[Zik] Yael Naim et David Donatien: la revanche des indé

Publié le 16 mai 2008 par Greg

Revanche ou ironie du sort? Appelez ça comme vous voulez. Toujours est-il que le succès français puis mondial d’un disque complètement fait maison a de quoi laisser pantois en ces temps que l’on dit moroses pour l’industrie du disque. Yael Naim et David Donatien savourent, eux, le succès, aussi inattendu que soudain, de leur premier album.

Yael Naim a 30 ans, et déjà plusieurs vies derrière elle. Elle a été jeune recrue dans le monde des comédies musicales d’Eli Chouraqui (Les dix commandements). Dans l’autre, elle renaît après l’échec d’un premier album solo (In a man’s Womb), sa chanson New Soul conquiert la France et se propage dans le monde grâce à la vitesse d’une pub Apple. Succès.

 

«C’est une grande leçon pour nous. Yael a travaillé pendant dix ans dans une grande machine, moi j’ai accompagné pendant 15 ans des gens dans des majors (dont Bernard Lavilliers). Quand on fait de la musique, on a un rêve de plénitude. Mais on ne l’atteignait jamais. À la fin, on a retravaillé pendant deux ans et demi et on a mis en place ce que l’on a envie de faire», se félicite David Donatien.

«Ça dépasse largement nos attentes», confirme, rieuse, la jeune femme, hippie chic. De passage au Japon, Yael Naim se prête au speed dating avec des journalistes. Un exercice qu’elle finit par connaître après une campagne de promotion aux États-Unis, au Quebec, et à travers l’Europe. Un exercice auquel elle se plie, avec le sourire.

L’album de Yael Naim et David Donatien a été mûrement composé, joué et arrangé dans le deux-pièces parisien de la jeune femme. «J’avais envie d’aboutir à un projet. Je mettais beaucoup d’illusions à travers cela, et quand j’ai rencontré David, il m’a dit «fais ta musique, chez toi» «, se souvient-elle.

«En rentrant dans ce processus, c’est tellement de bonheur et de liberté de ne dépendre de personne. Il n’y avait pas de maison de disque, il n’y avait pas d’argent. Avec notre savoir-faire on a pu enregistrer, on a fait des percussions, mais aussi du piano, du xylophone, même si c’était long, on arrivait, sans se prendre la tête, à faire la musique qu’on veut», croit Yael Naim.

Et la musique qu’elle veut n’a été, disent-ils, soumise à aucun diktat de la mode. Yael Naim, née en France, de parents tunisiens, mais élevée en Israël, a écrit pour la première fois dans sa langue maternelle, l’hébreu. «J’ai parlé hébreu toute ma vie, mais je crois que j’ai vraiment eu le besoin de me reconnecter avec quelque chose de très simple qui n’a rien à voir avec une stratégie», dit-elle.

Il y a de la mélancolie dans Paris, Levater ou encore Schelcha, ou de la légèreté pop dans Yashanti. Des titres simplement arrangés, à l’image de l’album. «Ces chansons sont des chansons très simples, à la guitare, il n’y a pas la prétention d’essayer de faire un truc intéressant musicalement. C’est chargé, émotionnellement. L’hébreu n’est pas une langue très sexy, donc, il n’y avait pas d’attentes», explique Yael Naim.

L’album porte la marque de la rencontre entre l’univers de David Donatien et de Yael Naim. «À la base, le but n’était pas de mettre nos deux univers, mais de construire un univers autour de celui de Yaël. J’ai du aussi me plier à cet univers-là. C’est vrai que la musique folk, c’est pas spécialement mon truc. Moi je viens de la soul, du jazz», dit ce Français né en Martinique.

Yael Naim signe toutes les compositions, certes, mais la patte de David Donatien est si précieuse que leur album américain, contrairement au disque français, porte leurs deux noms. «Toutes les compositions, tous les textes sont de Yaël. Il s’agit de son vécu (…) Et puis on a décidé de faire ce projet à deux, de créer à deux de la musique. On a décidé de garder le nom Yael et d’expliquer qu’on était deux à travailler avec ça. Mais les gens n’ont pas compris, et on me demandait ce que je faisais là…donc on a décidé de mettre mon nom en tout petit. Pour expliquer pourquoi je suis là», dit-il.

Depuis le succès, les dates s’enchaînent pour les deux musiciens. Festivals en France (Le printemps de Bourges, Les vieilles charrues), à l’étranger (SXSW à Austin, et, pour cet été, une date au Festival de Jazz de Montréal) les concerts les entraînent aux quatre coins du monde, des salles intimes aux grandes scènes.

«Ça tranquillise, d’un côté. On n’a pas besoin de se demander ce qu’il va se passer maintenant que l’album est fini. Et puis, aujourd’hui on doit se battre pour conserver les moments qui nous font rester les mêmes, pour profiter des choses, se rendre compte que ce n’est peut-être qu’un passage. Tout cela, avec un peu de recul. On n’essaie de pas s’habituer», promet David Donatien.