Ce blog, un vrai disque rayé...

Par Mademoizela
Je n'écris pas beaucoup d'articles ces temps-ci, et dès que le clavier me démange c'est pour parler de Delerm; ou Proust. Je suis un vrai disque rayé. Je tourne sur ces deux auteurs en boucle. Aujourd'hui, ce sera mon amour de Philippe. Et, le prochain sera sur le bon vieux Marcel. J'arrive à bout d'A la recherche du temps perdu. Plus qu'un tome, et j'en aurai décousu avec Papy Proust.  Quant à monsieur Delerm, quand je vois la bibliographie... ce blog n'est pas prêt de s'arrêter!!!!Il va falloir exorciser cette passion dévorante soit en rencontrant cet auteur formidable  soit en épousant son fils. Aujourd'hui, les phrases seront ridicules, la pensée incohérente, les idées désorganisées. Merci au surmenage causé par l'Education Nationale! Moi, je dis que le burn out est proche... Et notre ministre qui veut diminuer nos vacances... Rien ne va plus!Revenons à notre mouton...

Elle...  C'est Marie. Quittée par Pierre. Abandonnée par son voisin André qui a décidé de finir sa vie à l'hospice mais qu'elle continuera de visiter.


C'est une mère qui a insufflé le goût du théâtre à son fils, Etienne. A force de le conforter dans des illusions perdues d'avance, celui-ci la tiendra pleinement responsable de ses échecs et par conséquent de ses désillusions. Marie est une attachée de presse qui n'a de cesse de représenter des écrivains, qui les promeut.  Et puis un jour, Marie rencontre... ou plutôt fait LA rencontre. Inattendue, certes mais essentielle dans sa vie. Elle fait la connaissance d'un groupe de jeunes comédiens apprentis qui s'installe à côté de chez elle. Elle va donc s'en occuper, et leur écrire un spectacle à leur mesure qu'elle prendra soin d'intituler LE FIL.
Le fil est le fil conducteur de ce court roman sublime. Delerm a déroulé la bobine métaphorique avec excellence. C'est du Delerm. Du bon Delerm. Un bon filon, mon Philou! Circus, sur un fil...
Le fil sur lequel marche Marie est un fil tendu entre la jeunesse bien vivante et ses espoirs flambant neufs personnifiée par le petit groupe de comédiens, et la vieillesse désabusée  représentée par André. Le fil est aussi celui du théâtre et du métier de comédien qui allie la version inaboutie avec Etienne à la version réussie avec la troupe. Le fil est évidemment celui de l'Ecriture: celui qu'elle tisse entre ses lectures de Proust (comme quoi, je ne suis pas la seule!!!) et sa vie, entre les Auteurs qu'elle promeut et les Lecteurs. Tout est relié, tout est cousu finement. Marie est une funambule permanente. C'est elle qui fait le lien entre tous les personnages même si elle n'est parfois qu'un pont..."celle qui fera le raccord"
Cette idée d'un personnage qui déambule sur le fil est une métaphore un peu convenue de l'Existence. Avant de poser le premier pied sur ce fil, on a des rêves, des désirs, des espoirs... Au moins un: celui d'arriver au bout et d'y parvenir en un seul morceau. Pendant tout le parcours funambulesque, c'est l'adrénaline, le goût du risque, les obstacles qui sont mis en exergue.  Tout le cœur de l'expérience se trouve ici: entre le début et la fin. Une fois arrivé(e)(s) au bout, c'est la fierté d'avoir réussi qui survient mais qui laisse inévitablement sa place à la Nostalgie et la question fatale qu'elle pose: QUE FAIRE APRES? QUE FAIRE MAINTENANT? Le fil est aussi un élément essentiel qui nous empêche de sombrer dans le vide et dans la vacuité que la vie peut parfois laisser à notre disposition. A nous de tendre ce fil qui nous tient en vie, qui nous maintient entre la vie et la mort. Le fil met en danger, nous met face à la mort qui peut venir vite, face à la vie, sa ténuité et sa fragilité. Eprouver la prégnance de la mort permet peut-être de vivre pleinement. Marie expérimente ainsi cet interstice entre la passion, le champ des possibles et des probables et le réalisé; entre l'inaccompli qui nourrit les fantasmes et l'accompli qui engendre les regrets; entre l'énergie et l'inertie. "La reconnaissance de l'obstacle fait naître l'énergie capable de l'abattre." (Caillois) Le chemin parcouru est parfois plus important que son aboutissement car il condense les instants les plus intenses. Quand bien même on échouerait, l'important n'est-il pas d'y avoir cru intensément, malgré tout? Tant qu'on espère, on ne sombre pas... "Après tout, peu importe que notre tableau soit vraiment un Maurice Denis. ce qui compte, c'est que nous ayons eu des certitudes secrètes ensemble, et ça, le temps ne les changera pas." (Philippe Delerm).   Philippe Delerm joue sur la métaphore du fil avec le nom de la pièce Le Fil. Cette pièce génère l'excitation, l'envie, la passion, l'énergie chez Marie mais elle la confronte en permanence à un échec éventuel.  Un bon roman joliment mené avec la douce mélancolie qu'on connaît à notre auteur. L'ombre de Proust rôde sur ce roman mais par touches. Philippe Delerm, c'est Marcel Proust sans les longueurs et les complications. Nostalgique sans jamais être négatif. Poétique sans jamais verser dans le mièvre.