Bocuse d’Or – Stockholm 2014

Par Gourmets&co

La fête est finie. Le rideau est tombé. Les chefs sont repartis, peut-être dans leurs cuisines qu’ils devraient un peu moins quitter d’ailleurs. Car on les voit partout depuis quelque temps : dans les galas, les concours, les manifestations de tous ordres, à la télé, dans les journaux… On comprend que la gastronomie soit devenue en peu de temps et dans la majorité des pays de la planète, un enjeu économique puissant mais qui va même au-delà, devenant un positionnement identitaire reposant sur les origines, la terre, et un héritage, la plupart du temps idéalisé.

La Suède n’échappe pas à la règle, au contraire. Sa stratégie touristique repose maintenant en grande partie sur la cuisine, les produits, sauvages ou d’élevages, avec des notions de pureté du pays grâce ou à cause de la rudesse du climat et du peu d’habitants par rapport à la superficie totale. Lancée par les Danois, la mode du tout nordique envahit maintenant les autres pays scandinaves. Les chefs suédois ne veulent utiliser que les produits locaux, à l’exception des poissons et crustacés qui viennent de Norvège, les fermes et une nouvelle agriculture bio ont le vent en poupe, les races bovines sont à l’honneur, et le végétal est vénéré peut-être à cause de sa courte durée de vie sur le sol scandinave.

Depuis quelques années, les scandinaves sont toujours sur le podium des concours gastronomiques et particulièrement du Bocuse d’Or. Rasmus Kofoed, le chef danois, en est le meilleur exemple. Ils aiment les concours et surtout mettent toutes les chances de leurs cotés pour les gagner : des mois de travail, d’entrainement avec coach et seconds, un désir de vaincre, une volonté de gagner, une technique irréprochable, et un soutien sans faille de toute une organisation.

Sans surprise, ou presque, le chef suédois Tommy Myllymäki l’a emporté. Le Danemark est second, la Norvège troisième. Sans commentaire. La suprématie est totale, pour ce genre de compétition en tout cas. Car enfin, le Bocuse d’Or avec ses supporters, ses officiels, ses nuées de journalistes, ses animations sur grand écran tandis que les chefs tentent de se concentrer sur leur travail durant cinq heures, tient plus du Barnum Circus que d’un concours sérieux et précis de chefs jugeant d’autres chefs. Nous sommes loin du concours du Meilleur Ouvrier de France. Peut-être le succès a-t-il dévoré une manifestation qui partait avec un esprit sympathique et ludique. L’évolution n’est pas sans rappeler, toutes proportions gardées, celle dans la forme et le fond des J.O. ou de la Coupe du Monde de football.

En tout cas, organisation parfaite dans le grand Stockholmsmässan, ambiance bon enfant, beaucoup de monde, un dîner de gala somptueux et parfaitement géré, et un beau succès mérité pour la Suède, décidemment un pays qui vous gagne toujours un peu plus à chaque visite par sa beauté et la gentillesse naturelle de ses habitants.

Et la France ? Elle a perdu bien sûr. La France perd en ce moment. Des usines, des sociétés, des matches de foot, de tennis, même l’Eurovision. Diable. Essayons en 2016 de présenter un chef transexuel, ou que sais-je, et tout le monde serait obligé de voter pour lui pour montrer à l’Europe ébahie la tolérance et l’ouverture d’esprit des membres du jury.

Arrivé en quatrième position, avec cependant le titre de Meilleur plat de poisson, Nicolas Davouze du Château Saint-Martin Hôtel & Spa, a semble-t-il des excuses. Une période d’entrainement très courte (à peine un mois), une nervosité et une tension qui faisaient peine à voir pendant le concours, et un petit ratage sur le foie gras qui n’a pas détendu l’atmosphère. Dans les allées des sponsors et des supporters, on pouvait croiser Régis Marcon, omniprésent dans les concours en tout genre, Arnaud Lallement auréolé de ses nouvelles trois étoiles , Yannick Alléno discret mais sûrement efficace, et d’autres, en soutien et en représentation.
Rassurons-nous. Le Bocuse d’or est la F1 de la gastronomie qui n’a que peu d’influence sur notre pain quotidien et nos bonnes tables françaises de tous les jours. C’est là, dans ces cuisines, que nous sommes les meilleurs. Olé !