ARCHITECTURE MOGHOLE (XVIe siècle)

Publié le 14 avril 2014 par Aelezig

Après les sultanats, l'architecture atteint sous les moghols une perfection exceptionnelle, en poursuivant les traditions iraniennes et locales antérieures, et en les enrichissant d'éléments européens et totalement nouveaux.

Tombeau d'Humayun à Delhi

Plusieurs éléments se sont mis en place dans l'architecture indienne avant les Moghols, et seront repris durant l'empire. En particulier :

  • l'utilisation du grès rouge et du marbre blanc comme matériaux ;
  • la formule salle sous coupole et iwan (vaste porche ouvert par un arc) accolé, qui vient d'Iran ;
  • les claustras (bois sculpté et évidé) fermant les fenêtres
  • les plates-formes surélevant certains bâtiments, qui proviennent de l'architecture hindoue ;
  • le plan-type de la mosquée indienne, avec une grande cour, une salle de prière à une seule nef découpée en plusieurs espaces voûtés sous coupole ;
  • le pishtâk (portail en sallie, avec arc), qui provient du monde iranien ;
  • les chatrîs, petits kiosques ouverts surmontés d'une coupole ;
  • les chajjâs, auvents pour protéger du soleil ou de la pluie ;
  • Les jharokhâs, ou fenêtres d'apparition, qui comme leur nom l'indique, sont des fenêtres ou autres cadres architecturaux pour les apparitions officielles de l'empereur ;
  • le décor de carreaux de céramique, provenant autant des traditions rajpout qu'islamiques ;
  • certains motifs décoratifs, comme l'étoile à six branches, par exemple.

Porte Buland Darvaza

L'architecture sous Babur (1526-1530) et Humayun (1530-1540 et 1555-1556)

Les restes de cette période sont assez peu nombreux, mais néanmoins dignes d'intérêt.

Babur est vu comme la personne ayant introduit en Inde le jardin en chahar bagh c'est-à-dire divisé en quatre selon deux axes principaux perpendiculaires. Néanmoins, on ne connaît pas de bâtiment pouvant être rattaché à son mécénat.

Humayun, quant à lui, passe pour avoir commandité la forteresse de Din Panâh à Delhi, en 1533. Son mécénat peut s'être étendu à d'autres bâtiments, mais il est difficile de distinguer ceux-ci de ceux patronnés par le rival de la famille régnante, Shir Sha. On note déjà la présence, sur les monuments, d'un décor d'étoiles à six branches, mais leur caractéristiques sont encore tout à fait pré-mogholes. Shir Shah a entre autres commandé une tombe monumentale dans le Bihar, construite entre 1538 et 1545 sur un plan octogonal, à trois étages. De grandes dimensions,il est surmonté aux coins de chatris.

Diwan I Khass

Le règne d'Akbar (1556-1605)

Premier grand monument édifié par Akbar, la tombe de son père Humayun, à Delhi est édifiée au centre d'un grand jardin en chahar bagh, à la croisée des deux axes principaux. Il est bâti sur une plate forme qui comporte en tout 124 pièces voûtées dans lesquelles sont inhumés plusieurs princes et princesse mogholes depuis le XVIe jusqu'au XIXe siècle. En grès rouge et marbre blanc, son plan est un plan centré courant chez les Moghols et en Iran dit en hasht bihisht, c'est-à-dire avec huit espaces autour d'un neuvième. La tombe comporte deux étages et mélange influences timurides (iwans, décor d'étoiles à six branches) et hindoues (chatris sur les éléments latéraux). Ce type de mélange est courant sous Akbar, dont l'ouverture d'esprit est connue.

Alors que Delhi était la capitale de son prédécesseur, Akbar utilise tout d'abord Agra puis construit une nouvelle ville, Fatehpur-Sikri, à quarante kilomètres. Il la quittera en 1585 pour Lahore avant de retourner à Agra en 1598, chacun de ces déplacements entraînant une production architecturale. Grand constructeur, Akbar est aussi le commanditaire de forts, de palais et de résidences secondaires dans de nombreuses autres villes.

Tombe de Salim Chisthi

AgraIl existe déjà une forteresse à Agra lorsqu'Akbar choisit la ville pour capitale : de plan irrégulier, plus ou moins semi-circulaire, elle a été bâtie par les Lodis. Le souverain moghol s'y installe puis procède à des aménagements et des réfections. Il commence ainsi, en 1565, par remplacer le mur de briques par un rempart en grès rouge. De nombreux bâtiments ont été édifiés dans la forteresse, mais la plupart ont subi des destructions sous Shah Jahan. Le Jahangiri Mahal serait le plus ancien bâtiment moghol présent dans le fort. Il s'organise sur un plan carré autour de deux cours entourées de portiques, cantonné de quatre tours polygonales surmontées de chatrîs aux angles. Le décor est sculpté en relief dans le grès et incrusté de marbre blanc. On retrouve ici le goût pour le mélange des influences : alors que les colonnes des portiques évoquent l'Asie Centrale, les corbeaux au profil sinueux et très travaillés rappellent l'Inde hindoue pré-moghole, et les motifs sculptés dans le stuc et la pierre dérivent quant à eux du style timuride (peuple turco-mongol). Un deuxième bâtiment, l'Akbari Mahal, est dû également au mécénat d'Akbar. Organisé comme le précédent autour de grandes cours centrales, il est partiellement détruit, mais semble présenter les mêmes caractéristiques que le précédent.

Fatehpur-Sikri : L'implantation de la capitale à Fathabad, qui deviendra Fatehpur-Sikri, a lieu en 1571. L'endroit est déjà habité : on y extrait du grès, Babur y a installé ses "jardins de la victoire" et on y trouve une mosquée et une petite résidence réalisée pour Humayun. C'est aussi le lieu de vie d'un mystique, Chaykh Salim Chishti (1479-1572), auquel Akbar aime rendre visite, en particulier lors fréquents pèlerinages à Ajmer sur la tombe du sufi Shaykh Mu'in al-Din Chishti. Akbar cherche par ailleurs à attirer la cour dans un lieu un peu éloigné d'Agra, qui reste la capitale économique et politique du pays, afin d'asseoir son pouvoir. Le site est édifié autour d'un grand lac, sur un plateau. Ceinte d'un rempart, la ville comportait de nombreux bâtiments.

Mosquée Jama Masjid

La grande mosquée, l'une des plus grandes d'Inde, peut être datée des années 1573- 574. Elle se compose d'une vaste cour rectangulaire entourée d'arcades surmontées de petits dômes. La façade de la salle de prière est divisée par un grand iwan qui mène à un sanctuaire sous dôme entouré de deux petites salles également sous dôme. Deux entrées monumentales mènent à la mosquée. Dans la cour se trouve un petit édifice de plan carré, entièrement en marbre blanc. Ce tombeau, destiné à Shaykh Salim Chishti possède autour de sa salle centrale un écran treillissé de manière complexe, l'un des plus beaux exemples connus. Son porche est soutenu par des corbeaux serpentiformes exceptionnels, et à l'intérieur se trouvait un baldaquin de bois incrusté de nacre.

Panj Mahal

Le quartier palatial est un large complexe, divisé par quatre axes parallèles coupés par six axes perpendiculaires, formant ainsi une sorte de grille. Les différents bâtiments s'organisent suivant une succession de cours. Le Diwan-i 'Am, ou salle des audiences publiques, est une des premières structures de l'ensemble, fini en 1573. Il servait aux audiences publiques, mais aussi aux fêtes et aux prières privées. Alors que la cour du Pachisi servait d'échiquier monumental, dans une autre, celle de l'Anup Talao se trouvait un grand bassin et un petit bâtiment dit Palais de la sultane turque, qui possède un décor en bas-relief avec des animaux et des oiseaux rappelant le style timuride.
Le Palais de Jodhbai est l'un des plus énigmatiques. Il pourrait avoir été réalisé avant le règne d'Akbar, car son décor intérieur est complètement rajput. Enfin, il faut aussi évoquer le Panj Mahal, le plus haut bâtiment du complexe palatial, dont le nom signifie d'ailleurs cinq niveaux.

D'après Wikipédia