Vous avez dit fétiches ?

Publié le 23 avril 2014 par Detoursdesmondes


Notre prochaine visite au musée Vodou de Strasbourg m'a incité à relire les notes que j'avais écrites pour la préparation d'une conférence Des fétiches africains à l'art contemporain, réalisée en janvier 2012 pour l'association Détours des Mondes.
Ces objets, "accumulations" de matières animales, végétales, exercent en effet sur nous, spectateur occidental, à la fois une attraction et une répulsion, incapables que nous sommes de saisir la complexité de cet assemblage devenu un véritable dieu-objet (pour reprendre le terme propre à Marc Augé).


Plus que la chose elle-même, la relation qui l'unit à l'homme est ambigüe puisqu'on évoque souvent un mariage mystique entre un humain et une entité devenue "divine", devenue tout au moins un réceptacle du "sacré".
On a parlé de "fétiches" à propos de ces objets. Charles de Brosse introduit cette notion en 1760 dans Du culte des dieux fétiches et y décrit une forme première de religion caractérisée par l'adoration directe d'objets : « Le fétichisme apparaît comme le culte de choses inanimées, mais qui sont, pour le sauvage, douées d'une force mystérieuse ».
Ce mot dont vont hérité les anthropologues va être mis à mal par les préjugés évolutionistes ; et la notion de "fétichisme" étudiée à l'aune du marxisme et de la psychanalyse nous sera léguée entachée de malentendus, de glissements de sens et surtout auréolée d'un certain malaise.


Bref, un mot compliqué faisant intervenir une notion aussi complexe et ambivalente que celle du "sacré"! Alors qu'allons nous découvrir dans ce musée Vodou de Strasbourg ?
Faute de pouvoir mettre un nom sur ces objets en train de générer sans cesse des corps différents, véritables fabriques d'efficacité contre les peurs et les maux ; Nanette Jacomijn Snoep donne un début de réponse dans l'ouvrage qu'elle a consacré avec Bernard Müller au Vodou : il s'agit là d'un "bric-à-brac d'objets incroyables, fragments de malheurs subis, d'expressions de souffrances et de débrouilles, empreints d'histoires personnelles..."


Car c'est bien à partir de traumatismes que le vodou est convoqué : comment comprendre et surtout lutter contre les catastrophes, les maladies ? Le(s) vodou(s) est (sont) une manière bien particulière d'appréhender le monde, et c'est ce que nous essayerons d'approcher à travers les objets présentés.



Photos de l'auteure, Courtoisy Galerie Serge Schoffel, Brafa janvier 2014.