"Welcome to New York" : quand la réalité engloutit la fiction

Par Vierasouto


17 - 05
2014
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PITCH.
L'affaire dite "du Sofitel ou affaire DSK" arrêté à New York en mai 2011. De son arrivée à NY à son astreinte à résidence après son emprisonnement.


Marché du film, 67° Festival de Cannes

NOTES.
Si l'annonce du film a fait un buzz comme jamais c'est que le distributeur (Wild bunch) a décidé de le sortir directement en VOD*, zappant volontairement la sortie en salles, avec la perversité de le lancer en plein festival de Cannes qui l'avait refusé en sélection officielle. Au dernier moment, on a décidé de montrer le film aux festivaliers cannois dans un cinéma du Marché du film (500 places) le samedi 17 mai à 21h, on y faisait la queue dans la rue d'Antibes deux heures avant. A la même heure, on pouvait pour 7 Euros le télécharger en VOD sur une bonne demi-douzaine de plateformes. Les réactions sur Twitter sont très différentes, on louange ou on descend le film, certains depuis Cannes y ont même vu un polar porno alors que le film n'est ni porno ni polar... (ils étaient peut-être dans une autre salle...)
Ce qui est gênant, c'est qu'il est tout à fait impossible d'être objectif sur ce film tant il est factuel (hormis une première demi-heure fantasmée) et que les faits sont connus du monde entier peut-être encore plus dans le détail que ce que nous montre Abel Ferrara : arrivée de
Devereaux depuis Washington pour passer 24 heures au Sofitel (rebaptisé Carlton) à New York, au matin, l'agression d'une femme de chambre venue faire le ménage dans sa suite, la sortie de Devereaux (il n'a pas de prénom) avec sa valise pour déjeuner avec sa fille, son taxi pour l'aéroport, il part pour Paris... Mais "le crime était presque parfait", un détail va le faire tomber, il a oublié son portable au Carlton. Alors qu'il est déjà dans l'avion, en situation d'immunité diplomatique, il accepte d'en ressortir pour ce qu'il croit une rencontre avec un employé de l'hôtel lui rapportant son téléphone, c'est la police, il est s'est fait piégé, et on connaît la suite... Sans doute conscient de l'énormité des faits réels tellement plus forts que la fiction, dans cette seconde partie du film, Ferrara est hyper-factuel, l'arrestation, la prison, les petites humiliations, la presse convoquée la nuit pour le prendre en photo menotté, il emploie le quasi-temps réel. Il reste donc au réalisateur peu de place pour la fiction, il va s'en servir pour la première partie du film avec deux scènes de sexe un peu longuettes (une demi-heure).
Bureau de Washington, l'ambiance est glauque, au chargé du protocole du futur candidat à la présidence de la France, on propose une fellation qu'il refuse. D arrivé dans sa suite du Carlton à NY, sont déjà sur place deux mecs louches (sans doute ceux du Carlton de Lille) et trois putes, s'en suit une partouze avec Milk-shakes Viagra-Cognac. Presque dans la foulée, D, épuisé sur son lit, on lui amène deux prostituées russes pour finir la nuit. C'est le tableau d'un drogué du sexe que brosse Ferrara, habitué des addictions, un homme irresponsable, sans volonté, inféodé à ses pulsions, qui ne se rend plus compte de ce qu'il fait et encore moins des limites. Quand la femme de chambre arrive dans sa suite, D prend sa douche, soudain, la vision d'une femme déclenche aussitôt son obsession morbide pour le sexe mais s'en souvient-il quand il sort de l'hôtel?
Dans la troisième partie du film, bien vu : D est passé de la prison d'état à une prison de luxe payée par sa milliardaire d'épouse et pourquoi pas l'évocation d'une prison mentale qu'il supporte depuis 20 ans avec l'adoration de Simone qui "lui passe tout" comme à un enfant turbulent. Ferrara prend nettement le parti de DSK, victime de son addiction et des ambitions de sa femme qui le veut président de la république. On n'est pas loin de la théorie que l'affaire du Sofitel était un acte manqué, un suicide politique d'un homme qui ne voulait pas être président... Quelques états d'âme sur les années d'idéalisme quand D était élève, puis, professeur, vont dans ce sens, dans l'étude, il était heureux...
Mais le réalisateur va trop loin quand il l'oppose frontalement à son épouse trop riche qui lui a gâché la vie ("Tu as réussi à ce que je me haïsse moi-même", lui dit-il, "Il a détruit tout ce que j'ai construit", se confie-t-elle à un tiers). C'est un peu simplificateur ce schéma de l'homme castré par la fortune de son épouse mais plus crédible qu'il soit l'objet de fixation de ses ambitions à elle d'occuper l'Elysée avec cet homme qui la fascine par son intelligence qu'il faut rentabiliser. Une intelligence qu'on ne montrera pas pas plus qu'on ne verra D en train de travailler, pas même lire un dossier...


photos Wild Bunch
TWITTER.
@Cine_maniac
(17 mai 2014)

"Welcome to NY" difficile de juger le film tant il est factuel et que tt le monde connaît les faits. Bien vu, parallèle prison/prison dorée"


ET AUSSI...

Ni un navet ni un chef d'oeuvre, un film inégal, l'histoire est si forte qu'elle dissout toute velleité de fiction et limite les angles d'approche. La réalisation est tour à tour Ferraresque (les scènes d'intérieur, la première partie, images sombres et rougies) et classique (l'arrestation, la prison, l'astreinte à résidence). On sent la fascination de Ferrara, ancien drogué, pour DSK, sex-addict, et pour Depardieu, devenu une sorte de monstre obèse qui finit sa carrière, un peu comme l'a terminé Marlon Brando, dans les excès, les scandales et les kilos. Ces trois-là partagent la connaissance (voire l'ivresse jouissive) de la "chute", la décadence, un jeu de miroir triple. Quand il est cloitré dans sa luxueuse demeure de NY, D dit qu'il a enfin compris qu'on ne sauve pas les gens car "personne ne veut être sauvé"... Depardieu est soit excellent soit dans une démesure acceptable. Le point faible,
question interprétation, ce sont ses dialogues avec Jacqueline Bisset (Simone), lui, peu motivé, elle, très au dessous de ce qu'aurait pu faire Adjani qui a refusé le rôle après l'avoir accepté dans un premier temps.
Curiosité du film, ce petit prologue où dans une fausse interview, Depardieu, se sentant obligé de se justifier, dit qu'il n'aime pas DSK mais que c'est plus facile de jouer un personnage qu'on n'aime pas, qu'il hait les politiques en général.
* "Welcome to New-York" en VOD à partir du 17 mai 2014 : Orange / iTunes / SFR / Canalplay / MyTF1VOD / FilmoTV / GooglePlay / VirginMega / Videofutur

Note CinéManiaC :
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Mots-clés : Cinéactuel, cinéma américain, Welcome to NY, Abel Ferrara