Le FN et la parité

Publié le 28 mai 2014 par Aurelinfo

À 63 ans, Joëlle Bergeron fait partie du paysage politique breton depuis une quarantaine d'années. Elle s'est engagée aux côtés de son mari au Front national dès le début. Devenue veuve, elle a repris le combat local et est entrée au conseil municipal de Lorient aux dernières municipales. La candidate FN a été l'une des surprises des européennes dans la circonscription Ouest. Avec la tête de liste Gilles Lebreton, elle a été élue pour siéger au Parlement européen. Pourtant on l'a poussée à la démission. Marine Le Pen lui reproche ses propos en faveur du droit de vote des étrangers lors d'un débat à Rennes. Joëlle Bergeron affirme quant à elle que son éviction avait été actée bien avant pour permettre à Gilles Penelle, un proche breton de Marine Le Pen, de siéger au Parlement européen.
Le Point.fr : Vous affirmez que votre démission n'est pas liée à vos propos sur le droit de vote des étrangers en France, mais au refus du principe de parité par les cadres du FN.
 
 
Joëlle Bergeron : En effet, Marine Le Pen ne dit pas la vérité. Tout d'abord, je voudrais préciser que ces propos n'ont pas été bien compris. J'ai dit qu'un étranger, anglais, allemand ou arabe, s'il payait ses impôts et travaillait en France, devrait pouvoir voter aux élections locales. Il travaille pour le pays après tout. On m'a reproché de dire que les Arabes et les musulmans voteraient en France, sans comprendre ce que j'avais dit.

Ma démission est une décision prise bien avant la campagne électorale. Quand on m'a demandé d'être deuxième sur la liste de Gilles Lebreton, M. Penelle (le responsable départemental du FN, proche de Marine Le Pen, NDLR) m'a dit : "Tu démissionneras pour que je vienne en seconde position sur la liste." J'avais fait de très bons scores aux élections municipales, je pensais que j'avais un peu d'influence et je n'imaginais pas que Marine Le Pen marcherait dans cette combine qui allait à l'encontre de la loi sur la parité dans les listes électorales. Et aujourd'hui, en tant que femme politique, je ne peux l'accepter. De toute façon, ils m'ont dit clairement qu'ils étaient contre la parité.
La déception est donc grande ?
En effet. Mais au-delà d'une déception, je suis très inquiète de ce qu'est en train de devenir le Front national. Et si le FN devenait un parti d'énarques comme le sont l'UMP ou le PS ? Avec des apparatchiks, des profs et des grands penseurs qui changent de lignes politiques. Ma démission, c'est la preuve que les cadres du FN se fichent de la parité. Ils la respectaient avant, mais ce n'est plus le cas. Et demain, lequel de leurs engagements ne respecteront-ils plus ? Va-t-on fonctionner sur le modèle du système UMPS ?

Marine Le Pen a déclaré ce mardi sur BFM que les gens du parti étaient "responsables, raisonnables et cohérents avec leurs votes". Avez-vous manqué de cohérence vis-à-vis du parti en vous déclarant pour le droit de vote des étrangers ?
Je me trouve cohérente. Je l'ai toujours été. Si Marine Le Pen arrive à penser pour moi, moi, je ne pense pas pour elle. Dire que c'est à cause de ces propos, ce n'est pas dire la vérité.
Pourquoi avoir fait le choix d'abandonner tous vos mandats politiques, y compris celui de conseillère municipale ?
Je ne démissionne pas parce que je ne voudrais pas exercer ces mandats. Je démissionne parce que les cadres du FN me jugent incapable parce que je suis une femme. Ma voix n'a plus de poids au niveau local puisque je suis jetée au niveau national, comme un vieux kleenex usagé.
Avez-vous eu le temps de réfléchir à votre avenir en politique ?
(émue) Je crois que je vais me retirer de la vie politique. Je suis arrivée au FN avec plein d'espoirs, et je repars extrêmement déçue et inquiète pour le parti.

Source : Le Point