Luc Brunschwig, David Nouhaud et Laurent Hirn – Car l’enfer est ici, 3 Témoignages (Tome 2)

Par Yvantilleuil

« Car l’enfer est ici » est le deuxième cycle du cultissime polar « Le Pouvoir des innocents ». Après un excellent premier tome qui se déroulait seulement six mois après l’attentat qui coûta la vie aux 508 partisans de la démocrate Jessica Ruppert, dont le célèbre boxeur Steven Providence, ce second volet retrace la journée du 4 septembre 1999.

En décidant de se rendre aux autorités afin de prouver son innocence, Joshua Logan a transformé cette saga en un combat beaucoup plus juridique, parsemé de manipulations politiques. Le principal suspect de cette terrible tragédie qui a endeuillé l’élection municipale de New York aura cependant beaucoup de mal à faire éclater la vérité car les responsables du complot font tout pour effacer les éventuelles pistes, tandis que son avocat est passé à tabac pour avoir pris la défense de l’ennemi public numéro un.

Le talent narratif de Luc Brunschwig n’est plus une chose à démontrer, mais une certitude qu’il faut savourer au fil des tomes. Passant habillement d’un personnage à l’autre, il distille une nouvelle fois les informations au compte-goutte, tenant le lecteur en haleine avec un brio que peu de scénaristes parviennent à égaler. Utilisant l’innocence de Joshua comme fil rouge, il mène plusieurs intrigues en parallèle et propose, comme le titre de cet album laissait présager, trois témoignages capitaux : celui d’Angela Twist l’infirmière qui a suivi Logan au centre psychiatrique, celui des travailleurs immigrés qui détiennent des informations concernant le meurtre de Carole Ann Stone en fin de tome précédent et celui de Joshua en personne.

Comme d’habitude, Luc Brunschwig s’appuie sur des personnages hauts en couleurs, dont il soigne la psychologie au fil des cases. De Cyrus Chappelle, l’avocat gay en noir de Joshua, à Domenico, l’homme de main de la mafia, en passant par Lucy, dont je suis immédiatement devenu fan, il parvient à faire émerger des personnages aussi intéressants qu’attachants. Mais la grande force de ce tome est que l’auteur n’oublie pas son personnage principal, dont il dévoile intelligemment quelques zones d’ombre du passé. En revenant sur son évasion du centre médical en compagnie d’Amy et en dévoilant les raisons de son engagement au Viêt-Nam, il crée un lien encore plus fort avec la série d’origine. Bien vu !

Et Luc ne serait pas Luc s’il ne profitait pas de ce nouveau cycle pour s’attarder sur le contexte sociétal. En dressant un portrait peu reluisant de la société américaine et en décrivant avec justesse les rouages politiques, il livre un thriller politico-social prenant qui pointe du doigt les dérives de ce pays qui exploite la main d’œuvre étrangère et qui laisse croupir des innocents en prison alors que les plus grands malfrats se promènent aux bras des politiciens.

Visuellement, épaulé par Laurent Hirn au story-board, David Nouhaud ("Maxime Murène") livre une nouvelle fois de l’excellent boulot. Notons finalement que les auteurs ont finalement reçu l’autorisation des Editions Delcourt (l’éditeur du premier cycle) pour reprendre le nom original de la série et qu’ils en ont profité pour proposer une nouvelle maquette pourvue d’une couverture splendide. Nul doute que cela alimentera quelques discussions concernant le format, les tranches et autres aspects visuels qui n’ont d’importance qu’une fois l’album rangé sur une étagère, mais faut-il s’attarder sur ces détails qui n’auront peut-être plus aucune raison d’être dans une ère de plus en plus numérique qui tente progressivement de supprimer les versions papier ? Bref, il faut arrêter de nous soûler avec le flacon… car du moment qu’on a l’ivresse… hips…

Retrouvez cet album dans mon Top du mois et dans mon Top de l’année !

Lisez également Les Enfants de Jessica !

Ils en parlent également : Yaneck

Allez découvrir les autres BDs du mercredi sur le blog de Mango !