La Maman et la Putain

Publié le 19 avril 2014 par Olivier Walmacq

genre: drame
année: 1973
durée: 3h35

l'histoire: Alexandre passe ses journées dans les cafés du Quartier Latin et partage sa vie entre Marie, une femme plus âgée que lui, et Véronika, une infirmière un peu paumée.               

La critique d'Alice In Oliver:

Indéniablement, La Maman et la Putain, réalisé par Jean Eustache en 1973, fait partie des grands classiques du cinéma français. Le film s'inspire directement de la vie réelle de Jean Eustache, de sa rupture avec Françoise Lebrun, de sa vie avec Catherine Garnier et de son amour pour Marinka Matuszewski. Le personnage de l'ami serait fortement inspiré de Jean-Jacques Schuhl, qui était alors un ami de Jean Eustache. Pour le cinéaste, il s'agit donc d'un film personnel mais aussi d'une véritables psychanalyse avec pour but d'effacer les cicatrices du passé.

Au niveau de la distribution, La Maman et la Putain réunit Jean-Pierre Léaud, Bernadette Lafont, Françoise Lebrun (que j'ai déjà citée), Isabelle Weingarten, Jacques Renard, Caroline Loeb, Douchka et André Téchiné. Suite à une mésentente entre les ayants droit et les différents éditeurs de DVD, le film n'a jamais été disponible en DVD.
Pour l'anecdote, Jean-Pierre Léaud raconte que Jean Eustache était intraitable avec les acteurs et voulait absolument que le texte, particulièrement long et dense, soit connu au mot près et à la virgule près. L'exigence était d'autant plus grande qu'il n'y avait qu'une seule prise par plan.

Beaucoup de critiques considèrent La Maman et la Putain comme le chef d'oeuvre de Jean Eustache. Certains fans le considèrent également comme un film incompris et/ou en avance sur son temps. D'autres le trouvent un peu désuet et symptômatique de son époque.
Que les choses soient claires: j'appartiens à la seconde catégorie. La Maman et la Putain se situe dans un contexte de libération sexuelle et des moeurs. Nul doute que ce film a marqué son époque. Toutefois, c'est un film un peu vieillot aujourd'hui et qui s'adresse avant tout à un public intello.

En résumé, ne vous attendez pas à assister à de gros rebondissements, mais plutôt à de longs dialogues souvent philosophiques, d'autant plus que le film s'étale sur trois heures et 35 minutes de bobine. Aussi est-il nécessaire de rappeler les grandes lignes du scénario.
Attention, SPOILERS ! 
Alexandre, une sorte d'intellectuel désœuvré, désargenté et vivant chez (et plus ou moins aux crochets de) Marie, sa maîtresse (qui travaille dans une boutique de mode), se lève un matin, emprunte la voiture de sa voisine et va retrouver son ancienne petite amie, Gilberte, lui offrant de l'épouser.

Elle ne prend pas sa proposition au sérieux et le repousse. Plus tard, Alexandre retrouve un ami aux Deux Magots. En partant, il croise le regard d'une fille sur la terrasse et lui demande son numéro. Il rentre ensuite chez Marie. Le lendemain, il rappelle la fille des Deux Magots, Veronika, une infirmière qui travaille dans un hôpital parisien.
Il entame bientôt une liaison avec elle, parallèlement à celle qu'il a avec Marie et, tout naturellement, ne cache à aucune des deux ses liens avec l'autre. Un vague triangle amoureux s'ébauche alors, sans que cela pose vraiment problème à Alexandre. Les deux femmes l'aiment, s'apprécient et tolèrent un temps cette situation.

La Maman et la Putain reste avant tout un récit intimiste, à la fois torturé, romantique et désespéré. Le film remportera le Grand Prix du Jury au Festival de Cannes en 1973. A l'époque, il choquera largement son audimat. C'est un film symptômatique de la Nouvelle Vague.
En résumé, le long-métrage évoque les problèmes de son temps et aborde des sujets encore tabous, puisqu'il est question ici de libertinage, de triangle amoureux et même d'avortement. Tous ces thèmes nous sont évoqués par une sorte de dandy des temps modernes. Ce qui explique les dialogues à base de vouvoiement.

Il y a chez ce personnage d'Alexandre le reflet d'un adolescent à la fois poète et bourreau des coeurs. Certes, encore une fois, le ton est terriblement insolent, surtout pour l'époque. Néanmoins, il faut bien le reconnaître: malgré son côté atypique, La Maman et la Putain reste une oeuvre difficile d'accès, car très longue et très bavarde, et qui s'adresse avant tout à un public intello.
Personnellement, même si je reconnais l'importance et la valeur de ce film, je ne suis pas fan de cette oeuvre de la Nouvelle Vague. Dans un genre différent, je lui préfère largement Les Valseuses, qui aborde lui aussi des thématiques toutes aussi insolentes et taboues. Pas de note donc ! Je risquerai de manquer d'objectivité.


Jean Eustache, la maman et la putain, 1973 par alcyon009