La souveraineté européenne contre le traité transatlantique !

Publié le 08 mai 2014 par Blanchemanche

La souveraineté européenne contre le traité transatlantique !
PAR YANNICK JADOT*

L'eurodéputé écologiste Yannick Jadot répond à notre couverture consacrée au Traité transatlantique. Pour lui, cet accord de libre-échange est « plus qu’un cheval de Troie américain ». « C'est d’abord une arme de destruction massive contre la démocratie », écrit-il, car il permettrait aux multinationales, américaines et européennes, d'attaquer « toute décision prise de part et d’autre de l'Atlantique par une collectivité locale, un Etat, l’Union européenne ou l’Etat fédéral américain ».


Sergei Grits/AP/SIPA
Lors de sa visite aux Etats-Unis, le président Hollande a insisté pour « aller vite » vers la conclusion d'un accord de libre-échange transatlantique. Est-ce une réponse à la défiance des Français vis-à-vis des politiques, qui ont renoncé à combattre les inégalités, à lutter contre le dumping social et environnemental qui mine nos sociétés ? Non, car ce traité nous engage un peu plus dans une société de l'impuissance politique, où notre souveraineté serait abandonnée aux firmes multinationales.Il ne s'agit pas d'un conflit entre la gentille Europe et l'impérialiste Amérique. Certes, pour l'administration Obama, tout est négociable : données personnelles, services publics, agriculture, santé, propriété intellectuelle, principe de précaution. Elle n'a pas abandonné le rêve de nous voir manger bœuf aux hormones et volaille javellisée. Car dans cette affaire l'Europe est demandeuse, avec Merkel-Cameron à la manœuvre. Et si la France a exclu des négociations l'exception culturelle, ce qui se joue, c'est le basculement définitif du pouvoir de décision vers les marchés et les firmes : citoyens, salariés et consommateurs américains et européens sont également menacés. 
Au nom de ce traité, toute décision prise par une collectivité locale, un Etat, l'Europe ou l'Etat fédéral américain pourrait être attaquée par les 75 000 multinationales américaines et européennes ou par leurs filiales. Le motif ? L'« entrave au commerce », soit la remise en cause de leurs profits futurs. La sanction ? Le retrait de la décision constestée ou le versement de compensations financières. Demain, des entreprises américaines, voire des filiales américaines d'entreprises européennes pourraient attaquer les normes européennes de protection de la santé et de l'environnement, le moratoire sur le gaz de schiste, l'interdiction du bisphénol A dans les biberons et le refus des OGM. 
Les Etats membres sont-ils prêts à régler son compte à la démocratie au nom de gains économiques improbables, prévus à horizon 2027 ? Si le silence de nos gouvernants est assourdissant, leurs actes parlent d'eux-mêmes : pour quelques contrats, François Hollande et Angela Merkel déroulent le tapis rouge au dictateur chinois Xi Jinping, soumettant un peu plus l'économie européenne au dumping social, humain, environnemental et monétaire chinois ! 
Sommes-nous condamnés au néolibéralisme et à l'austérité ? L'Europe comme les Etats-Unis sont ce que les majorités politiques en font. L'Europe reste une partie de la réponse. Elle est notre seule option pour lutter contre le changement climatique. Elle est notre seule option pour faire face à Mittal, qui profite de la concurrence entre les pays européens pour restructurer en pompant des milliards d'aides publiques. Elle est notre option pour réguler enfin la mondialisation, si nous ne voulons pas être définitivement régulés par elle. 
En 1998, Lionel Jospin avait stoppé l'accord multilatéral sur l'investissement, qui prévoyait déjà d'établir un tribunal d'arbitrage privé au seul bénéfice des firmes multinationales. A la même époque, Jacques Delors défendait un grand dessein pour l'Europe, capable d'être un acteur politique et économique mondial. François Hollande n'est pas leur héritier ! Faute de courage, nos dirigeants ont renoncé à reprendre la main sur l'économie et à bâtir une souveraineté européenne efficace. Ce faisant, ces proeuropéens du dimanche ne nourrissent pas seulement le scepticisme ou la colère vis-à-vis de l'Europe. Ils la déconstruisent jour après jour. L'Europe est un espace politique. A nous de porter d'autres majorités politiques pour reconquérir notre souveraineté individuelle et collective. C'est aux citoyens d'en décider dès le 25 mai ! 
* Yannick Jadot, député européen, Europe Ecologie- Les Verts.