ressemblent généralement à ça (soies d’abeille, grossissement x125):


Les soies des lépidoptères sont donc fortement modifiées, aplaties et démultipliées ce qui permet de couvrir les ailes et le corps d’une double couche d’écailles. Comme chaque écaille peut varier en forme, taille et couleur, cela ouvre des myriades de possibilités de motifs colorés pouvant décorer leurs ailes. Encore plus sioux, les écailles des lépidoptères peuvent générer des couleurs de deux manière différentes: soit en accumulant des pigments comme la mélanine, qui absorbe une partie des longueurs d’ondes de lumière, soit encore en exploitant un autre phénomène lumineux: l’iridescence (pour plus d’infos sur le sujet, voir l’article de Lam Son). On parle aussi de couleur structurelle, une couleur générée par des structures dont la taille approche celle de la longueur d’onde de la lumière. Dans les photos des écailles de Junonia rhadama, on peut deviner des microstructures régulières qui sont à l’origine de leurs couleurs structurelles. Un meilleur moyen de révéler ces structures est d’utiliser des techniques de microscopie électronique à balayage. Je vous propose donc un petit voyage microscopique, passant de la vue d’une aile du Paon du Jour Inachis io, jusqu’à la microstructure d’une seule écaille correspondant à un grossissement x5000:







C’est beau, mais peut être pas aussi poétique que les clichés de Linden Gledhill. Voici donc ses séries d’écailles de papillons suivies du portrait du spécimen entier. On commence par Graphium sarpedon:

 

Puis Graphium weiskei:

 
 
 
 

Hypolimnas dexithea:

 
 

Les fameux Morpho:

 
 
 
 

Papilio blumei:

 
 


Papilio karna:



Papilio ulysses:



Papilio lormieri:




Protographium agesilaus et ce qui ressemble à un grain de pollen, resté accroché à ses ailes (après un festin de nectar de fleur, l’ivrogne…):

 


Salamis Parhassus:

 
 
 


Troides hypolitus sangirensis:

 
 


Le Vulcain, Vanessa atalanta:



Le Papillon comète de Madagascar, Argema mittrei:




Chrysiridia rhipheus:
 
 



Cithaerias aurorina:

 
 



Le Monarque, Danaus plexippus:

 

Et quelques espèces non identifiées:

 
 

Ces sublimes photos sont le résultat d’heures de travail avec un matériel qui, au vu du résultat, ressemble plus à du bricolage de savant-fou que d’un matériel de pro. Ses premiers essais ont été effectués à l’aide d’objectifs de microscopes ajustés à une caméra à l’aide d’un jeu de tubes d’extension. Les plus récentes ont cependant nécessité du matériel plus lourd: un microscope Olympus BH-2 lié à un driver StackShot, un système d’illumination par LED et un flash stroboscopique. Le problème avec l’utilisation d’un microscope, c’est que la profondeur de champ (la distance où le sujet est net) est minime. Pour obtenir une photo où tout est net, il faut avancer l’objectif, micron par micron (grâce notamment à du matériel Cognisys), et utiliser un logiciel qui additionnera les zones nettes de chaque photo pour donner une photo complètement nette. Les photos des écailles sont donc en vérité la somme de plus de 80 clichés par photo! Pour comprendre le challenge, voici deux vidéos de Destin Sandlin de Smarter Every Day, qui tente de reproduire les clichés de Linden Gledhill:

 
Au début, je pensais que j’écrirais un article très rapide sur Linden Gledhill, mais en visitant sa page FlickR, je me suis aperçu qu’il s’agissait d’un grand malade de la photographie dont j’avais régulièrement entendu parler sans me rendre compte qu’il s’agissait du même génie. Ainsi, il est le photographe qui a pris ces fantastiques clichés d’insectes en plein vol:

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Je sais pas pour vous, mais pour moi, j’ai l’impression que chaque bestiole s’exclame : “Wiiiiiiiiii je vole”, tant la posture de ces insectes, 6 pattes écartées, semble exprimer la joie des sensations de vol extrême!
Le matériel utilisé pour capturer ces moments d’allégresse entomologique est particulièrement impressionnant! Constatant que le diaphragme de son appareil photo n’était pas assez rapide pour figer le vol des insectes, il en a bricolé un à partir d’un vieux disque dur! Il faut dire que sa passion remonte au temps où, âgé de 12 ans, il bricolait avec son père ingénieur un déclencheur infrarouge… Voilà à quoi ressemble l’installation permettant de prendre des clichés parfaits d’insectes en plein vol:


Le système fonctionne comme suit: deux lasers (les tubes noirs et jaunes) envoient leurs rayons sur des miroirs  réfléchissant leurs faisceaux sur deux détecteurs de lumière. Si le deux faisceaux sont interrompus simultanément, cela signifie que l’insecte est exactement à la bonne distance focale de l’appareil photo qui est immédiatement déclenché (à la dizaine de milliseconde près) ainsi que les deux flashs qui illuminent la scène de part et d’autre. Comme l’obturateur de l’appareil photo met près de 60 millisecondes à se fermer, Linden a construit, à partir d’un disque dur, un équipement capable de se refermer en 11 millisecondes en exploitant le bras de lecture du disque qui est particulièrement rapide:


Toujours dans la thématique animalière, Linden Gledhill a également pris de fantastiques clichés d’œufs d’insectes. Des photos illustrant de nouvelles formes d’œufs à rajouter à la liste déjà bien longue de mon article sur le sujet.

 
 
 
 
 
 
Linden Gledhill s’est aussi fait récemment remarquer pour ses photos d’éclaboussures de peinture:

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Sa technique est si impressionnante que Canon a fait appel à lui pour réaliser une campagne de pub autour de son imprimante Pixma


La vidéo du Making-Of montre à quel point les clichés nécessitent des heures de travail:


Et dernière surprise, Linden Gledhill a passé un temps non négligeable à photographier les figures formées par des ferrofluides, utilisant encore une fois la technique de Focus-Stacking:

 
 
Une nouvelle démonstration que l’art n’est jamais loin des sciences et des technologies…

Références:
Ingram AL, Parker AR: A review of the diversity and evolution of photonic structures in butterflies, incorporating the work of John Huxley (The Natural History Museum, London from 1961 to 1990). Philos Trans R Soc Lond B Biol Sci 2008, 363(1502):2465-2480.
Downey, J. C. & Allyn, A. C. 1975 Wing-scale morphology and nomenclature. Bull. Allyn Museum 31, 1–32.
Vukusic, P. (2006). "Structural color in Lepidoptera". Current Biology 16 (16): R621–3

Liens:
Linden Gledhill
Article PetaPixel
Article Huffington Post
Article Wired
Article Ufunk
Article Laboiteverte
Article Fubiz
Article Colossal
Article Laughing Squid