Les bornes temporelles dans le Nouveau Testament : Fin du monde ou fin de l’Ancienne Alliance ?

Par Monarchomaque

Via Philochristos (reproduit avec permission).

Le premier élément à prendre en considération lorsqu’on s’intéresse à la « fin des temps », est justement… le temps. Les Saintes Écritures donnent en effet des repères très précis concernant les bornes temporelles. Dans le monde évangélique, certains n’ont aucune difficulté à lire la Bible de manière très littérale, considérant même que le monde a été créé en 6 jours de 24 heures, il y a environ 6000 ans. Pourtant, dès qu’il s’agit des prophéties sur la « fin du temps », cette notion de temps devient [soudainement et curieusement] beaucoup plus souple.

Un évènement imminent

Tout au long de son ministère, Jésus ne cesse d’annoncer que le règne de Dieu (souvent traduit par « royaume » dans nos Bibles)  est proche :

« Il disait: Le temps est accompli, et le royaume de Dieu est proche. Repentez-vous, et croyez à la bonne nouvelle. » Marc1:15

De plus, Jésus fixe lui-même des bornes chronologiques assez précises. Après avoir parlé des évènements de la fin des temps, il déclare :

« De même, quand vous verrez toutes ces choses, sachez que le Fils de l’homme est proche, à la porte. Je vous le dis en vérité, cette génération ne passera point, que tout cela n’arrive. » Matthieu 24:33-34

Une génération dans la Bible représente une durée de 40 ans. Jésus s’exprimant dans les années 30, toutes les prophéties concernant la fin des temps ont donc du se réaliser avant les années 70.

Certains veulent donner à « cette génération » un sens plus large. Cependant, un autre verset exclut formellement cette interprétation et montre que le retour du Fils de l’homme dont parle Jésus concerne bien les personnes de son époque :

« Quand on vous persécutera dans une ville, fuyez dans une autre. Je vous le dis en vérité, vous n’aurez pas achevé de parcourir les villes d’Israël que le Fils de l’homme sera venu. » Matthieu 10:23

Pour ce verset, il n’y a guère de doute possible. Jésus s’adresse bien à ses douze disciples (1) qu’il envoie en mission en leur promettant que le « Fils de l’homme » sera revenu avant qu’ils n’aient eu le temps de faire le tour des villes d’Israël. il y’a donc trois possibilités :

a) Les disciples ont fini de faire le tour des villes d’Israël depuis plus de 1900 ans, le Fils de l’homme n’est pas revenu, les théologiens futuristes ont raison et Jésus s’est trompé

b) Pierre, Jean et les autres sont toujours en train de faire le tour des villes d’Israël

c) Le Fils de l’homme est bien revenu avant que les disciples n’aient eu le temps temps de faire le tour des villes d’Israël, les théologiens futuristes sont dans l’erreur et Jésus avait raison.

 La fin est proche

En plus des déclarations de Jésus, l’affirmation de la proximité de la fin des temps est constamment répétée par les apôtres et les auteurs du Nouveau Testament.

Paul :

« Que votre douceur soit connue de tous les hommes. Le Seigneur est proche. » Philippiens 4:5

Jacques :

« Vous aussi, soyez patients, affermissez vos coeurs, car l’avènement du Seigneur est proche. » Jacques 5:8

Pierre :

« La fin de toutes choses est proche. Soyez donc sages et sobres, pour vaquer à la prière. » 1 Pierre 4:7

L’auteur de l’Épître aux Hébreux :

« Après avoir, à maintes reprises et sous maintes formes, parlé jadis aux Pères par les prophètes, Dieu, en ces jours qui sont les derniers, nous a parlé par un Fils, qu’il a établi héritier de toutes choses, par qui aussi il a fait les éons. » Épître aux Hébreux 1:1-2

 Quant à Jean, il parle même de la dernière heure :

« Petits enfants, c’est la dernière heure, et comme vous avez appris qu’un antichrist vient, il y a maintenant plusieurs antichrists : par là nous connaissons que c’est la dernière heure. » 1 Jean 2:18

 Or on aura beau dire ce qu’on veut, mais un évènement qui s’accomplirait 2000 ans après (ou plus) n’est pas proche.

 Les temps de Dieu et le langage humain

Le verset habituel pour répondre à cette remarque est 2 Pierre 3:8 (citant les Psaumes) :

« Mais il est une chose, bien-aimés, que vous ne devez pas ignorer, c’est que, devant le Seigneur, un jour est comme mille ans, et mille ans sont comme un jour. »

Avec un tel raisonnement, nous ne serions donc que « deux jours après », ce qui est encore proche. Oui, mais c’est oublier que, lorsque Dieu se révèle, il s’adapte à son interlocuteur et utilise un langage humain.

Par ailleurs, une autre remarque de l’apôtre Paul permet d’appuyer cette idée.

 Le mariage et la fin des temps

Dans sa Première Épître aux Corinthiens, au chapitre 7, Paul conseille plusieurs fois de ne pas se marier :

 « Pour ce qui concerne les choses dont vous m’avez écrit, je pense qu’il est bon pour l’homme de ne point toucher de femme […]. À ceux qui ne sont pas mariés et aux veuves, je dis qu’il leur est bon de rester comme moi [= célibataire]. »

Pourquoi de tels conseils ? Paul considère-t-il que le mariage est mauvais ? Non mais lui-même nous en donne l’explication :

 « Voici donc ce que j’estime bon, à cause des temps difficiles qui s’approchent: il est bon à un homme d’être ainsi. Es-tu lié à une femme, ne cherche pas à rompre ce lien; n’es-tu pas lié à une femme, ne cherche pas une femme.  Si tu t’es marié, tu n’as point péché; et si la vierge s’est mariée, elle n’a point péché; mais ces personnes auront des tribulations dans la chair, et je voudrais vous les épargner. Voici ce que je dis, frères, c’est que le temps est court; que désormais ceux qui ont des femmes soient comme n’en ayant pas,  ceux qui pleurent comme ne pleurant pas, ceux qui se réjouissent comme ne se réjouissant pas, ceux qui achètent comme ne possédant pas,  et ceux qui usent du monde comme n’en usant pas, car la figure de ce monde passe. »

Paul justifie ses conseils par l’approche de la fin des temps (« le temps est court »). Si réellement cette « fin des temps » se référait à la « fin du monde », comme on le pense couramment, pourquoi alors l’apôtre conseillerait-il à des gens qui vivaient il y a 2000 ans de ne pas se marier ? Cela n’a aucun sens. Pour que le conseil de l’apôtre Paul soit pertinent, il faut que l’évènement auquel il pense s’accomplisse effectivement durant la génération à laquelle il s’adresse. [1 Corinthiens 7 peut seulement être une dérogation particulière à une règle générale : Dieu a conçu l'homme et la femme pour qu'ils se marient. Paul réfère sans doute à l’Année des Quatre empereurs (de juin 68 à décembre 69) qui vit l’Empire romain se scinder en quatre et être secoué par une Guerre civile. Ces troubles ont vraisemblablement engendrés des difficultés économiques et des instabilités dans l’approvisionnement en denrées alimentaires, et qu’il valait donc mieux attendre un peu pour se marier et fonder une famille.]

Conclusion

Tous ces passages, montrent sans aucun doute que la « fin des temps » était considérée comme imminente par les auteurs du Nouveau Testament. Il y a donc maintenant deux possibilités :

a) Soit la « fin des temps » correspond à la fin du monde, comme beaucoup de nos contemporains le pensent, et dans ce cas là les auteurs du Nouveau Testament se sont trompés.

b) Soit la « fin des temps » ne correspond pas à la fin du monde, et cette fin des temps s’est bien accomplie comme ils l’avaient prédite.

C’est cette deuxième hypothèse que je développerai dans les prochains  articles, en montrant que la fin des temps correspond en réalité à la fin de l’Ancienne Alliance.

Note

(1) Voici le passage complet qui montre sans ambiguïté que Jésus s’adresse bien à ses douze disciples et non à une génération future ou à n’importe quel missionnaire :

« Puis, ayant appelé ses douze disciples, il leur donna le pouvoir de chasser les esprits impurs, et de guérir toute maladie et toute infirmité. Voici les noms des douze apôtres. Le premier, Simon appelé Pierre, et André, son frère; Jacques, fils de Zébédée, et Jean, son frère; Philippe, et Barthélemy; Thomas, et Matthieu, le publicain; Jacques, fils d’Alphée, et Thaddée; Simon le Cananite, et Judas l’Iscariot, celui qui livra Jésus. Tels sont les douze que Jésus envoya, après leur avoir donné les instructions suivantes: N’allez pas vers les païens, et n’entrez pas dans les villes des Samaritains; allez plutôt vers les brebis perdues de la maison d’Israël.  Allez, prêchez, et dites: Le royaume des cieux est proche  Guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, chassez les démons. Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement. Ne prenez ni or, ni argent, ni monnaie, dans vos ceintures;  ni sac pour le voyage, ni deux tuniques, ni souliers, ni bâton; car l’ouvrier mérite sa nourriture. Dans quelque ville ou village que vous entriez, informez-vous s’il s’y trouve quelque homme digne de vous recevoir; et demeurez chez lui jusqu’à ce que vous partiez. En entrant dans la maison, saluez-la; et, si la maison en est digne, que votre paix vienne sur elle; mais si elle n’en est pas digne, que votre paix retourne à vous. Lorsqu’on ne vous recevra pas et qu’on n’écoutera pas vos paroles, sortez de cette maison ou de cette ville et secouez la poussière de vos pieds.  Je vous le dis en vérité: au jour du jugement, le pays de Sodome et de Gomorrhe sera traité moins rigoureusement que cette ville-là.Voici, je vous envoie comme des brebis au milieu des loups. Soyez donc prudents comme les serpents, et simples comme les colombes. Mettez-vous en garde contre les hommes; car ils vous livreront aux tribunaux, et ils vous battront de verges dans leurs synagogues; vous serez menés, à cause de moi, devant des gouverneurs et devant des rois, pour servir de témoignage à eux et aux païens. Mais, quand on vous livrera, ne vous inquiétez ni de la manière dont vous parlerez ni de ce que vous direz: ce que vous aurez à dire vous sera donné à l’heure même; car ce n’est pas vous qui parlerez, c’est l’Esprit de votre Père qui parlera en vous.  Le frère livrera son frère à la mort, et le père son enfant; les enfants se soulèveront contre leurs parents, et les feront mourir. Vous serez haïs de tous, à cause de mon nom; mais celui qui persévérera jusqu’à la fin sera sauvé.  Quand on vous persécutera dans une ville, fuyez dans une autre. Je vous le dis en vérité, vous n’aurez pas achevé de parcourir les villes d’Israël que le Fils de l’homme sera venu. » Matthieu 10:1-23