Interview I Chloé Robichaud, la réalisatrice de Sarah préfère la course

Par Generationnelles @generationnelle

Sarah préfère la course raconte l’histoire d’une jeune athlète. Son rêve de course semble se concrétiser quand on lui propose d’intégrer le meilleur club d’athlétisme du Québec à Montréal. Mais le problème financier se pose. La jeune fille fait alors le choix d’épouser son ami Antoine afin de toucher des bourses. Rien ne se passe comme prévu pour cette étudiante, qui malgré les embuches conserve son objectif : la course. Générationnelles a rencontré la réalisatrice du film, Chloé Robichaud.

 À tout juste 25 ans, cette réalisatrice québécoise a démarré sa carrière en fanfare. En 2010, son film Chef de meute, est nominé pour la Palme d’or du court métrage à Cannes. Son premier long métrage, Sarah préfère la course, fait partie cette année de la sélection officielle dans la catégorie Un certain regard. Un parcours sans faute pour cette jeune diplômée en cinéma, qui doit son goût des images à son père qui travaillait dans le monde de la publicité. Elle dit aimer le cinéma dans sa totalité et n’affectionne pas un genre en particulier. Si elle ne fait que commencer,  on peut noter dans son travail un goût pour les plans posés et épurés.


C’est votre premier long métrage. Quelle était l’ambiance sur le plateau ? Était-elle différente par rapport à Chef de meute ?

Je ne dirais pas que l’ambiance était différente. Certaines personnes qui ont travaillé sur Chef de meute étaient sur le plateau. Il y avait une ambiance familiale. Je collabore avec les gens avec qui j’ai fait mes études. Par exemple, je connais ma directrice photo depuis que j’ai 17 ans.

Mais il y avait une nervosité dans les premiers jours qui a bien servi le film. C’était un bon processus, un bel apprentissage.

Vous aimez travailler avec les même personnes ?

Oui je suis fidèle à mon équipe. Pour certains projets, c’est bien de changer. Mais on évolue et on apprend ensemble. Ça fait des plateaux intéressants. J’aime travailler avec des amis, avec des gens qui respectent mon travail. Même ma professeur joue dans le film. Elle s’appelle Micheline Lanctôt. C’est une grande actrice et réalisatrice, elle enseigne aussi la direction des acteurs. C’est ma coach dans la vie, et c’est la coach dans mon film ! (rires)

Parlez nous de l’actrice principale Sophie Desmarais…

On avait déjà travaillé ensemble pour un court métrage, Nature morte. Elle est incroyable, elle a réussi à nourrir des silences. C’est une actrice très intelligente. Elle a un regard intense qui dit beaucoup de choses. Elle comprend l’intériorité des personnages. On a une belle complicité ensemble. On a travaillé le rôle pendant un an et demi. Encore une fois, je trouve qu’il est important d’être proche, car être avec quelqu’un que l’on n’aime pas pendant un an et demi, cela peut être un peu pénible ! (rires)

Sarah préfère la course fait écho à Chef de meutes. Il s’agit de deux jeunes femmes qui semblent vivre en marge de la vie et qui ont une obsession pour un objet particulier… Pourquoi l’obsession de l’obsession ? Ça va vous suivre ?

Probablement. En même temps je suis toute jeune, je peux pas prédire mon cinéma pour dans 40 ans. Mais c’est un thème qui m’est cher : moi aussi je suis obsédée par le cinéma. J’aime crée des personnages en marge de la société mais qui essaient de vivre leur vie comme tout le monde.

Est-ce que Sarah préfère la course a un caractère autobiographique ?

Oui, il y a des passages inspirés par mon vécu. Mais ça reste une fiction. Je ne suis pas Sarah. Mais comme elle j’ai une obsession, celle d’être réalisatrice. Et ce n’est pas facile comme métier. Ça coûte chef de financer son rêve de cinéma. J’ai financé tous mes courts métrages tout en essayant de travailler à côté. Tous les sacrifices que j’ai pu faire, je les ai transposés dans le rôle de Sarah. Je ne me suis pas mariée pour avoir les bourses, mais ça m’a quasiment frôlé l’esprit. (rires)

Pourquoi avoir choisi la course ?

Je l’ai choisie pour le rapport avec le corps. Comme c’est un rôle intérieur, je trouvais ça intéressant, car le personnage s’exprime avec son corps quand elle n’y arrive pas par les mots. J’aimais aussi l’idée des corridors, l’idée d’être seule, très solitaire, et puis c’est une métaphore de la fuite que j’aime beaucoup. Ça aurait pu être Sarah préfère la comptabilité, mais c’est moins cinématographique ! (rires)

Comme dans Chef de meute, il est aussi question de jeunes filles. Parler de jeunes filles est important pour vous?

Je ne m’en fais pas une mission. On peut dire que mon cinéma est féministe. Mais je parle de ce que je connais, de ce que j’ai envie de parler. Ce que je connais, c’est mon vécu de femme. Je trouve que l’on manque cruellement de personnage féminin, de personnage en dehors des stéréotypes. Mais j’aime aussi les personnages masculins.

Avez-vous des projets en cours ?

J’ai un projet de web série qui va sortir en juin Féminin/féminin. Le pilote est sorti en janvier. Il est question d’une bande d’amies lesbiennes à Montréal. Ça se veut comique et léger. C’est une bulle dans ma carrière.

J’ai été approchée par Florence Gagnon qui dirige le site lesbien LSTW. Elle voulait une web série avec des lesbiennes. Je voulais quelque chose de positif. Souvent ça finit en suicide, c’est dramatique, il y a la difficulté du coming out. Je voulais présenter ça avec un côté léger. Chaque épisode fait le portrait d’un personnage d’une bande d’amies.

Je finis aussi l’écriture du scénario de mon prochain film Pays. Trois femmes âgées de 20, 30 et 40 ans évoluent dans le monde de la politique et vont entrer dans un conflit sur un territoire. Elles vont devenir amies. C’est sur la solidarité, sur des femmes qui essaient de conjuguer leur vie sentimentale, familiale et leur vie de femmes au pouvoir. J’ai toujours été intriguée par la politique. C’est un monde fascinant. Et puis c’est important de comprendre la politique de son pays. J’ai aussi beaucoup lu de biographies de grandes personnalités comme Kennedy ou Lady Di, même si elle n’a pas vraiment fait de politique.

Ça vous plairait un biopic ? Sur qui ?

Oui ça va venir dans ma carrière. Je choisirai la bio de Jacky Kennedy. C’est quand même quelqu’un qui a changé la vision qu’on avait des femmes en politique. Pas seulement parc qu’elle avait beaucoup de charisme ou parce qu’elle portait de beaux vêtements. Elle était très stratège. Les deux aspects de sa vie m’intéressent: le côté show business et la politique.