Le Medef ne se sent plus pisser

Publié le 15 avril 2014 par Legraoully @LeGraoullyOff

Le MEDEF et sa filiale du PS ont réussi un exploit: ils m’ont presque persuadé du fait que vieillir, finalement, ça n’a pas que des inconvénients. Au bout de deux jours de congés, quand je vois à quel point je me sens revivre, je me dis vivement la retraite. Et quand je vois le sort que les gangsters cités plus haut réservent à notre pauvre jeunesse, je me dis qu’il ne faudrait jamais commencer à bosser tant qu’on aura pas mis la tête de ces enfoirés au bout d’une pique.

Celui qui a ouvert les hostilités, c’est Pascal Lamy, un copain à Hollande qui occupe un poste parfaitement inutile au sein de la non moins inutile Organisation Mondiale du Commerce. Aussi socialiste que je suis chrétien, le brave Pascal préconise de « franchir les espaces symboliques » qui entravent la compétitivité des entreprises: comprendre plus de flexibilité, de précarité et de boulots payés moins que le SMIC, c’est à dire faire exactement la même chose que d’habitude, mais en accéléré. Quand tu lui répliques que c’est grosso modo ce que voulait instaurer Balladur avec le SMIC jeunes, c’est tout juste s’il ne te traîte pas de réactionnaire (« Ce n’est parce qu’une réforme n’a pas marché ou parce qu’on a reculé devant la pression de l’opinion que c’est une mauvaise idée. Si on prenait tous les réformes qu’on a essayées à un moment, qui n’ont pas marché et si on ne les avait pas reprises, on serait encore au Moyen Age »). On se demande bien pourquoi l’opinion s’emmerde encore à voter si son avis ne vaut pas celui de nos glorieux réformistes.

 Et d’ajouter qu’un petit boulot merdique, c’est mieux que pas de boulot du tout. Juste pour éclairer la lanterne de Pascal Lamy, ce genre de boulot existe, ça s’appelle un stage. Tu y développes en général plus de compétences en débourrage d’imprimante et en confection de café qu’autre chose, les entreprises y ont encore fréquemment recours, et les bienheureux stagiaires, comme chacun sait, en sont tous ravis. J’aurais bien aimé aussi que le patron de l’OMC nous explique en quoi un boulot sous-payé vaut mieux que pas de boulot, aussi bien en termes micro que macro-économiques, avec statistiques et graphiques à l’appui. La réponse risque fort d’être « la compétitivité », qu’il répètera comme un mantra, sans expliquer par rapport à qui et à quoi. J’aimerais bien aussi comprendre comment on arrivera à réduire le déficit de la Sécurité Sociale en lui faisant perpétuellement payer les diminutions des salaires et des cotisations afférentes. M’enfin, je suis pas patron de l’OMC, et M. Lamy doit sûrement être payé quelques milliers le SMIC pour le savoir mieux que moi.

Bon, pour l’instant, c’est juste Pascal Lamy qui se touche dans son coin en rêvant d’un monde meilleur sans syndicat et sans code du Travail, où la « libre-concurrence »(pouf pouf) fera sortir l’homme de l’Histoire. Restons au PS, parce que oui, ce mec se revendique de gauche. Une rumeur a couru, pas très longtemps, mais juste assez pour tâter l’opinion, qui voulait que les étudiants non boursiers eussent pu se voir privés d’APL à la prochaine rentrée. Rumeur mon cul, c’était un ballon d’essai. En fait, assez peu d’étudiants bénéficient de l’APL (aide personnalisée au logement) qui est réservée aux bailleurs conventionnés, c’est plutôt l’ALS (aide au logement social) qui est visée, mais on s’en bat les flancs. Les étudiants non boursiers sont déjà légèrement pénalisés par rapport à leurs congénères éligibles aux largesses du CROUS par l’application d’un plafond différent pour la prestation. Les moins pénalisés sont ceux qui cumulent, en sus de leurs études, un de ces petits boulots à la con qu’affectionne Pascal Lamy. Donc, Mme Fioraso se pointe tout sourire à la télé pour dire que ce n’était qu’une rumeur. Ne te laisse pas embobiner, étudiant, tu auras toujours droit à l’aide au logement mais ça m’étonnerait que le plafond de ressources ne soit pas revu à la baisse, comme c’est déjà le cas depuis peu pour les aides à l’enfance. Si Valls voulait faire faire des économies à la branche famille de la Sécu, il pourrait conditionner l’attribution des Allocations Familiales aux ressources du foyer. D’une, ça mettrait fin à l’absurde politique nataliste de notre pays, et de deux ça ferait gueuler les cathos et les associations familiales, ce qui est toujours bon à prendre. Ou alors il pourrait éviter de refiler au régime général des compétences qui devraient ressortir du régime social des indépendants (la sécu des patrons, en gros).

Bon, Pascal Lamy, encarté à Solférino c’est fait. Valls et ses sondages subliminaux c’est fait. Qui vient porter le coup de grâce? C’est le brave Pierre Gattaz, patron du PS, de l’UMP, du MEDEF et fils de patron du MEDEF de l’époque (CNPF, pour être précis; ce qui est rigolo, c’est que ce sont aussi les initiales de la caisse d’allocations familiales luxembourgeoise, si ça c’est pas du symbole). D’après M. Gattaz, la France est « au bord du précipice« , et l’instauration d’un mini-SMIC pour les jeunes est une piste à explorer en priorité pour leur mettre le pied à l’étrier de ce cheval fou qu’est le marché du travail. Il ajoute qu’il faut « sortir de la doctrine et du dogme« . Se faire traiter de dogmatique par un bonhomme dont la seule vision politique à court comme à long terme est la « baisse des charges », c’est un peu comme se faire traiter de névrosé par un curé ou se faire traiter de nain par Sarkozy. Si c’est dogmatique de vouloir manger à sa faim, de pioncer avec un toit au-dessus de la tête, et de mener une vie à peu près digne de ce nom, alors excuse-nous, M. Gattaz, de préférer notre dogme à ta vision merdique d’un monde où tout n’est que croissance, marché, offre et demande et rigueur statistique proche de celle d’Elisabeth Teissier. Parce que le bord du précipice, tes copains et toi n’ont pas peu contribué à nous y pousser.

Ceci étant dit, pourquoi cet accès d’anti-jeunisme chez les décideurs? Parce que les vieux sont majoritaires? Que nenni, c’est juste qu’on ne peut plus trop (provisoirement, en tout cas) demander d’efforts aux salariés et aux vieux, alors on s’attaque aux chômeurs (qui peuvent toujours pointer au RSA) et aux jeunes (qui peuvent toujours crécher chez leurs parents dix ans de plus en attendant d’avoir du taf).

Mais bon Pascal Lamy est de gauche, alors tout va bien. Comme Le Foll, qui vient de demander aux Roms de bien vouloir rentrer chez eux.