La sélection de la semaine : La grande guerre, Choc, Evil eater, Passe-passe, Spygames, La cible de Deadshot, Alcyon, Lose, Pan’Pan Panda, La machine à influencer et Grandclapier

Par Casedepart @_NicolasAlbert

Pour cette dernière semaine du mois d’avril , Case Départ vous ouvre sa malle à albums. Parmi eux, il y a quelques belles bandes dessinées. Le magnifique livre-objet de Joe Sacco : La grande guerre, le premier album du diptyque sur le célèbre ennemi de Tif et Tondu : Choc, Evil eater : un manga d’anticipation avec des sorceristes et des returns, un très bel album muet pour les tout-petits : Passe-Passe, le premier tome de la nouvelle série d’espionnage : Spygames, La cible de Deadshot : des mini-récits sur un des ennemis de Batman, Alcyon : deux adolescents à la recherches d’un collier pendant la Grèce antique, un recueil des meilleurs histoires de Lose, le deuxième tome du manga familial : Pan’Pan Panda, La machine à influencer : une bande dessinée sur l’histoire des médias et Grandclapier : un roman d’héroïc fantasy de Joann SfarBonnes lectures !

La Grande Guerre vue par Joe Sacco

2014, année de commémoration des 100 ans de l’entrée en conflit de la Première Guerre Mondiale, les auteurs et maisons d’éditions rivalisent de publications pour nous conter une part de leur vérité ou de fiction au travers des nombreux albums. Parmi les bandes dessinées à absolument lire, il y a : La Grande Guerre, le premier jour de la Bataille de la Somme reconstitué heure par heure, le sublime livre-objet créé par Joe Sacco.

Il s’attache en particulier au Général Douglas Haig, «Le boucher de la Somme», commandant des forces britanniques sur le front de l’Ouest et surtout son excès de confiance. Pourtant la stratégie des haut-militaires anglo-saxons est plus que légère et très datée en ce qui concerne un guerre nouvelle et moderne dans sa forme comme dans l’artillerie utilisée. Il commence par aller prier à l’église, puis part charger avec ses hommes à cheval armés uniquement de lances, comme pendant les grandes heures des Indes britanniques. Une attaque vouée à l’échec face aux armes lourdes allemandes. Le lecteur suit, de gauche à droite, les préparatifs, le déplacement des troupes vers le front jusqu’aux morts que l’on enterre directement sur place mais aussi jusqu’aux blessés nombreux que les valides emmènent dans les infirmeries de campagne, vite débordées.

Cette bande dessinée d’un genre particulier est une immense fresque muette de 7 mètres, qui se présente sous la forme d’un livre accordéon à l’italienne. Pour la comprendre, un livret de 32 pages l’accompagne, préfacé par Adam Hochschild et annoté par l’auteur de Goradze et qui explique heure par heure, le déroulement de ce jour si tragique, le 1er juillet 1916.

Joe Sacco a toujours été attiré par le premier conflit mondial et ce depuis l’enfance. Né à Malte, il a grandi en Australie, où les commémorations sur La drôle de guerre sont ancrés dans les esprits des habitants. Tous les 25 avril, ils célèbrent l’anniversaire du débarquement de l’ANZAC (Australian and New Zealand Army Corps, le corps d’armée australien et néo-zélandais qui combattit sur le territoire français). C’est à cette période qu’il prend conscience des pires horreurs perpétrées sur le front et qu’il accumule des ouvrages sur le sujet.

Alors qu’il pense que Jacques Tardi avec le somptueux C’était la guerre des tranchées a tout raconté et a tout traité sur le sujet, il reçoit un appel de Matt Weiland, rédacteur chez W.W. Norton & Compagnie, en 2011, qui lui reparle d’un projet de bande dessinée. Après une réflexion, il décide de créer La grande guerre sur le modèle de Manhattan Unfurled de Matteo Pericoli, un ouvrage représentant New York sous la forme de dépliant en accordéon. Sacco fait le choix de s’inspirer de la Tapisserie de Bayeux, joyaux de l’art médiéval qui raconte l’invasion de l’Angleterre par les Normands, qui s’étant sur 70 mètres. Délibérément, il ignore les perspectives et les proportions réalistes, comme la fresque médiévale, pour rendre son dessin compact.

Très documenté et fidèle aux détails (ambulances tirées par des chevaux, cuisines de campagnes, vêtements…), il a travaillé à partir d’archives photographiques de l’Imperial War Museum de Londres et a bénéficié des conseils de l’historien anglais Julian Putkowski. Son point de vue n’est donc que britannique, parce que ces histoires de guerre lui sont plus familières.

Alors qu’il ne s’intéresse à aucun soldat en particulier, faisant hommage aux soldats inconnus ayant combattu anonymement, il met néanmoins en scène le Général Douglas Haig. Il se contente ainsi de montrer ce qu’il s’est passé ce jour sinistre où 30 000 britanniques meurent lors de la première heure de l’offensive. De la prière du Général aux tombes des soldats, en passant par les cantines, les infirmeries, les tranchées, les tirs d’obus ou les pièces d’artillerie. Pas un mot n’accompagne le dessin, alors que sur le front, les bruits sont nombreux et incessants ; tel un silence assourdissant pour marquer fortement le lecteur de ce conflit sanglant et meurtrier.

Le trait en noir et blanc magistral de Joe Sacco permet une belle lisibilité parce qu’il est plutôt léger malgré les nombreux détails saisissants de cette grande case hors-norme. On y détecterait presque l’odeur de la chaire déchiquetée.

La Grande guerre : une œuvre monumentale, surprenante et très bien documentée, tant par sa forme originale que le fond et le graphisme de Joe Sacco. Si le lecteur ne doit lire qu’un album sur la premier conflit mondial, ce serait celui-ci. Magistral, sublime et somptueux. Case départ vous en recommande vivement la lecture !

  • La Grande Guerre, le premier jour de la Bataille de la Somme, reconstitué heure par heure
  • Auteur : Joe Sacco
  • Editeur: Futuropolis, en co-édition avec Arte Edition
  • Prix: 25€
  • Sortie:  10avril 2014

Choc : genèse du Maître du crime

Choc est le redoutable et insaisissable de Tif et Tondu. Créé en 1955 dans les pages de Spirou par le scénariste Maurice Rosy et le dessinateur Will, il deviendra l’un des maîtres du crime de la bande dessinée franco-belge. Pourtant, le lecteur ne sait pas grand-chose de ce malfrat. D’où vient-il ? Quelle fut son enfance ? Pourquoi a-t-il emprunté les voies du banditisme ? Toutes ces questions trouveront des réponses dans le diptyque signé Stephan Colman et Eric Maltaite, le fils du talentueux dessinateur de la série mère. Dans ce premier tome Les fantômes de Knightgrave, les deux auteurs dévoilent les origines de Choc et lèvent le voile sur le célèbre criminel affublé d’un heaume.

5 février 1955, Château de Knightgrave. Une transaction se déroule sur le perron de la demeure. Un mystérieux homme achète le domaine. Des millions contre ce magnifique château. A l’arrière de sa somptueuse voiture, Choc, le grand criminel, attend la mallette contenant les clefs, devenant ainsi le propriétaire. Pourtant la première chose qu’il fait : une promenade dans l’immense parc. Cette ballade réveille en lui des souvenirs d’enfance : une croix de style celtique ou encore le tombeau d’un chevalier dont l’épée est barrée d’un mystérieux Revanche.

Son entrée dans le château, les pièces, tout lui rappelle des moments de son enfance, y compris son prénom Eden, que personne n’utilise lorsqu’elle de lui. Pourtant, un lourd secret refait surface : la mort de sa mère.

Choc est né à la fin de la Première Guerre Mondiale. Eden, son père, un militaire anglais, s’éprend de sa mère. En attendant la fin du conflit, elle se retrouve seule pour accoucher. De retour du front, l’homme n’est plus le même, traumatisé par ce qu’il a vu et ayant perdu un bras. Il devient alors irascible et frappe souvent la jeune femme.

A la mort d’Eden Senior, la mère et le fils débarquent à Castelfield, près de Londres pour commencer une nouvelle vie, en 1926. Ils arrivent ensuite au manoir de Knightgrave et elle devient une des femmes de chambre de Lord Essex, le propriétaire. Si elle n’a pas le droit de lui parler directement, Eden va se lier d’amitié avec son fils et approcher ainsi le gentilhomme…

Quel auteur autre que Eric Maltaite était plus à même de créer cette série parallèle de Tif et Tondu ? Pour mener à bien cette entreprise, le fils de Will s’est adjoint les services du talentueux Stephan Colman. Adoubés par Maurice Rosy de son vivant, ils ne sont pas effrayés par le projet : connaître enfin le parcours sinueux de Choc, génie du mal et opposant farouche des deux héros (on ne les voit d’ailleurs pas dans l’album). Le scénariste de Billy the cat met en scène une histoire dense, forte et teintée de suspens. Fait de nombreux flash-back entre les différentes époques importantes de la vie du malfrat, le récit dévoile pourtant une enfance heureuse du personnage principal dans le château et ce, jusqu’à la mort de sa mère et son placement dans un orphelinat. Le lecteur découvre au fur et à mesure cette escalade dans la violence en reconstituant les pièces du puzzle. Le dessinateur de 421 livre une belle prestation graphique dans la veine de son père sans dénaturer son propre style. Elégant, son trait, rend parfaitement l’ambiance mi-joyeuse mi-tragique du récit.

Choc : une première partie accrocheuse, un brin mystérieuse, bien écrite et bien dessinée, dont les lecteurs nostalgiques de l’âge d’or de la bande dessinée attendront avec impatience un dénouement final dans le second album. Une vraie réussite !

  • Choc, tome 1 : Le Château de Knightgrave
  • Auteurs : Stephan Colman et Eric Maltaite
  • Editeur: Dupuis
  • Prix: 16,50€
  • Sortie:  25 avril 2014

Accompagner les revenants

Tokyo, dans le futur. Grâce à des avancées scientifiques, les hommes peuvent ramener les morts, à la vie. Mais une seule règle s’impose : pour chaque personne qui revient, une autre doit être sacrifiée. Pour parer à cette grosse difficulté, le pouvoir en place réserve cette possibilité aux victimes de meurtriers. Condamnés à mort, ces personnes permettent de ramener à la vie, l’un de leurs victimes. Pour aider ces returners, le gouvernement a créé les sorcieristes, agents très spéciaux. C’est cette fable futuriste qu’ont voulu raconter le scénariste Issei Eifuku et le dessinateur Kojino dans la nouvelle série-manga Evil eater, publiée en France par Ki-oon. Dans ce volume est contée 6 affaires, dont :

Tokyo, an 23 de l’ère Shûbun, Institut de Sorcerisme. Kento Nagumo est un agent sorceriste très réputé. Le directeur de l’Institut lui enjoint une nouvelle partenaire Yôko Amagi, fraîchement diplômée pour apprendre les ficelles du métier.

En l’an 1 de cette ère fut promulguée une loi d’échange compensatoire à la vie : « une vie pour une vie ». Pour sa première mission, la jeune femme doit travailler sur le dossier Yôichi Katô, tueur de jeunes filles et accueillir le nouveau returner (nouveau revenant, ressuscité). Alors que les deux agents attendent le retour à la vie de la première victime, une ado de 12 ans, un problème se produit : c’est le père de Katô qui apparaît par la porte du générateur. En effet, ce dernier est le véritable premier meurtre de l’assassin. Non seulement c’est un problème dans le processus mais en plus ils devront expliquer à la famille de la première victime pourquoi celle-ci n’est pas revenue.

A l’hôpital, Nagumo entre dans le monde intérieur du père pour détecter son « bug » : une anomalie psychologique qui exacerbe les sentiments négatifs du patient ; mais ne parvient pas à en cerner les contours. L’institut possède aussi une résidence qui accueille les returners en phase de réinsertion. C’est là que la jeune Amagi commence réellement son apprentissage : détecter le bug et essayer de le combattre.

Evil eater est un excellent thriller d’anticipation. Le récit science-fiction solide et dense de Issei Eifuku est dans l’air du temps. Comme pour de nombreux mangas (Scumbag loser, Assassination classroom, Reversal ou Gewalt), les japonais sont friands d’histoires avec des revenants, des zombies ou des personnages torturés psychologiquement et qui passent du côté obscur de la force. Pourtant, cette série est différente. Pour mener à bien cette histoire, le scénariste mise sur un tandem improbable : un agent, homme expérimenté et une agent, jeune femme juste diplômée et très soucieuse de réussir. L’antinomie permet aussi d’apporter un brin de fraîcheur et une dose d’humour afin d’aménager des sas de décompression dans ce récit sombre et parfois angoissant. Le manga est un recueil de 6 mini-récits qui mettent en scène des affaires à résoudre. De plus, il y a une belle valeur véhiculée dans cette histoire : un meurtrier sacrifié à mort pour faire revenir une victime. Le trait de Kojino sert parfaitement les histoires de Issei Eifuku grâce à une belle qualité graphique.

Evil eater : belle série manga, prévue en 3 tomes, alliant le suspens, une grande dose d’action et fantastique. A lire.

  • Evil eater
  • Auteurs : Issei Eifuku et Kojino
  • Editeur: Ki oon
  • Prix: 7,65€
  • Sortie:  10 avril 2014
http://www.dailymotion.com/video/x1lg13v

En suivant le papillon…

Passe-passe est un très joli album pour les primo-lecteurs, scénarisé par Delphine Cuveele et mis en images par Dawid. Cette bande dessinée muette poétique met en scène une petite fille et une grand-mère parties vivre de belles aventures dans un quotidien presque magique.

Au détour d’une belle et merveilleuse campagne, un drôle de petit papillon transparent survole les champs et les prés puis vient se poser sur la tête d’une grand-mère. Assise sur le banc devant la maison, elle regarde la nature la bercer. A ses côtés, sa petite-fille.

A peine le papillon sur sa tête, la vieille dame semble revivre. D’humeur guillerette et comme par magie, elle monte sans effort les escaliers de sa maison et se rend dans la salle de bain. Au programme : lavage et séchage de cheveux dans une joyeuse ambiance.

Après cette partie folle, les deux personnages enfourchent leur bicyclette pour rejoindre le village puis faire les folles sur les routes de campagne. Mais mamie chute, éprouve des difficultés pour se relever, et pourtant une folie-douce la gagne. Après avoir ramassé des champignons, elles rejoignent la maison, préparent une recette avec la cueillette et finissent la journée en dansant sur du twist.

Passe-passe est une sublime album de bande dessinée. Teintée d’une belle nostalgie, le récit poétique de Delphine Cuveele met merveilleusement en lumière, les relations intergénérationnelles. Cette gaieté communicative transpire agréablement tout au long de l’histoire. Le papillon, qui survole la grand-mère au fil des pages, symbolise le temps qui passe. Si la vieille dame décline tout au long de l’histoire (ses traits s’estompent), le lépidoptère récupère ses forces perdues, prenant lui, de la couleur. Est-ce un rêve ou une envie de se souvenir pour la petite fille ?

Les belles valeurs véhiculées dans l’album (solidarité, amour de son prochain, joie de vivre, profiter de ces petits riens de la vie…) donnent une belle lumière à l’ensemble et que les lecteurs pourront reprendre à leur compte. Comme dans Anuki ou La petite famille, la scénariste fait preuve de maturité et d’un grand sens de l’onirisme. Le graphisme tout en rondeur de Dawid est à la fois simple mais fourmille de détails. Les scènes extérieures dans la nature sont très belles, regorgeant d’animaux et de plantes en tout genre. Les planches de 3 à 5 cases facilitent la lecture de cette bande dessinée muette. Les couleurs vives réhaussent agréablement les pages.

Passe-passe : une très jolie bande dessinée muette pour les jeunes lecteurs qui parle d’une rencontre poétique entre une grand-mère et un fillette taquine. Sur la mort qui fait partie intégrante de la vie.

  • Passe- passe
  • Auteurs : Delphine Cuveele et Dawid
  • Editeur: La gouttière
  • Prix: 9,70€
  • Sortie:  24 avril 2014

Kontest : jeux olympiques des espions

Dissidents est le premier tome de la nouvelle série de Jean-David Morvan, Spygames, dessinée par Jung-Gi Kim ; mettant en scène le Kontest, sorte de Jeux Olympiques des barbouzes. Au menu : snipers, tueurs à gage, sang, armes à feu et morts à toutes les pages.

Depuis plus d’un siècle et ce tous les quatre ans, se déroule le Kontest, une épreuve où concourt de nombreux pays dans le plus grand secret. Un société mystérieuse est chargé de récolter des données ultra-confidentielles des pays participants. Ces données secrètes sont évaluées selon une échelle ; seules celles qui ont un niveau 6 ou plus sont prises en compte. Après avoir été recueillies, des agents très spéciaux des pays non éliminés s’affrontent dans des combats sanglants dans un lieu choisi mais tenu au secret jusqu’au dernier moment par l’organisateur. Pour ce trente-troisième concours d’un genre particulier, l’on retrouve : la Corée du Nord, Israël, l’Inde, le Venezuela, la Russie, la Chine, la France et les USA.

Parmi les concurrents, il y a Keehan, né en 1954, qui a combattu pendant toutes les guerres livrées par les Etats-Unis (du Vietnam à la Yougoslavie en passant par l’Iran ou l’Angola). Avant de s’engager dans le concours, lui et sa garde rapprochée tuent la bande de Zowitz, un de ses adversaires.

Hong Kong, deux semaines plus tard. Le commissaire chinois Ka Lei Ng reçoit un appel de ses voisins concernant des coups de feux entendus dans les étages supérieurs de son immeuble. Rompu aux arts martiaux, il décide d’intervenir. Pourtant sur place, il découvre un cadavre complètement défiguré et des hommes cagoulés qui terminent leur travail de tueurs. Quelques minutes plus tard, l’appartement est réduit en cendres, éliminant toutes les preuves. Il n’a pas conscience qu’il est entraîné dans un combat sans merci : le Kontest. Comment va-t-il pouvoir se comporter face à ses professionnels ? Surtout que les règles ont changé : un équipe de barbouzes internationale ne travaillant pour personne, a décidé d’éliminer l’équipe américaine dès les qualifications.

Pour ce premier tome de cette nouvelle série, Jean-David Morvan semble s’être fait un petit cadeau agréable : livrer un album d’action et de baston dignes des grands réalisateurs de films américains et s’adjoindre un auteur coréen de valeur. Si le scénario n’est pas des plus brillant et plutôt léger pour l’instant, les amateurs de suspens, de combats et de secrets géopolitiques vont être ravis. Il faut attendre la deuxième partie de l’album pour comprendre de quoi il en retourne, à savoir une compétition sanglante entre des états. Plongé dès les premières pages dans la violence, le lecteur sera un peu perdu par Keehan et sa troupe. Dialogues a minima pour laisser place à l’action, le découpage est dynamique, vif et ne laisse aucun temps-mort au lecteur. Le séquençage comme un film de haut-vol permet de happer le lecteur. Mais le véritable point fort de l’histoire est le graphisme de Jung-Gi Kim. En effet, si le récit est léger, le dessin est fantastique. Inconnu du public européen, le sud-coréen livre une partition très forte et très remarquée. Il réussit à donner beaucoup de mouvements à ses personnages et les scènes de combat sont spectaculaires. Les planches fourmillent de détails et notamment la page 18 montrant Hong-Kong de nuit, qui est sublime. Impressionnant dans ses dessins, il colorise lui même l’album en couleurs directes très efficaces. (voir la vidéo ci-dessous où Kim dessine)

 Spygames : une série d’actions intéressante au graphisme impressionnant. Kim est un auteur à suivre. Nous attendrons néanmoins le deuxième tome pour nous faire un meilleur avis et voir si le récit se muscle un peu plus.

  • Spygames, tome 1 : Dissidents
  • Auteurs : Jean-David Morvan et Jung-Gi Kim
  • Editeur: Glénat
  • Prix: 13,90€
  • Sortie:  23 avril 2014

Qui est Deadshot ?

La cible de Deadshot est un recueil de mini-récits mettant en scène l’un des adversaires les plus redoutables de Batman. Apparu en juin 1950, puis refaisant surface en 1977, il faudra attendre 1988 pour que le malfrat prenne de l’épaisseur sous la houlette de John Ostrander et de sa femme Kim Yale. Pour mettre en images leur projet, il font appel à Luke Mc Donnell. Ce sont ces histoires que les éditions Urban Comics ont réuni dans l’ album très réussi La cible de Deadshot.

Floyd Lawton, adolescent plutôt oisif de Gotham City, met son talent pour le armes à feu au service de la pègre de la cité. Voulant prouver qu’il était meilleur que Batman, il enfilera un costume trois pièces, un masque et un double holster sur les avant-bras (sorte de rayon laser) et deviendra ainsi Deadshot.

- Chapitre 1 : Ne mourir qu’une fois. Suzie, l’ex-femme de Floyd Lawton se rend à son appartement pour lui parler d’un sujet extrêmement important. Alors qu’il ne réside plus souvent à cette adresse, elle remet un courrier au propriétaire afin que celui-ci lui remette. Dans la lettre, elle explique que leur fils a été kidnappé.

De son côté, Marnie Herrs, la psychiatre en charge de Lawton, essaie de recoller les morceaux du puzzle et comprendre comment cet homme s’est transformé en un puissant meurtrier Deadshot. Pourtant, elle est désarçonnée par l’homme. Lors de l’un de leurs entretiens, il l’embrassera. Le docteur Lagrieve, son supérieur, lui demande d’arrêter ses recherches.

Enfant issu d’une bonne famille, le père fait fortune dans l’immobilier tandis que la mère est fille de banquier. Après un braquage durant un bal de charité, Floyd perçoit l’événement comme important, cela l’influence et devient criminel.

En prison, l’homme est approché par un sbire de El Jefe, qui lui propose une nouvelle mission. A la sortie de son incarcération et après avoir enfilé son costume, il se rend dans un entrepôt de la ville. Les présentations musclées passées, il embarque dans un avion et croise enfin l’homme puissant. Ni une ni deux, à l’aide de son holster, il liquide tous les passagers y compris le gros bonnet.

- Chapitre 2 : La souffrance d’un enfant. Floyd est de retour chez Suzie. Après des explications de son ex-femme, il décide d’aller récupérer son fils, mais à sa manière. Le jeune garçon est enfermé dans une vieille bâtisse, surveillé par Danny et son frère Wes, un peu trop attiré par les jeunes garçons.

De son côté, Marnie continue son enquête, passant outre les recommandations de ses supérieurs. Elle a réussi à décroché un entretien avec le père de Lawton. Le vieil homme, handicapé et en fauteuil roulant, l’éconduit fermement et la fait raccompagné par Joe, le shérif de la ville. Il faut dire que le richissime homme a construit la cité à coup de millions de dollars ; il est donc respecté et on écoute ses demandes. Joe, lui propose de lui raconter la vie de la famille autour d’un café : en fait, Floyd avait un frère plus âgé, Ed, agréable, passionné de sports et attirant les plus belles filles ; tout son contraire. Tué par un homme inconnu (Floyd lui-même?)

Pour récupérer son fils, Deadshot doit terminer une affaire vieille de plus de 20 ans. Pour cela, il se rend chez Schale, un gros bonnet de la cité. Pour bien marqué le coup et faire comprendre à l’homme sa détermination, il lui désintègre les deux mains à l’aide de ses deux lasers. Apprenant la descente musclée, Wes et Danny quittent leur squat et demande à Pantha, un tireur d’élite, de supprimer Floyd.

- Chapitre 3 : Victimes. La psychiatre rend visite à Geneviève, la mère de Lawton, qui habite à la sortie de la ville, dans une maison isolée. Mais la vieille femme lui claque la porte au nez. Pourtant Marnie n’a pas abdiqué.

De son côté, Deadshot est arrivé sur les nouveaux lieux de détention de son fils. Accueilli par Pantha, il se bat comme un diable et finit par avoir sa peau. Dans l’affolement général des combats, Wes embarque le fils dans sa voiture et file. Mais dans l’appartement abandonné, le fils est décédé et Floyd arrive trop tard. Sa haine grandissante, il promet de le venger en tuant tous les acteurs de l’enlèvement.

- Chapitre 4 : A cheval sur une tombe. Marnie s’introduit en pleine nuit chez Mme Lawton pour trouver des indices. Elle pense en effet qu’elle a payé un tueur pour éliminer son mari (qui s’en sortira vivant mais touché à la colonne vertébrale). Surprise par la propriétaire, elle bluffe pour apprendre la vérité. Autour d’une tasse de thé, elle passe à table : sa haine envers son mari était tellement forte et celle de Floyd pour Ed aussi, ce fut très simple pour qu’elle demande à son cadet d’abattre le père. Mais Ed ayant entendu les coups de feu, essaie de s’interposer et son frère le tue accidentellement.

L’assistant de Schale le fait sortir de la clinique de force et le pousse dans sa voiture. Sur le chemin, Deadshot les abat tous les deux.

Après la tuerie, il part chez sa mère. Là il y retrouve les deux femmes. Pourtant Geneviève n’a pas dit exactement la vérité…

Si Deadshot est un des meilleurs ennemis de Batman, il n’en reste pas moins une véritable énigme. Dérangé psychologiquement, tantôt tueur au sang-froid, tantôt très humain avec son fils et son ex-femme, faisant presque de lui, un héros. Sa quête pour le retrouver, montre à quel point, il est très humain. Le récit de Kim Yale et John Ostrander alterne les scènes d’action pour retrouver les auteurs du kidnapping mais aussi les scènes du passé à travers les recherches de la psychiatre Marnie, très attirée par le malfrat. Les histoires s’interconnectant habilement et permettent de solidifier une belle narration. Si la partie récit est très efficace, la partie graphique est son pendant, tant elle est aussi très aboutie. Le trait années 80 de Luke Mc Donnell n’est pas si daté que cela et a bien résisté à l’épreuve du temps. Découpage dynamique et grands aplats de couleurs renforcent le côté sombre du récit.

La cible de Deadshot : un album sur la genèse d’un vrai ennemi de Batman, entre humanité et démonisme. Un vrai réussite.

  • La cible de Deadshot
  • Auteurs : John Ostrander, Kim Yale et Luke Mc Donnell
  • Editeur: Urban Comics
  • Prix: 15€
  • Sortie:  04 avril 2014

A la recherche du collier maudit

Le Collier d’Harmonie est le premier tome d’Alcyon, la nouvelle série d’aventure mythologique créée par Richard Marazano et Christophe Ferreira. Deux jeunes ados, à l’époque de la Grèce Antique, partent chercher le collier d’Harmonie pour calmer la colère des dieux qui plane sur leur cité.

Sycione, cité de la Grèce Classique, à l’époque des Tyrans et des mythes. Alcyon, jeune garçon espiègle, joue avec ses deux amis et se rêve en Odysseus affrontant le cyclope Polyphème. Du haut des remparts de la ville, Phoebe le scrute. Puis tous deux, amis proches depuis leur enfance, observent en cachette l’un des conseils concernant la main mise de Orthagoras sur la cité. Ces citoyens vigilants essaient de s’opposer à ce futur tyran qui a décidé de s’allier à Cypselos, homme-fort de Sparte. Dans cette réunion, on retrouve Kleon, père d’Alcyon et Tobias, père de Phoebe, qui passent leur temps à se chamailler et à se battre.

Huit années plus tard. Les deux enfants ont bien grandis mais les deux adolescents continuent toujours d’espionner les conseils secrets. Ce soir-là, les deux pères expliquent à l’auditoire qu’ils ont été désignés responsables d’une offense faite aux dieux. Pour la réparer, Orthagoras a demandé à la Pythie de Delphes quel présent pourrait apaiser la colère divine : le collier d’Harmonie, relique qui serait responsable de leur malheur. L’objet empoisonné serait à l’origine de la chute des premiers rois de Thèbes et des personnages célèbres auraient connus des destins funèbres à son contact tel Oedipe, Antigone ou Alcméon.

Pour sauver leur cité, Phoebe et Alcyon se mettent en quête du fameux collier et partent alors sur les routes grecques. Pensant que ce périple ne durerait pas longtemps, ils n’apportent que quelques vivre en poche. Orthagoras apprend d’un émissaire le projet des deux enfants. Ne souhaitant pas leur réussite, il missionne Aristion de les retrouver morts ou vifs contre une forte somme d’argent.

De le même temps, Tobias et Kleon sont arrêtés par les hommes du tyran et jetés en prison. Ne voulant se résoudre à laisser seuls leurs enfants en quête du collier et après avoir été délivrés par leurs amis, ils se mettent en route à la recherche des deux adolescents…

Teintée de fantastique et de mythologies, le récit de Richard Marazano est un premier album d’une très grande qualité. Il livre une histoire de grande aventure populaire et tout public. Les deux jeunes héros sont bien campés, espiègles et n’obéissant pas aux règles ; ils se rapprocheront au fil des pages. Ils se verront opposer un méchant à leurs trousses ou encore les trois Harpies. En plus de l’action qui augmente progressivement, l’album est aussi savoureux grâce à l’humour apporté par les deux pères. Ce beau voyage mouvementé et à suspens est construit comme une course-poursuite pour retrouver les adolescents. Prévue en triptyque, cette saga épique est mise en valeur par un traitement graphique d’une excellente qualité. Christophe Ferreira, qui avait déjà travaillé avec le scénariste sur la série Le monde de Milo, réussit parfaitement son pari. Le trait semi-réaliste du dessinateur, qui vit actuellement à Tokyo, est proche des animes japonais. Lui-même ayant travaillé dans des studios de dessins animés et cela se ressent. Ses influences sont très visibles (Miyazaki ou encore Les mystérieuses cités d’or) et très agréables à l’œil.

Alcyon : un premier tome captivant d’une belle saga d’aventures pour adolescents. Mythologie, humour et actions au programme !

  • Alcyon, tome 1 : Le collier d’Harmonie
  • Auteurs : Richard Marazano et Christophe Ferreira
  • Editeur: Dargaud
  • Prix: 13,99€
  • Sortie:  11 avril 2014

Lose : la folie de Michael DeForge

Michael DeForge est un artiste américain ingénieux et talentueux. Travaillant sur la série animé Adventure Time et pour un grand nombre de fanzines, il trouve le temps de créer un superbe comics Lose. Le recueil, publié actuellement aux éditions Atrabile, regroupe les meilleurs histoires des 5 numéros parus aux Etats-Unis, sauf celles du premier opus que l’auteur n’apprécie plus car elles possèdent trop d’erreurs de jeunesse. A la fois dérangeantes, amusantes ou parfois interpellantes intellectuellement, les histoires sont épatantes. Parmi elles, les lecteurs pourront observer :

- C’est chip. Reggie et son petit frère Chip se baladent en forêt. Alors que l’aîné fait de grosses remontrances au benjamin, ils tombent sur le cadavre en putréfaction d’un cheval. Des araignées se régalant avec la chaire à l’air libre. Pour s’amuser, le petit garçon enfile la tête de l’équidé sur sa propre tête. Reggie trouvant cela sale, crache sur l’une des arachnides. En retour, celle-ci lui crache aussi à la figure. Enervé, il part en laissant son frère. Accompagné par un araignée enfilant la tête de cheval, il rejoint sa maison.

Le lendemain, à l’école, l’aîné voit son visage se transformer petit à petit et laisser une plaque de boutons sur sa tête. Pendant ce temps, le plus petit se fait embêter par des plus grands et l’araignée l’aide en soufflant dans sur les agresseurs.

- Chien 2070. Dans une ville futuriste, des chiens se comportent comme des humains. Stephen ramènent ses deux enfants chez son ex-femme Linda. Elle lui reproche de toujours envoyer des cartes postales à ses parents. Le soir chez lui, il se morfond et n’arrive pas à travailler parce qu’il pense toujours à son ex et son nouvel ami Richard. Même à son bureau, il ressasse à ses collègues son chagrin. Pourtant peu d’entre-eux n’y prête attention…

- Une connaissance. Alors qu’il vient de rompre avec sa première petite amie, un jeune garçon rencontre Wendy, une belle jeune brune, qui est aussi une camarade de classe. Pour l’impressionner, il décide de l’emmener au Grand Room, un club sexuel. S’il n’a jamais mis les pieds dans cet établissement, la jeune fille, elle, y va souvent, utilisant les objets BDSM ou même des costumes. Pendant une belle partie, il ingère un biscuit entouré de clous en massepain. A peine mangé, il se sent mal et le lendemain, un clou en acier sort de la peau de son avant-bras…

Les 16 récits de Michael DeForge sont dérangeants et peuvent mettre mal à l’aise, pourtant ils sont originaux et intéressants. Il met en scène ses propres obsessions (le corps et ses fonctions) et note même que les histoires sont issues de ses souffrances et de sa tentative de suicide. L’auteur canadien, très prolifique dans son pays, met en exergue des thématiques universelles : l’amour, les sexe, les relations humaines ou la violence du quotidien. Il dénonce ainsi les dérives de notre société. Bien plus attrayant que l’on ne pourrait croire, on se laisse facilement entraîner dans ses histoires plus ou moins longues, croisant des personnages parfois humains, parfois psychédéliques, parfois monstrueux. Le trait stylisé fanzine underground américain marque lui aussi un ironie et un humour piquants.

  • Lose
  • Auteur : Michael DeForge
  • Editeur: Atrabile
  • Prix: 19,50€
  • Sortie:  24 avril 2014

Au fil des saisons

Les éditions Nobi Nobi ! publient le deuxième volume de la belle série jeunesse Pan’Pan Panda dont Case Départ vous avez présenté le premier tome. Edité en 2008 au Japon par Fox Publishing, il est signé Sato Horokura. Prévue en huit tomes, les jeunes lecteurs retrouvent avec affection, Panettone dit Pan’Pan, le gentil gardien de la résidence Kanda qui habite avec Praline, la petite fille débrouillarde. Dans ce deuxième opus, les deux héros vivent leurs aventures au fil des saisons de l’année, de la Saint-Valentin à la Fête Hanami en passant par le jour de l’an ou la plantation des pastèques en été. Parmi ces récits, il y a :

- La fête du Nouvel An : Pan’Pan et Praline se rendent au temple pour se recueillir. Après leur première offrande de l’année, ils formulent un vœu. La petite fille décide de le garder secret, puis elle fait la liste des ingrédients possibles pour le dîner. Finalement, ils prépareront un assortiment de mochi (pâte de riz gluant). Au supermarché, ils achètent des billets de loterie, gagnent un jeu de société et un colis alimentaire.

- Rose et Rika : Les deux amies de Praline, Rose et Rika ne s’entendent pas et ne veulent pas jouer ensemble. Romarin, lui, ne veut pas prendre partie tout comme la petite fille qui avait émis le vœu d’une réconciliation entre elles. Si Praline pense que cela n’a pas fonctionné, elle découvre que les deux fillettes s’entendent de nouveau mais partiellement. En effet, elles ont toutes deux un caractère de cochon.

- La Saint-Valentin de Rose : Panettone est triste et s’ennuie ; tous les jours Praline se rend chez Rose. Le cinquième jour, c’est la petite fille qui vient à la résidence Kanda. Toutes les deux ont préparé des cadeaux en secret pour Pan’Pan. C’est la Saint-Valentin, tout le monde s’échange des présents même si l’on n’est pas amoureux.

- Un cadeau pour le White Day : Célébré le 14 mars, soit un mois après la fête des amoureux, le Jour Blanc est l’occasion pour les garçons d’offrir aux filles, un cadeau en remerciements des chocolats reçus, il y a un mois. Romarin, le grand frère de Rose, l’interroge sur ce que Praline aime. Elle affectionne le Capitaine White, un personnage télé. Le garçon achète des marshmallows à l’effigie du héros.

Découpé en 11 mini-récits d’une dizaine de pages, le deuxième volume de Pan’Pan Panda est toujours d’une excellent qualité. Parfait pour les très jeunes lecteurs, ce manga familial s’appuie sur des histoires extrêmement bien écrites. Pour cet opus, la mangaka Sato Horokura, s’est attachée à égrainer le temps qui passe en calquant ses récits sur des fêtes populaires au Japon. L’on découvre alors que la Saint-Valentin a une autre signification au pays du Soleil Levant et que son pendant Le White Day est une originalité japonaise. Le trait tout en rondeur de l’auteure colle admirablement au cœur de cible. A noter qu’un lexique sur les coutumes nipponnes présentes dans le manga est adossé à l’album, ainsi que des jeux ou des croquis préparatoires.

  • Pan’Pan Panda, une vie en douceur, volume 2/8
  • Auteur : Sato Horokura
  • Editeur: Nobi Nobi !
  • Prix: 9,45€
  • Sortie:  10 avril 2014

Les médias sous toutes les coutures

La machine à influencer est la première bande dessinée sur les médias allant de l’information sous l’Empire Romain jusqu’aux errements des journalistes américains lors de la Guerre d’Irak. Dans cet album, la journaliste Brooke Gladstone retrace l’évolution des médias d’information et les pratiques journalistiques de manière chronologique. Pour la partie graphique, elle a fait appel à Josh Neufeld.

Par le biais de Brooke Gladstone, se représentant dans toutes les situations historiques, l’album égraine l’histoire des médias : après les explications sur sa vocation journalistique, elle nous emmène dans le Guatemala pré-colombien où les scribes étaient vénérés, jouissaient d’une grande prospérité. Dans les premières sociétés où l’écriture se développait et où elle servait d’axe central dans les pouvoirs décisionnels, le métier de transcripteur devient lui aussi, une profession aisée.

Avec l’apparition de l’imprimerie, les savoirs se développent et se transmettent. Ils ne sont plus réservés à une élite et les journaux hebdomadaires ainsi que les rares quotidiens permettent aux citadins de se tenir informés. Pourtant en Angleterre, ces écrits sont bannis pendant 6 ans et le Parlement décide qu’ils devront avoir une autorisation préalable pour pouvoir être imprimés.

Aux Etats-Unis, l’imprimeur John Peter Zenger est accusé de diffamation après une critique du gouverneur du roi, publiée dans son journal. Pourtant, il ne sera pas emprisonné, la vérité de ses propos l’aideront dans sa défense et fera jurisprudence.

Après la Guerre d’Indépendance, le gouvernement soutient les nombreuses publications en finançant leur diffusion et suscite la vigilance des citoyens. En 1798, le président John Adams publie un décret qui met en garde quiconque écrira ou exprimera des propos calomnieux à l’encontre du gouvernement, du Congrès ou du Président. En 1799, Thomas Jefferson met fin à ce décret et garantit la liberté de la presse même s’il déplore son état lamentable.

En 1938, Martin Dies est censé traquer la propagande nazie mais il part surtout en chasse aux communistes dont 483 journaux et après guerre, John Mac Carthy surfe sur la menace rouge pour mener une chasse aux sorcières y compris dans les médias. Mais en 6 semaines, les journalistes de ABC enquêtent sur le sénateur qui est quasi éjecté.

En 1971, Richard Nixon commence à être inquiété par deux journalistes Bernstein et Woodward dans un scandale sur l’implication des USA au Vietnam. Pendant 23 ans, secrets et mensonges sont au cœur du pouvoir. Après le Watergate, les médias exercent un contre-pouvoir important (4e pouvoir) empêchant les futurs abus de nouvelles lois.

Brooke Gladstone, journaliste pour la radio publique américaine NPR et spécialiste dans l’étude des médias, livre un album chronologique sérieux, bien documenté. Teinté d’un brin d’humour charmant, l’essentiel de l’album est centré sur l’histoire des médias américains et anglo-saxons, ce qui est légèrement excluant pour nous, européens. La principale réussite de La machine à influencer est que la journaliste ne donne en aucun cas de leçon, ne brocarde ni les médias ni les politiques mais veut rendre les lecteurs de ces médium plus libres, plus autonomes et critiques, ainsi être les véritables acteurs des informations qu’ils reçoivent. Elle souligne que les médias ne sont pas derrière les puissants pour tirer les ficelles, comme une sorte de grande secte. L’indépendance de la presse est liée avant tout à ses lecteurs assidus. Le trait en bichromie de Josh Neufeld est efficace et très lisible et l’on sait qu’il n’est pas aisé de mettre en images ce style de récit.

  • La machine à influencer
  • Auteurs : Brooke Gladstone et Josh Neufeld
  • Editeur: çà et là
  • Prix: 22€
  • Sortie:  24 avril 2014

Et pour quelques pages de plus…

Pour compléter notre sélection de la semaine, Case Départ vous conseille aussi les albums suivants :

Grandclapier

Après un premier roman pour adultes, L’éternel (Albin Michel, 2023), l’auteur touche-à-tout Joann Sfar, revient avec Grandclapier, édité par Gallimard. Ce livre pour adolescent est basé sur l’une de ses productions : la série L’ancien temps (Gallimard, novembre 2009). Le récit est agrémenté d’une trentaine de dessins en noir et blanc. Chacun des quatre volumes de cette série de romans sera fondé sur un des quatre personnages principaux de la bande dessinée. Dans ce premier tome, le lecteur découvrira Grandclapier, amoureux de la reine Mathilde que veut épouser l’effroyable Balafré. Pour choisir son prétendant, elle leur propose un défi : lui rapporter un licorne.

Au pays de Nissa, les armées du pape, menées par le Balafré, sèment la terreur pour imposer le culte du dieu unique. La reine Mathilde, pour sauver son peuple, doit épouser le Balafré. Mais le guerrier a un rival de poids : l’ogre Grandclapier, éperdument amoureux de la reine depuis l’enfance. Pour les départager, celle-ci leur impose une mission impossible : lui rapporter une licorne, créature disparue depuis longtemps. Commence alors pour le brave ogre une quête trépidante, au cours de laquelle il rencontrera une étrange femme renard, un savant chosologue, un géant paresseux et un sourcier polythéiste en guerre ouverte avec le pape…

Sfar est toujours aussi à l’aise avec son domaine de prédilection : l’héroïc-fantasy. Cette épopée est basée sur l’humour et des personnages hors-norme. L’auteur de Donjon apporte sa petite critique de notre société contemporaine à travers cet univers singulier, ainsi que les religions monothéistes qui régentent la vie des hommes. Hommage à Rabelais (les personnages sont parfois à la limite de la vulgarité) mais aussi au Petit Prince de Saint-Exupéry, les situations cocasses alternent avec des scènes d’action. En ce qui concerne le style écrit, on peut dire que l’on préfère Sfar dans ses dialogues ou la narration de ses bandes dessinées que dans ce roman. En effet, il s’égare parfois dans des phrases très (trop ?) simplistes. On le préférera dans ses sublimes illustrations du roman de Romain Gary, La promesse de l’aube.

  • Grandclapier, un roman de l’Ancien temps
  • Auteur : Joann Sfar
  • Editeur: Gallimard
  • Prix: 15,50€
  • Sortie:  27 février 2014