:!: Article révélant la fin du film
Pour rappel, Enemy est le dernier film du réalisateur québécois Denis Villeneuve, avec Jake Gyllenhaal dans le rôle principal. Il interprète Adam, un professeur d’histoire discret qui mène une vie paisible avec sa fiancée Mary (Mélanie Laurent). Un jour qu’il découvre son sosie parfait en la personne d’Anthony, un acteur fantasque, il ressent un trouble profond. Il commence alors à observer à distance la vie de cet homme et de sa mystérieuse femme enceinte (Sarah Gadon). Puis Adam se met à imaginer les plus stupéfiants scénarios… pour lui et pour son propre couple.
A l’issue du visionnage, plusieurs questions surgissent inévitablement. Quel est le sens du plan final? Que symbolisent les différentes araignées? Le personnage de Jake Gyllenhaal a-t-il vraiment un double identique? Autant de questions, et bien d’autres encore, auxquelles il est finalement possible d’apporter une réponse après un nouveau visionnage et un peu de réflexion. Cependant, avant d’aller plus loin, je pense qu’il est nécessaire de clarifier une bonne fois pour toute l’interrogation principale autour de l’élément central du film. Le personnage de Jake Gyllenhaal dispose-t-il, oui ou non, d’un jumeau en tous points identique? La réponse est non ! Plus le film avance et plus cela devient évident. Et si certains en doutent encore, il suffit de se référer aux interviews du réalisateur qui déclarait durant la promo que le film pouvait s’interpréter comme un documentaire sur le subconscient du personnage de Jake Gyllenhaal. Il apparaît donc clair que les deux versions du personnage de Jake Gyllenhaal ne forment en fin de compte qu’une seule et même personne, et que le film décrit la lutte qui se joue dans l’esprit du personnage. Mais que savons-nous exactement des deux versions du personnage? L’un est acteur, charismatique, marié à une femme enceinte et plutôt attentif à son look. Tandis que l’autre est professeur d’histoire, discret, plutôt désordonné et en couple avec une jeune femme qu’il voit régulièrement sans pour autant avoir d’attache.
Le point culminant du conflit étant certainement la confrontation intense entre les deux versions du personnage. Une confrontation durant laquelle le professeur d’histoire Adam Bell passe un marché avec l’acteur Anthony St. Claire en lui permettant de passer une soirée avec Mary, sa petite amie interprétée par Mélanie Laurent. Pour ma part, j’interprète ce marché comme une façon pour lui de se débarrasser une bonne fois pour toute de la partie néfaste de sa personne, la partie narcissique et infidèle qui fait tant souffrir son mariage. Dans le même temps, il se rend dans le bel appartement d’Anthony et tente d’appréhender les lieux avant le retour de sa femme. Il y découvre notamment une photo de couple entière qui renvoie immédiatement à celle déchirée du début du film. Plus tard, dans le lit avec sa femme, cette dernière semble remarquer quelque chose d’inhabituel et lui demande s’il a passé une bonne journée à l’école. Ce qui va dans le sens de l’idée selon laquelle il est bien professeur d’histoire et qu’elle est parfaitement consciente de sa condition. En effet, au lieu de le confronter directement, elle joue le jeu pour qu’il fasse lui-même le cheminement mental. Malheureusement, il ne se souvient pas et ne voit pas de quoi elle parle. Cependant, durant la nuit, il se réveille et semble en proie aux doutes. Sa femme souhaite qu’il reste et au moment précis où ils se retrouvent charnellement, l’autre version du personnage subit un accident de voiture critique après une dispute violente avec Mélanie Laurent.
- It’s important to remember this. This is a pattern that repeats itself throughout history.
Je pense que le personnage comprend en voyant l’araignée qu’il reproduit exactement le même schéma. Il répète inlassablement les mêmes erreurs dès lors que la tentation survient. Il est d’ailleurs intéressant de constater que le film se termine avec un coup de téléphone manqué de sa mère et commence avec un message de sa mère laissé sur son répondeur. Ce qui confirme la théorie selon laquelle le schéma se répète. Par la suite, il reprend :
- All the greatest events happen twice. The first time, it’s a tragedy. The second time, it’s a farce.
Une fois le stade de la tragédie dépassé, je pense que le personnage se rend compte de la grosse blague que représente la situation. Effectivement, bien qu’il soit parfaitement conscient de ses problèmes et de l’issue dramatique de la situation, il ne peut pas s’empêcher de céder, encore et toujours, à la tentation, et donc de répéter continuellement le même processus. On peut ainsi parfaitement imaginer que ce n’est pas la première fois que cela se produit et le personnage le réalise en voyant l’araignée sur la défensive. D’où son très léger détachement à la fin, comme s’il se rendait compte, après l’aspect tragique du moment, de son aspect humoristique.
En définitive, si on se réfère au titre du film, on comprend donc maintenant que l’ennemi, c’est lui-même ! Ses pulsions, ses peurs, son incapacité à s’engager dans une relation saine et normale. Toute une série de choses qui peuvent mener à terme à la destruction de sa santé mentale, de son mariage et même de sa vie.
Voilà donc comment j’ai compris le film sur base d’éléments du scénario aussi concrets que possible. J’espère que l’article vous aura permis d’y voir plus clair. Comme d’habitude, n’hésitez pas à réagir si vous avez des questions, des remarques ou même, qui sait, une interprétation différente de la mienne.